La liste bondage et contraintes SUITE

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il y a 6 ans

La liste bondage et contrainte suite et fin

 

Les confidences érotiques d’une jeune femme découvrant le plaisir du bondage et les contraintes.

 

LA LISTE ( SUITE 5 )

 

Vendredi après-midi. Bon, je savais qu'il allait faire quelque chose ; là, je suis blonde platinée. Comme hors-d'œuvre, ça vous convient ? Je n'arrive pas à imaginer que j'aie pu laisser faire ça. C'est ma faute, vraiment. Je me le suis fait à moi-même.

            J'ai objecté, un chouia. Enfin, je l'ai supplié de ne pas m'obliger à le faire. J'aurais pu refuser et lui dire que non, mais j'aurais tout gâché. Je savais tout au fond de moi qu'il serait vain d'essayer de changer ce qu'il avait en tête. D'une certaine façon, il parvint à me persuader d'en passer par là. Et puis, il s'agit d'un changement bien intéressant. J'ai vraiment l'air différente.

            Changer la couleur de mes cheveux fait partie de la Liste, après tout, et J a raison quand il dit que je pourrais toujours me les reteindre en noir. Je pense que j'étais surtout soucieuse pour le cas où j'aurais eu à trouver un nouveau boulot - ce que j'aurais à faire dans pas longtemps, d'ailleurs. Des cheveux blonds platinés, ça n'est pas le truc dans lequel l'image de l'infirmière type puisse se projeter. Vous laisseriez Madonna vous faire une piqûre ? Pas besoin de me répondre. Vous le feriez probablement.

            Je pense que les patients confieraient plus aisément leurs vies à Florence Nightingale. Non pas que je ressemble de près ou de loin à Madonna, mais si ce n'était pas pour me trouver un boulot, je dois avouer que ça me va plutôt bien. Mes cheveux sont bien assez frisés pour que je ne les affaiblisse pas en les décolorant. Là, ils sont carrément crépus.

            J'ai pensé tout d'abord que la teinture était ma punition pour l'achat des lames de scie, mais quand j'y repense ce n'est pas possible, parce que J avait pris ce rendez-vous chez le coiffeur depuis bien longtemps, ce qui signifie sans doute qu'il l'avait prévu depuis le tout début. Il m'avait dit que j'aurais peut-être à convaincre le coiffeur de me teindre en blonde, vu que c'est un gros changement ; il a donc fallu que je coopère pour m'infliger ça. J'étais d'accord que ça faisait partie de la Liste, - et il avait toujours été très persuasif - et j'avais accepté de coopérer en conséquence (en secret, j'avais toujours voulu essayer d'être blonde, quoique pas spécialement platinée).

            Il s'avéra que c'était une espèce de salon de coiffure d'avant-garde où tous les coiffeurs étaient des punks. Le mec n'eut pas un clignement de paupière quand je lui dis ce que je voulais. Il m'aurait fait une crête d'Iroquois mauve si je le lui avais demandé. Ils avaient prévu de prendre toute la matinée pour ça quand J avait appelé, et il fallut tout ce temps pour que ce soit fait. J m'avait fait enlever mes lentilles pour y aller, et il m'avait demandé de ne pas me regarder dans le miroir pendant que le coiffeur serait à l'œuvre, mais je ne pus m'en empêcher. J'ai bien dû regarder quand il m'a demandé si ça me plaisait. J'eus donc droit à un vague coup d'œil, mais c'est tout.

            Quand nous fûmes de retour à la maison, la première chose qu'il fit fut de me retirer quelques uns de mes petits cadenas et des chaînes. Elles ne sont pas spécialement lourdes - pas comme celles en acier qu'on entend cliqueter dans les films, - dans les donjons - mais leurs maillons sont soudés et elles sont très solides. J'ai tenté de les rompre. Et puis je suis toute festonnée de chaînes. D'abord il me passa de vraies menottes aux poignets, et il y relia une chaînette d'une trentaine de centimètres munie d'un anneau en son centre. Puis, les « menottes » à mes chevilles, (en fait je crois qu'on appelle ça des fers) y furent reliées par une autre chaîne à peine plus longue. Une longueur en reliait l'anneau sis entre mes poignets à la chaîne des chevilles, mais en passant au travers de anneau ventral de mon string d'acier perpétuel. Je peux avancer à petits pas, et quand ma chaîne coulisse à travers l'anneau de ma taille, je parviens à élever mes mains jusqu'à mon visage - si je ne suis pas en train de marcher. En m'accroupissant, j'arriverai à me laver les cheveux. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir rester comme ça. Toutes ces menottes m'irritent la peau quand je me déplace un peu trop, c'est ennuyeux parfois quand je suis seule toute la journée.

            Mais, parfois aussi, mes tétons se dressent quand je chancelle et titube dans la maison et que je pense à son retour du boulot... et que je me demande ce qu'il m'a prévu pour ce soir.

            Il avait pris des congés pour m'amener à mon rendez-vous chez le coiffeur et aussi pour mon enchaînement consécutif. Après m'avoir enchaînée, il me laissa telle quelle et il repartit travailler. Ça ne va pas vite, de taper tout ça à la machine avec les chaînes qui pendent à mes poignets. Je fais plein de fautes, et elles font un bruit de ferraille en tapant sur l'imprimante, sous la table. Avant de partir, il m'a dit que ni la teinture, ni les chaînes n'étaient une punition pour l'épisode des lames de scie. C'était juste à titre préventif. La punition viendrait en son temps. Je ne peux même plus pratiquer ma danse orientale dans cet accoutrement. Mais au moins je peux coudre et lire.

            Je ne me vois pas aller au club de gym les temps prochains, même sans les chaînes. J'y ai fait la connaissance de quelques personnes en échangeant des banalités, mais tout de même pas assez banales pour que je puisse me pointer en blonde platinée dans faire se hausser quelques paires de sourcils. Je sais, Madonna aussi a les cheveux blonds platinés, alors où est le problème, hein ? qu'est-ce qui fait que ce look soit si spécial ? Elle enfile ses bigoudis l'un après l'autre, comme nous toutes, pas vrai ? Je sais pas. Je crois que tout bêtement je ne suis pas Madonna. Peut-être bien que j'aurais tout de même pu sortir, mais je n'en ai pas saisi l'occasion, à vrai dire. Pour sûr, maintenant je ne pourrais plus sortir.

 

Il s'est passé bien du temps depuis mes dernières lignes. J'espère que je pourrais me rappeler de tout. Je ne suis même pas sûre de savoir quel jour on est. Je suis bien loin de continuer à tout mettre à jour, mais j'ai été très occupée pendant la semaine de congés de J. Vraiment très occupée. Je n'arrive toujours pas à croire à ce qu'il m'a fait. Tout viendra en son temps.

            Quand J est revenu du travail, vendredi dernier, il avait envie de parler. Pour quiconque ça aurait pu ressembler à une soirée parfaitement banale d'un couple moyen chez lui, si j'avais été vêtue d'autre chose que de chaînes et que je n'aie dû effectuer de tout petits pas pour le suivre à son rythme. Et que, bien sûr, je n'aie été une blonde platinée dépourvue de poils pubiens. Il me demanda d'aller nous préparer un apéro et d'aller le rejoindre sur la pelouse. Il s'était assis sur une murette à côté du jardin ; je vins vers lui et nous nous mîmes à bavarder. Je croisai les jambes en sirotant mon verre comme si j'avais été à une réception. L'atmosphère était encore tiède, bien que nous fussions alors au crépuscule d'un mois de mars ; ça sentait le printemps et une douce brise nous soufflait dessus. Je pourrais facilement tomber amoureuse du Sud. Pour une raison X, je me sentais parfaitement en sécurité intérieurement bien qu'étant nue à l'extérieur ; je suppose que c'est à cause de la sensation d'isolement, au beau milieu des bois. Et puis ça m'aide aussi que J soit là. Nonobstant, se sentir en sécurité n'est pas la même chose que de se sentir détendue : je n'étais pas tout à fait à l'aise à converser ainsi et dans de telles circonstances. Et puis, les briques étaient froides et rêches. Et une fourmi m'avait piquée.

            La conversation débuta par des remarques anodines du genre « tu as passé une bonne journée ? » et « le vent de printemps est exquis, surtout après l'hiver, » et « tu as terminé ta tenue de harem ? » Mon Dieu, pensai-je, on cause de la pluie et du beau temps et il faut que je lève les deux mains pour pouvoir siroter ma vodka-orange, vu qu'elles sont enchaînées.

            « Tu es belle, tu sais, » lança-t-il à l'improviste. Il n'est pas très loquace, et nous avons érigé en dogme qu'il en dise encore moins à propos de mon apparence. « Très belle. Tu t'es vue dans un miroir, ces derniers temps ? »

            Bien sûr que je l'avais fait, en continu, même. Je m'étais remaquillée deux fois ce jour-là. J'ai l'air de quelqu'un d'autre et je commence à m'y faire. J'aime mes sourcils affinés, ceci dit. Je les ai transformés en deux arcs haut perchés, comme ceux des danseuses des années 20. Elles avaient l'air un brin artificiel, je sais, mais pourtant je les aime bien. Et mes tétons. Je suis devenue très fière d'eux. J'ai envie de les exhiber, du moins en privé, pour J. C'est un oxymoron, je sais, du genre 'une célébrité locale', mais m'exhiber en privé est la seule chose que je puisse assumer commodément. J'ai presque acquis la conviction que J aime réellement mon corps. En entier, et même mes tétons. Bien sûr, mes cheveux c'est toute une histoire : une boule cotonneuse et blonde platinée presque à l'afro. La couleur a l'air excessivement artificielle, par ailleurs ; mais je ne sais pas pourquoi, l'artificialité m'a toujours excitée, comme si j'avais eu un badge qui aurait proclamé à J, « regarde que ce que je suis prête à faire pour toi. » Et aux autres, « regardez ce que je suis prête à faire pour lui. Je suis sienne. Niark, niark, niark. » Bien que seuls quelques inconnus aient pu me voir ainsi. J'en reparlerai plus tard.

            Mon apparence entière est un rappel symbolique et constant du fait qu'il m'a fait quelque chose, qu'il a apposé son sceau de propriétaire sur moi, et que je désire être possédée de cette manière. Je nommerai cela une espèce de « fierté de posséder » inversée (à l'envers ? involutée ?), mais ce n'est pas une fierté que je puisse montrer aisément en public. Je serais embarrassée ; mais cet embarras public potentiel est un don, une mesure symbolique de ce que je ferais pour lui. Je suppose que c'est ce qu'il voulait dire quand il me parlait de ma gêne et de mon embarras comme d'un don.

            Je pense trop à tout ça. Je peux à peine me montrer en public, et pas du tout avec les chaînes. Pourquoi devrais-je en être gênée ? vous dites-vous. Je crois que c'est parce que je sais pourquoi j'ai l'air de ce que je suis, même si les gens de l'extérieur ne pourraient pas le savoir.

            Ou bien c'est parce que je suis de l'Indiana, où tout au fond d'eux-mêmes les natifs n'approuvent pas même les blondes naturelles. Et que j'ai presque l'air d'une albinos.

            Qu'est-ce que ça peut me faire si quelqu'un d'autre venait à savoir ? L'idée que des inconnus réagissent à la révélation que je suis l'esclave consentante de J est passablement excitante ; je veux bien aller jusque là. Mais si l'une de mes connaissances venait à savoir, ce serait effroyable. Si un inconnu savait, je serais très gênée, par ailleurs, mais je pourrais assumer ce type de gêne. Peut-être.

            Enfin bon, il se mit dans de grandes douleurs pour me dire combien il me trouvait belle, particulièrement avec mes chaînes. Des fois, je me tortille dedans à fond. Et j'aime être contrainte si c'est par lui ; je ne l'écris pas spécialement parce qu'il va me relire. Il y avait une chaleur et une admiration authentiques dans ses yeux quand il me parlait ; je le croyais, et, bon, tout ce qu'il me demandait parfois, c'était de m'agiter un peu dans mes chaînes, c'est tout. Les choses qu'il m'a dites ! Il m'a dit qu'il voulait que je lui appartienne encore plus que je ne le faisais déjà. Mais il m'a dit aussi que je n'avais pas encore payé pour les lames de scie, et il se fit soudainement distant, une distance qui me le rendait difficile à décrypter. Un peu comme un parent que j'aurais déçu mais qui m'aimerait quand même. Pourtant, il y avait quelque chose qu'il ne voulait pas me dire. Je pense aussi qu'il était content que j'aie enfreint la règle. Je ne savais pas à quoi m'attendre en guise de punition.

            Dieu ! si j'avais seulement pu savoir, mais à ce moment je ne ressentis rien d'autre qu'une chaleur rougeoyante doublée d'une impatience nerveuse aux implications que supposaient ce qu'il venait de dire. OK, je suis donc une traîtresse du Middle West... Mais si seulement j'avais su. Doux Jésus. Je ne crois pas encore à ce qu'il m'a fait.

            Quand il m'a demandé si j'avais fini ma couture, je lui ai expliqué que j'avais besoin que quelques trucs en plus à la mercerie, pour la tenue de danse orientale et de quelques heures de travail, mais que je savais qu'il l'aimerait. L'autre tenue - le body modifié - était prête et je serais heureuse de faire le mannequin pour lui. Je faisais très attention à ne pas lui remettre les lames de scie en tête, mais il restait toujours bien distant. La chaleur quitta ses yeux d'un coup quand il adopta son 'ton de maître' solennel pour me dire « Mets-toi debout. Cette conversation est terminée. Recule, je veux te regarder. »

            Et il me regarda. J'étais debout en face de lui, mes poignets enchaînés posés sur le devant des cuisses. Je me suis habituée à ces changements de ton fréquents dans nos conversations, j'ai appris à changer d'attitude en conséquence et à y réagir instantanément. Ses yeux parcoururent mon corps, en s'attardant sur mes mamelons transpercés. Je portais les pendants de grenat. Mes tétons se durcirent sous son regard ; je me sens si vite gênée, encore maintenant. Mais la gêne m'était devenue un truc sexuel ; d'une certaine façon j'y prenais plaisir. Plaisir n'est peut-être pas le mot juste, mais si vous n'avez toujours pas compris, vous feriez mieux de vous arrêter de lire tout de suite. Je ne peux pas expliquer mieux que je ne l'ai fait.

            -*-

            Samedi matin, nous sommes allés à la mercerie. Je n'avais pas quitté la maison depuis (à peu près une semaine, je crois). Et il n'y avait pas eu un seul moment où je n'aie été irrémédiablement mise en chaînes, coincée par ces sales petits cadenas, etc. Pas une minute depuis. Sauf une fois, brièvement.

            Depuis qu'il m'avait redonné les clés de la voiture (je vous l'avais dit ou pas ? il me les avait reprises. C'est si dur de vous abreuver sans cesse de trucs pertinents), je mettais ma tenue de gym presque tout le temps, et c'est elle que je portais ce samedi-là à la mercerie, sauf qu'il m'avait remis cette... chose... en moi, maintenue en place par la chaîne, sous le short.

            Il me conduisit au magasin, et nous y pénétrâmes. J'étais tellement gênée par mon allure que j'avais mis des lunettes noires. C'est stupide, mais je me sentais protégée par elles. Je devais marcher lentement, comme une handicapée, et j'eus énormément de mal à me concentrer pour acheter de l'élastique et tous les trucs dont j'avais besoin. J'ai fait comme si je flânais entre les rayons, m'attardant sur tout, pour que nul ne puisse se rendre compte que je me traînais vraiment. Bêtement, j'avais demandé à la vendeuse de m'aider à trouver ce dont j'avais besoin, et elle était partie d'un trait à l'autre bout du magasin pour dénicher tout ça. Quand elle fut revenue, elle a bien dû se demander pourquoi je me traînais comme une grand-mère.

            « Où étiez-vous passée ? » me dit-elle, « j'ai cru que vous étiez juste derrière moi. »

            « Ouh, » répliquai-je avec esprit. Nous autres de l'Indiana, sommes réputés pour notre esprit mordant

            Ça suffisait déjà bien d'avoir les cheveux blonds platinés. J'avais l'impression que tout le monde me regardait. Bien sûr que non, mais j'ignore toujours s'il faisaient simplement semblant d'être polis. Particulièrement la vendeuse. Je crois qu'elle me soupçonnait d'avoir oublié de prendre mes médicaments ou quelque chose dans le genre. Finalement, j'eus ce que je voulais et nous partîmes.

            Je pensais qu'on allait revenir à la maison, mais il me fit m'asseoir dans un restau-bar à yuppies servant des plats bios pour y déjeuner. M'asseoir, c'est le maître-mot. Le repas achevé, il me dit que ma chaîne allait sauter bientôt, et pour de bon. Mes sentiments étaient mêlés. À ce moment précis, j'aurais été heureuse de pouvoir la retirer, ne serait-ce que quelques minutes, mais en permanence ? Est-ce que cela signifiait que J mettait fin à notre relation ? Pour des lames de scie ? Je le lui demandai. Il ne répondit pas, mais il sourit d'une manière qui voulait dire « bien sûr que non, idiote. »

            Quand nous fûmes revenus à la maison, il me menotta les mains par devant, et me fit m'allonger sur le lit le temps qu'il sectionne la chaîne de ceinture. Lentement, il retira la chose qui était en moi. Il me dit d'aller faire couler une douche.

            Dans la douche, il me lava en entier, les cheveux, et de tous les côtés possibles. Ses doigts me sondaient partout, s'égarant au cœur de chaque repli. Je fus très allumée en quelques petites minutes, et je me frottai à lui, en lui émettant des signaux en langage corporel à la moindre occasion. Il me rinça et revint à l'attaque avec du gel. Je crois que je ne pourrais plus jamais sentir ce gel-conditionneur (même sans parfum, il a une odeur) sans être immédiatement allumée. Si vous pardonnez le jeu de mots, je crois que j'étais en train d'être conditionnée. Désolée. Le nom de Pavlov vous évoque quelque chose ? Désolée, désolée.

            Il m'excita délibérément et autant que possible, sauf à me faire jouir. Il inséra ses doigts dans mes deux ouvertures à la fois, en me stimulant jusqu'à ce que mes jambes s'abandonnent et que je ne tombe à genoux. Il me soutint et se glissa au sol avec moi. Si je dis que je haletais, ça va sonner comme du porno à dix balles, mais j'avais le souffle court - assez théâtralement, en plus. Et il continuait, et je m'effondrai en arrière, assise sur les talons, le bassin agité contre ses mains baladeuses. Je le voulais en moi, très fort.

            « Veux-tu que je te supplie. » lui dis-je, « je le ferais si tu me le demande... » Pas de réponse. « Arrête, s'il te plaît. Je ne peux pas en encaisser plus ! » Pas de réponse. Et il continuait. Bientôt, j'émis des cris d'animal tout en me poussant contre ses mains, les serrant dans mes deux orifices à la fois. Je me mis à frémir en mon premier orgasme, et soudain il arrêta tout. Mes mains se portèrent sur le devant pour achever l'ouvrage, mais il saisit la chaîne entre les menottes pour les mettre à l'écart. Je me tordis en frottant mes deux jambes entre elles, mais en vain. Il se mit debout en tirant sur la chaîne de mes poignets, et il me dressa sur les pieds. Il me guida dans la chambre en laissant couler la douche, et boucla mes menottes à une chaîne reliée à un des anneaux du plafond. Mes mains pendaient lâchement juste au dessus de ma tête.

            Il alla fermer la douche et se mit à me passer le corps au sèche-cheveux, marquant des pauses pour m'embrasser, me caresser ou me triturer de ses doigts. Avec ce traitement, mes cheveux se crêpèrent et se muèrent en désastre intégral, alors que je continuais à gigoter en essayant de me masturber à l'aide de mes cuisses. Ça ne marche pas, quelle que soit votre motivation. Et j'étais motivée.

                                                                                 Il fouilla dans la malle pour en sortir les bottes que j'avais essayé à San Francisco. Elles montaient jusqu'aux genoux, étroites et en cuir noir avec une fermeture sur le côté et des talons-aiguilles de dix centimètres. Je me souviens qu'elles étaient horriblement chères, mais nous n'étions plus de pauvres étudiants, alors pourquoi nous en priver ? Il me les mit en ménageant quelques intermèdes à me caresser, histoire de me maintenir au bord du précipice. Après qu'il les eût fermées, il leur passa une chaînette chromée sous chaque talon, les croisant sur le dessus et les tirant par derrière la cheville, où il les serra pour les cadenasser ensuite. Sans clé on ne pouvait les retirer.

            Il libéra mes poignets de la chaîne du haut tout en me laissant les menottes, puis il me plaça les mains derrière la tête. Il enroula plusieurs longueurs de scotch d'électricien noir autour de mes bras pliés, en reliant mes poignets à mes bras pour que je ne puisse plus du tout les déplier. Alors il me retira les menottes ; je ne parvenais plus qu'à toucher le bas de mon visage et mes seins. Il me repoussa sur le lit et, l'une après l'autre, il fit la même chose à mes chevilles, les reliant contre le haut de mes cuisses de façon à ce que mes talons fussent collés à mes fesses. Je ne pouvais plus allonger ni mes bras, ni mes jambes. Je suppose que j'aurais pu ramper -péniblement - sur les coudes et les genoux, mais j'aurais eu quelques difficultés à simplement me lever du lit sans tomber.

            Il continuait à me stimuler. J'étais en pleine frénésie, toute haletante, et je mendiai ma délivrance. Il me retourna et me souleva, en me faisant m'accroupir sur les genoux, jambes écartées, tout en continuant à m'exciter. J'aurais eu tout le mal du monde à jouir avec les jambes ainsi liées, même s'il avait tenté de m'amener au grand orgasme - ce qu'il n'était pas en train de faire. Il m'attisait juste. Il partit au garage en me laissant agenouillée sur le lit, pantelante et en manque, inapte à me satisfaire seule. J'ai même essayé de me masturber avec le coude. Ça m'a presque fait redescendre.

            Quand il revint, il portait ce qui ressemblait à un modèle grandeur-nature de mon torse. Il était (il est) fait de résine époxy et de fibre de verre, poli et de couleur noire. Il avait fait de la carrosserie sur ses voitures (il avait même construit son kayak), et avait utilisé les mêmes techniques pour mouler le plâtre qu'il avait fait avec mon corps. Je dois dire que c'est plutôt bien fait. Presque une œuvre d'art. Ça a la forme d'un body sans manches et à col roulé, sauf que c'est lisse et poli (dedans et dehors) avec des anneaux en acier placés en divers endroits et des serrures verrouillables sur tous les bords, à l'entrejambe, partout, pour en assembler les deux moitiés, l'arrière avec l'avant.

            Je vibrais encore quasiment de la stimulation précédente et je me demandais si ce machin était conçu d'une manière ou d'une autre pour m'amener à la délivrance, puisque je ne le pouvais pas.

            Il appuya le justaucorps (?) - je ne sais pas comment l'appeler - contre la glace et le mit devant moi, au pied du lit. Ce n'est pas une copie conforme : ses abdominaux ressemblent plus à une planche à laver que les miens. Les tétons ne sont pas plantés à l'envers d'une manière aussi spectaculaire : ils sont sculptés en érection et tumescents. C'est un torse idéalisé, comme les armures romaines dans les films, mais au féminin. L'intérieur épouse très exactement mes formes.

            Il sépara les deux moitiés et m'ajusta la première sur le devant, en la remuant doucement pour que mes seins glissent au fond des deux cavités du devant. Pour cela, je dus me tenir bien droite, écarter les jambes et relever le menton au dessus du col très haut. C'était particulièrement serré à la taille et à l'entrejambe. Bien que mes cuisses soient naturellement écartées, la partie qui passe entre mes jambes est trop large pour s'ajuster confortablement ; et quand il me posa la partie dorsale, mes fesses se sentirent à l'étroit. Je dus me tortiller et rentrer le ventre pour éviter d'être pincée à plusieurs endroits, et il dût même user du gel conditionneur comme d'un lubrifiant pour parvenir à le refermer sur moi. Il était presque impossible d'entrer là-dedans ; il eut bien du mal à ne pas me pincer en bouclant les verrous. Quand le haut de mon corps fut enfermé dans cette coque de plastique noir, il enclencha chaque cadenas dans son loquet.

            Il coupa le ruban noir et me libéra les bras et les jambes. Ça me fit mal d'étirer mes jambes après les avoir eues entravées si longtemps dans cette position. Ceci dit, le scotch d'électricien est tout à fait indolore quand on le retire. Il jeta mes menottes sur le lit avec deux cadenas et me demanda de les mettre. Il quitta la chambre sans vérifier si je lui obéissais.

            Doux Jésus. Il me fallut une bonne minute pour réfléchir à comment me rasseoir. Vous aurez une idée de la difficulté d'accomplir de simples gestes comme sortir d'un lit et marcher le jour où vous ne pourrez pas plier votre dos et à peine remuer la tête. Le col de cette chose (il a voulu que je la porte en tapant cette partie du récit, ainsi suis-je donc) est si haut que je ne peux ni regarder vers le haut, ni vers le bas, je peux juste me tourner un peu sur les côtés. Je dois regarder par dessus mon nez juste pour voir l'écran.

            J'ai titubé jusqu'à la glace, perchée sur mes talons-aiguilles. J'ai de petits pieds, et dix centimètres suffisent à me faire marcher sur le bout des orteils. Assez singulièrement, j'ai pensé que j'étais belle. D'un mauvais goût parfaitement Barbarellesque ou tout comme. Le plastique noir et luisant est finement poli et conformé de manière à flatter chacune de mes courbes. Mon visage se mit à rougir par l'effet de l'excitation d'un quasi-orgasme. J'étais toujours extrêmement allumée, et de me voir dans la glace me le fit devenir encore plus. Le col surélevé, presque orthopédique, levait mon menton haut en l'air dans une sorte de posture majestueuse et fort peu naturelle. Ma chevelure formait un nuage blanc et frisé autour de ma tête et jusqu'à l'arrière du col noir. La chose me maintenait fermement à la jonction des cuisses, en m'appuyant juste au dessus d'elles et en me comprimant la taille, un peu comme un corset l'aurait fait. Ça me pinçait encore, jusqu'à ce que je me retortille à l'intérieur et que je m'y ajuste enfin. Mais ça n'est jamais devenu confortable.

            Comme je l'ai déjà dit, mes jambes sont naturellement écartées ; il existe un espace entre elles quand je me tiens debout, sauf si je les serre fort. Le plastique entre mes jambes élargit et accentue cet espace d'une manière artificielle, quasi-grotesque ; un petit cadenas se balance dans l'intervalle.

            Je fis le tour du torse de mes mains. Je pouvais (je peux) à peine atteindre mon entrejambe du bout des doigts, mais pas suffisamment pour pouvoir me toucher plus bas. À tâtons, je sentis mes fesses saillir indûment de part et d'autre de la partie arrière. Les talons cliquetant sur le carrelage, je vacillai jusqu'à la salle de bains, où je pris le petit miroir pour m'observer par dessus l'épaule. Mes fesses étaient maintenues très à l'écart l'une de l'autre par la coque de plastique noir. De fait, elles sont conçues pour être carrément protubérantes, - pourtant je n'ai pas un gros derrière - et je suis vraiment serrée là-dedans. Je n'ai pas encore pu décider si c'était séduisant ou pas. La courroie de l'entrejambe est très large et elle m'appuie très fort sur la raie des fesses. J aime beaucoup. Il dit que je suis tout à fait éblouissante et que le deviens un peu plus encore à chaque étape que je franchis. Il me dit ça après ce qu'il m'a fait plus tôt dans la semaine. Jésus. Le simple fait d'y penser me rend... et m e r d e  ! Je crois qu'il faut que j'arrête de tourner autour du pot et que je vous dise ce qu'il m'a fait. Plus tard. Commençons par le commencement. Je ne suis pas tout à fait sûre de pouvoir déjà écrire là-dessus. Je me jette à l'eau ! J'ai hâte d'en finir avec cette partie, ne serait-ce que pour me débarrasser de ce maudit torse.

            Avant de le rejoindre, je m'étais maquillée. Je pouvais m'asseoir à la coiffeuse, mais s'asseoir n'est pas chose aisée dans cette chose. Ça pince de temps à autre et ça vous contraint sans cesse. Le pire - outre le fait de ne pouvoir toucher mon propre corps - est de devoir attendre pour aller pisser, et de ne pouvoir ni bouger ma tête, ni plier mon dos. J'ai du mal à conserver l'équilibre. Mais j'ai une posture digne d'une reine.

            Il était assis dans son fauteuil, à côté de l'âtre éteint quand je sortis de la chambre ; il me jeta un oeil appréciateur et opina de la tête lentement, comme satisfait de la vision. Je me tins coite, me contentant de rester debout dans le couloir à essayer de percevoir ses désirs. Parfois, je me sens comme un petit animal nocturne et vulnérable qui ne compterait que sur la perception des odeurs subtiles et des bruits les plus infimes pour sa survie. À ce moment précis, toutes mes antennes étaient déployées et balayaient l'atmosphère.

            En espérant que mon instinct disait vrai, je me tournai doucement en écartant les bras pour qu'il puisse me voir en entier. Le raclement de mes bottes sur le sol carrelé résonna dans la pièce vide. Je fis une pause en lui tournant le dos, puis je me caressai les fesses, à l'endroit où elles étaient le plus renflées et comprimées par la carapace en fibres de verre. Je me sentais extrêmement provocante et j'espérais avoir l'air aussi séduisante que je le ressentais (je n'étais toujours pas sûre de l'effet produit par la vision de mon postérieur). J'en eus la chair de poule.

            Je le sentis tout près, droit derrière moi. Il me prit les mains et me les maintint sur les flancs, puis il se pencha par dessus mon épaule pour me susurrer à l'oreille, « C'est mon privilège que de te toucher comme ça. Rappelle-toi que tu es ma propriété. » Il ne voulait pas que je me touche, bien que je puisse deviner qu'il réprimait son émoi et qu'il était fort allumé par ce que je venais de faire.

            Je le laissai m'ôter les menottes de cuir à mes poignets. Il les rattacha à un anneau placé entre les omoplates. Il me retourna pour m'embrasser tendrement et profondément, en explorant mes fesses de ses mains - la seule partie exhibée de moi qui pouvait encore ressembler - de loin - à une zone érogène. Je frémissais ; quelques minutes plus tôt à peine il m'avait presque fait jouir. Il me faut pas mal de temps pour me calmer quand j'en suis si proche. Je me sentais enflée, tremblante, gorgée, hypersensible et tendre, quasi-meurtrie et frustrée idem.

            Il se rassit. En tentant de deviner son humeur, j'allai vers lui à grand-peine, et j'essayai de poser un genou à terre devant lui. Je lui fis une révérence maladroite et il dut me rattr a p e r alors que je m'effondrai sur lui. Il me demanda ce que j'avais envie - comme s'il ne le savait pas. J'ai pensé à la seule chose dont j'avais envie : qu'il soit en moi. Mais, manifestement, il le savait.

            « Tu voudrais que j'essaye la tenue de Lycra noir pour toi ? Je l'ai terminée, la cagoule et tout le reste, » lui dis-je tout en pensant que la première chose à faire pour me rapprocher de l'orgasme était de me sortir de ce torse. Aussi sexy soit-il à voir, il n'est érotique que pour l'observateur, en fin de compte, mais pas pour celle qui le porte. Objectivement, la quasi-majorité de ce qu'il m'a fait jusqu'à présent était bien plus érotique que d'avoir porter cette maudite chose. Mais il a vraiment l'air érotique. Et c'est érotique de le porter pendant de courtes périodes. De temps en temps. Comme là, maintenant. Il y a quelques minutes à peine, j'étais pitoyable, et je vais le redevenir. Ça va, ça vient.

            Puis je dus aller aux toilettes. Pas pour le motif frivole de m'enlever la chose, mais il le fallait, voilà. Il me fit attendre. Non qu'il me torturât ou quoi, mais plus simplement je ne le lui avais pas dit qu'il fallait que j'y aille. Je crois qu'il désirait me maintenir sur le fil du rasoir un peu plus longtemps encore. Il m'aida à tituber vers le garage en me prenant doucement le bras et en me dirigeant, comme si nous entrions dans un restaurant chic (je ne sais pas pourquoi, mais c'est cette image qui me vint soudainement à l'esprit), si ce n'est que mes poignets étaient épinglés au beau milieu du dos et ma posture trop étrangement parfaite. Et que - bien entendu - je n'étais pas tout à fait vêtue comme pour aller dîner chez les bourges. Je devais rouler des yeux et faire pivoter mon torse tout entier pour simplement le voir quand il marchait à côté de moi.

            Il y avait, posé sur l'établi dans le garage, un plâtre de mon corps. Il m'expliqua comment il avait fabriqué mon torse en fibres de verre. Je crois qu'il a pris plaisir à m'en expliquer les détails. Il avait passé l'intérieur des deux moitiés du moule de mon corps à la cire, puis il les avait rassemblées et les avait coulées dans le plâtre - autour d'un noyau de mousse de polyuréthane, afin économiser le plâtre. Après le durcissement, il avait brisé le moule extérieur et l'avait jeté à la poubelle (j'avais alors pensé que ce rejet signifiait l'échec de son projet).

            Le torse définitif est une copie conforme de mon corps. Il avait remodelé le plâtre à plusieurs endroits pour en modifier l'intérieur (c'est pour ça qu'il est plus étroit à la taille et à l'entrejambe qu'un moulage exact ne le serait) en jugeant combien il pouvait en ôter, en prenant ses mesures sur celles des courroies, - quand il me les avait serrée si fort par l'arrière. Vous vous souvenez ? Il avait simplement sculpté la partie inférieure du torse en plâtre pour que le cuir s'y ajuste parfaitement. Plus tard, il sut que le torse me comprimerait de la même façon.

            Il fallait vraiment que j'aille pisser.

            Il s'étalait en expliquant la façon dont il l'avait poncé et comment il avait rebouché les bulles du plâtre afin d'aboutir à ce qu'il appelle un enduit parfait, et bla-bla-bla, et bla-bla-bli. J'ai pensé que chouette ! Trois couches de fibres de verre imprégnées de résine époxy avec des verrous, des fermetures à œillets de bâche et des renforts en acier noyés dans la masse - et il était possible de découper la chose et d'en remodeler les flancs en y emboîtant un rajout. Parfait. J'avais vachement envie d'aller pisser. Quelques couches de finition à l'extérieur, avec un ponçage entre chaque, suivies d'un ponçage raffiné, sauf que j'avais toujours envie d'aller pisser.

            Franchement, je crois que ce fut trop d'efforts pour des clopinettes. J'ai f o r c é ment dû louper quelques étapes : j'avais l'esprit obnubilé par ma vessie, et mon attention s'était focalisée sur l'autre objet dans la pièce, celui qui était encore couvert d'un drap.

            « Je t'en dirai plus à propos de ça une autre fois, » me dit-il. Il me guida vers la maison. « Et puis, c'est le moment d'en finir avec toi, » dit-il. « Ça, c'est vraiment pour plus tard, » dit-il en me tapotant un de mes seins plastifiés, « dis-toi bien qu'il ne s'agissait que du premier essayage. » Alors que nous arrivions à la maison, il rajouta qu'il avait l'intention de conserver le plâtre. Il avait d'autres idées à son sujet. Hmmm.

            Donc voilà, il me ramena dans la chambre, me détacha les bras pour illico les scotcher comme auparavant. Je dus lui avouer que je me DEVAIS d'aller pisser avant qu'il ne me scotche les jambes. Il me déverrouilla le torse, tout en me disant qu'il n'était pas branché par ce genre de t o r t u r e , et puis que j'aurais dû le lui dire plus tôt. Mais il me laissa les bras attachés, et je n'avais pas moyen de m'essuyer. Il le savait, et quand j'eus fini, il me le fit lui-même. Lentement. C'était humiliant et je détournai mon regard quand il me le fit - et je crois que c'est ce qui me maintint concentrée sur ce qu'il désirait.

            Il me guida vers le lit et me scotcha les jambes. Une fois de plus, j'étais impuissante : je ne pouvais étendre ni les bras, ni les jambes. Il se dévêtit et je le regardai faire, puis il se coucha à côté de moi. De ses caresses, il me fit presque jouir encore, mais une fois de plus, je ne pouvais jouir sans pouvoir m'étirer les jambes. C'est en gémissant que je le suppliai de me les détacher. Agenouillé entre elles, il me les écarta et, lentement, avec une maîtrise exaspérante, il en vint à me pénétrer. Je me mis à m'agiter de mes membres pliés et je fus pathétique dans mes s a n g lots de frustrée. Il entreprit de me labourer, vite et fort. À ce rythme-là, ça allait être vite vu de son côté et j'en serais pour mes frais, mais j'étais si prête à jouir qu'il m'y fit basculer. Je pétai les plombs en me libérant d'une trop longue journée de privations. Je fis de pitoyables tentatives pour l'enlacer de mes jambes et de mes bras liés, mais ce fut vain. Mon bassin s'agitait en spasmes incontrôlés. J'étais prête à bien plus : deux orgasmes au bas mot m'attendaient quelque part, tapis au tréfonds, et il le savait. Mais il ne me permit pas de les faire émerger. Ou juste presque.

            Il me laissa en plan, gémissante, convulsée, et s'en revint avec une serviette humide avec laquelle il entreprit de me laver. Tendrement (il est tellement gentil, après coup) il me souleva à genoux et se mit à essuyer mon corps tout pantelant, pour en faire tomber la tension et m'apaiser un peu, comme on le ferait d'un cheval trop s a n g uin. Mais je n'en avais pas encore fini d'être frustrée.

            Il me tartina le torse, du cou jusqu'au bas-ventre, de gel conditionneur. Je pensais qu'il s'apprêtait à me refaire l'amour. J'étais sûre (sachant ce que je sais, j'en suis absolument sûre) qu'il l'aurait pu, mais à peine fus-je excitée à nouveau qu'il me reboucla dans ma carapace plastifiée. Je pleurnichai de frustration quand je vis ce qu'il s'apprêtait à faire, et je le suppliai de ne pas me la remettre, mais il était sourd.

            Je dus cuisiner le dîner ainsi, marinant dans le gel gluant, à l'intérieur de ce maudit torse de plastique, tout en me sentant pour le moins... disposée.

            Pendant tout le dîner romantique et aux chandelles qui s'ensuivit, il ignora les signaux qu'émettait mon corps en détresse, - et qui, s'ils avaient été rédigés en braille, aurait facilement été déchiffrés par un aveugle manchot enfermé dans une chambre noire, au travers d'un gros mur en béton. J'en étais réduite à me tortiller sur mon séant, (le cadenas pendant entre mes jambes érodait le bois du siège, vu que le torse s'y reposait de tout son poids) à caresser mon corps lascivement (mais en vain : comment aurais-je pu ressentir quoi que ce soit sous ce plastique épais) et à me projeter dans ce que je souhaitais être un désir brûlant de son côté. Je me rendais compte que ça lui faisait un certain effet, et je me décidai à pousser le jeu à fond. Je sais qu'il était consciente de mon manque atroce de jouissance, (je n'étais qu'à demi-sérieuse en poussant le truc jusqu'au bout) mais il ne fit rien d'autre qu'avaler son dîner, comme s'il avait été au restaurant. Il s'en tint à un badinage réservé, tout en remplissant mon verre de vin, déviant mes insinuations lourdingues pour les transformer en traits d'humour. Il semblait se délecter de l'incongruité consistant à me placer dans une situation outrageusement fâcheuse dans une activité des plus ordinaires.

            Il me maintint « conditionnée » dans le torse pendant toute la soirée, et il ne me libéra qu'au moment du coucher. Il m'observa pendant que je me séchais à l'aide d'une serviette et, après que j'eusse pissé une dernière fois, il me menotta les poignets et les enchaîna à mon cou juste sous le menton afin que je ne puisse pas atteindre mon sexe et me masturber. Pour en être certain, il me fit dormir à côté de lui dans son lit pour la première fois depuis mon arrivée.

 

            J'étais encore excitée le matin suivant, au réveil. Mais toujours pas soulagée. D'habitude, je m'éveille en mouillant. Je crois que je me suis conditionnée à mouiller au réveil : j'adore fantasmer en étant à demi-endormie. J, quant à lui, se réveille très souvent en bandant, mais je crois que c'est plus courant chez les hommes. Il croit que ça vient de sa vessie qui lui appuie sur la prostate. Il m'a aussi dit qu'il n'arrive pas à pisser en bandant, ce qui est logique d'un point de vue physiologique. Je n'ai jamais travaillé pour un urologue, mais ça m'intéresse de savoir : quand un homme se réveille avec la vessie pleine et en bandant, comment fait-il pour s'en dépatouiller ? Impossible d'aller pisser tant que dure l'érection, qui ne disparaîtra elle-même que lorsque la vessie sera vide... J dit que son érection s'évanouit tout bêtement quand il n'en a pas d'usage précis. Ce qui lui arrive - bien sûr - de temps à autre.

            Il me maintint sous stricte surveillance jusqu'à la fin du petit déjeuner. Puis, après m'avoir admonestée pour que je ne me touche pas du tout sous la ceinture, il repartit au garage. Je n'étais pas d'humeur, de toute façon. Je me remis à l'ouvrage pour achever la tenue de femme esclave/de harem, alors qu'il bricolait au garage.

            Est-ce que les hommes sont tous des fous du bricolage ? Est-ce qu'il n'avait pas mieux à faire ? S'occuper de moi un tout petit peu ? Et pourquoi pas dans le garage ?

            Bien sûr, j'étais enchaînée, les pieds et les poings liés, comme ces accusés aux assises qu'on voit aux actualités, quoique avec un peu plus de liberté de mouvement. En fait, je m'étais dépêchée d'en finir avec la dernière tenue en espérant avoir eu le temps de le frimer avec mon petit numéro de danse, avant qu'il ne se décide à me punir pour les lames de scie. Mais je n'ai pas eu cette chance. Après le déjeuner, il m'annonça que mon châtiment commencerait ce jour-même.

            Je ne me suis pas encore remise du choc. Sans déconner. Faut voir les choses en face : je ne fais pas de boniment ; je ne suis pas romancière ; ceci n'est pas de la littérature. Jusqu'ici, j'ai tout fait pour que ça ait l'air d'un compte-rendu de mes vacances. Appelez ça de la littérature d'avant-garde, si ça vous chante ; je suis la première à admettre que mon succès fut très limité. En grande partie parce que j'ai été obligée d'écrire au fur et à mesure, et aussi parce que ça ne s'est pas déroulé comme s'il s'était agi d'une fiction. J'ai romancé. J'ai astiqué les parties les plus chiantes. Parfois, mes tentatives ineptes de jouer à l'écrivaine ont entravé ne serait-ce qu'une communication de base.

            MAIS. Je n'ai PAS surmonté ce qui suit. Ça sortira peut-être un peu embrouillé. Je suis encore amère. J'oscille entre colère, excitation, frustration, et Dieu ! mais dans quoi donc me suis-je fourrée ? Je me suis arrêtée plusieurs fois d'écrire pour aller me mirer dans la glace et je n'arrive toujours pas à y croire. Mais c'était bel et bien marqué sur la Liste. Je ne savais pas que je pouvais être aussi carrément conne.

            Bon ben nous y voilà.

 

LA LISTE ( SUITE 6 )

Tard dans l'après-midi, il me retira toutes les chaînes. Il me demanda d'enfiler le body noir et d'amener la cagoule dans sa chambre. Je m'étais observée mainte fois dans la glace en fignolant la tenue. Elle me met en valeur - surtout mes seins - bien qu'elle en change la forme en les faisant pointer d'une manière assez artificielle. Et puis qu'elle est SERRÉE. Si serrée qu'elle n'a pas le moindre pli. Elle me tire assez désagréablement sur l'entrejambe. Tout à fait ce qu'il désirait.

            Il m'avait fait enlever les lentilles de contact, aussi, et remettre les bottes à talons-aiguilles ainsi que les chaînes qui vont avec. Et mes menottes. Il me demanda de me pencher en avant pour enfourner mes cheveux dans la cagoule, qu'il zippa au col. J'étais parfaitement enclose dans mon habit. Je pouvais certes parler et respirer, mais je n'y voyais goutte. J'avais déjà eu un avant-goût de la sensation en l'essayant avant d'avoir recousu les fentes des yeux. Je vous laisse imaginer.

            Il me demanda me mettre debout. J'étais désorientée, perchée sur mes talons et aveuglée, mais il rectifia mon incapacité à tenir l'équilibre en enchaînant mes poignets au dessus de la tête du lit, et mes chevilles aux extrémités d'une barre d'un mètre de large - une barre d'écartement, si j'ai bien compris le jargon d'ASB.

            Bien qu'écartelée, je pouvais me tenir aisément débout, même sur les talons. Je n'étais pas suspendue par les poignets ou d'une quelconque manière aussi draconienne ; en fait, j'aurais pu tomber si mes poignets n'avaient pas été enchaînés au dessus de ma tête. Il me laissa en plan un long moment après qu'il eut quitté la chambre. À ce moment, j'ignorais qu'il était aller installer la grande chaise en chêne , mais je n'allais pas tarder à le savoir.

            Oh Dieu ! je n'arrive toujours pas à croire à ce qu'il m'a fait - et même maintenant, une semaine après. Et que les trucs de ce matin, ça n'était que le tout début du TRUC. Mais une chose à la fois. Il faut que je raconte tel que ça s'est passé.

            Il m'ouvrit le devant de la tenue du cou à l'entrejambe et jusqu'au bas du dos. Ses mains étaient à l'intérieur, qui me caressaient et m'aiguisaient. Je n'ai pas deviné ce qu'il allait me faire après, bien que j'aie tendu l'oreille au maximum pour détecter le moindre indice. J'étais encore au bord de jouir depuis les caresses inachevées d'hier soir. Il était debout derrière moi. J'avais un peu froid et je me sentais exposée là où la fermeture-éclair était défaite, et je sentis les doigts lubrifiés d'une main se frayer un chemin par l'arrière pendant qu'une autre me stimulait le devant. Un de ses doigt me pénétra, puis deux, qui m'assouplirent pour laisser place au troisième. Je me détendis pour lui faciliter la tâche. D'ordinaire, ma nervosité fait obstacle, mais cette fois-ci, elle n'eut pour autre effet que de me faire mouiller fortement en quelques petites secondes à peine, pour aboutir à me retrouver très allumée et fort disponible.

            Bien entendu, je ne savais pas ce qui allait advenir ; jusque là il ne s'agissait que de l'un des autres petits trucs excitants et mystérieux de l'univers du bondage. Je resserrai mes deux ouvertures de toutes mes f o r c e s, les cuisses frémissantes et tendues, en moulinant des hanches dans toutes les directions. Je crois que tournoyer est le mot juste. Quelques minutes plus tard, j'étais à nouveau tout près de l'orgasme, lorsqu'il il s'arrêta.

            J'entendis un bourdonnement. Puis deux. En percevant ces vibrations, je sus d'instinct qu'il s'agissait de vibromasseurs. Je me tortillais sans trop y croire en essayant de crisper mes deux orifices, mais je savais trop bien que je ne pourrais rien faire pour l'arrêter.

            [...et puis je ne voulais pas non plus l'arrêter, mais j'avais honte de l'admettre... Note Venant du Futur]

            Il continua de me pénétrer des deux côtés à la fois, jusqu'à ce que les deux vibromasseurs soient ensevelis au plus profond de moi. Ils étaient renflés à la base pour empêcher qu'ils ne s'enfouissent en moi ; il poussa dessus à fond, jusqu'à ce qu'ils soient très fortement comprimés. J'avais pensé qu'il allait s'en servir pour me faire jouir, mais au lieu de ça, il les tint en place d'une main, puis il reboucla ma tenue jusqu'au menton.

            Il me plaça le torse en plastique par dessus la tenue. Je dus à nouveau me tortiller pour n'être pas pincée. Il le boucla, et j'entendis le cliquetis familier des petits cadenas. Je fus prise de frénésie. La tenue m'offrait un appui, mais le vibromasseur crucial - celui de devant - ne pouvait entrer en contact avec l'endroit crucial, de quelque façon que je m'agite. J'étais stimulée en permanence, mais les vibromasseurs ne pouvaient me faire jouir. Parfois, je parvenais à effleurer l'endroit sensible, mais les vibromasseurs résonnaient alors sur la fibre de verre. Il pouvait entendre ce que je faisais, je le savais.

            Vaguement, je me rendis compte qu'il était en train de me libérer les jambes. Je pus les rassembler autant que le torse me le permettait, mais ça ne m'aidait pas vraiment. Puis il me détacha les bras. Je tombai presque, mais il l'avait prévu et il me rattrapa et me porta à demi jusqu'à la salle de bains, où il me posa sur la grande chaise. Je m'y positionnai en m'aidant de mes bras, essayant de m'appuyer sur le vibromasseur arrière, et sans savoir ce qui se tramait.

            Le temps de m'asseoir, je pris conscience - au travers du brouillard stimulant qui se développait en moi - qu'il scotchait mes poignets aux accoudoirs de la chaise (avec le même truc d'électricien). Idem pour mes coudes, mes bras et tout. Mes chevilles et mes mollets furent attachés aux pieds de la chaise, une chaîne reliée à ses deux côtés puis aux anneaux du torse. Quelque chose - une courroie, je crois - s'enroula autour de mes cuisses et du siège. J'étais obnubilée par les vibromasseurs, presque inconsciente de ce qu'il me faisait. Je dus me soulever un peu pour empêcher le vibromasseur arrière de devenir gênant, mais dans le même temps je m'arc-boutai contre l'avant de la carapace en y poussant mon sexe. Il avait dû faire tout cela très rapidement. Je fus complètement immobilisée en moins de deux minutes. Le torse m'empêchait même de tourner la tête. Et je me frottai de plus en plus fort contre sa face interne.

            Puis la cagoule sauta. J'étais attachée dans la chaise, assise, contemplant mon reflet dans le flou de la grande glace, sur la porte de la salle de bains. Il s'avança face à moi. Il tenait le bâillon. LE bâillon. Je percutai à grand-peine ; j'étais tellement déconcertée. Je roulai des yeux en détournant ma tête autant que je le pouvais. Je haletais, le souffle court, rougissante.

            « Qu... Qu'est-ce que tu vas me faire ? » lui demandai-je, tentant de rassembler mes esprits. J'étais désorientée par les sensations émanant de l'intérieur de mon corps ; sans mes lentilles de contact, la pièce était dans le flou et j'avais l'impression d'être immergée, et que tout se déroulait au ralenti, hors de tout contrôle. Il me tint le bâillon devant ma bouche, sans rien dire. J'étais incapable de penser. Je l'ouvris toute grande et il me l'y enfonça. Il ne prit pas même soin de l'attacher à l'arrière. Il fit un pas sur le côté, révélant mon reflet : des yeux de folle, écarquillés au dessus d'une bouche f o r c é e par le bâillon à un cri silencieux, le visage entouré d'une crinière de cheveux blonds platinés.

            Le reste de moi était une esquisse de textures et de tons de noirs : plastique noir poli, Lycra noir, bottes de cuir noir, les bras compressés par de noirs rubans. Mon mascara et mon eyeliner mêmes paraissaient noirs sur une peau si blanche. Seules mes lèvres montraient du rouge. Mon menton était maintenu très haut perché dans une pose régalienne et rigide, avec un cou artificiellement rallongé. Du ruban noir était enroulé autour de mon cou plastifié, qui me maintenait immobile contre le haut du dossier de la chaise.

            J'étais absolument impressionnante.

            Une légère pulsation de mes cuisses, un petit étirement du cou prenant appui sur le col, la fermeture occasionnelle ou le papillotement de mes paupières, étaient les seuls signes extérieurs de la tempête faisant rage à l'intérieur du torse... et le chuintement de mon souffle fusant de mes narines et autour du bâillon.

            Je roulai des yeux pour suivre ses mouvements. Je clignai des paupières pour focaliser mon regard de myope sur lui, malgré les vibromasseurs et leurs effets ravageurs. Je dérapai vers l'orgasme. Il se plaça derrière moi ; je le vis dans la glace. Il me sourit d'une façon que je ne pourrais décrire autrement que compatissante, puis il fit bouffer mes cheveux comme l'aurait fait une coiffeuse, sauf qu'il me dévisageait, jaugeant à quel point j'étais près de l'orgasme. Il restait coi. Il opinait du chef comme pour lui-même, - comme s'il avait dû se résoudre à prendre une décision très intime - quand il vit que j'étais prête. Il aurait du me dire quelque chose. J'avais droit à des explications, à quelques mots, à quelque chose. Mon orgasme survint alors qu'il venait de se décider.

            Il tenait une paire de ciseaux.

Au beau milieu de mon orgasme, il saisit une poignée de cheveux et la tailla net. Je hurlai sous le bâillon. Il me coupait les cheveux !

            Je me ruai contre mes liens. Je me cabrai dans la chaise, en essayant de la faire tomber, oubliant les vibromasseurs dans ma terreur - mais je pouvais à peine me remuer. Je me tordis avec frénésie dans le torse, avec des gestes rendus incohérents et spasmodiques par l'orgasme en cours. Je ne pouvais pas même étirer d'un cran le ruban. Je pouvais tourner ma tête de quelques petits centimètres de chaque côté, mais c'était tout. Je tentai de secouer ma tête pour empêcher ses mains, mais il me coupa très aisément une autre mèche sur le devant. Puis une autre. Dans ma panique, j'avais carrément oublié le bâillon et je continuais bêtement de lui hurler de s'arrêter, même si ne m'entendais que couiner. Mon cœur tapait comme une hache. Comment pouvait-il me faire ça ? Comment ? Mon orgasme se cicatrisa vite, me laissant un arrière-goût d'hystérie. Je n'avais jamais réellement souhaité que ça arrive. Mais pas du tout.

            Il oeuvra sur tout le travers de mon front, depuis les oreilles jusque sur le devant. Je cessai de lutter le temps de reprendre mon souffle et de tenter d'accrocher son regard. S'il seulement il avait pu voir mon expression, il se serait arrêté net. Je me vis dans la glace et je me remis à lutter comme une folle - en vain - quand je me rendis soudainement compte qu'il était bien trop tard pour le stopper. On apercevait déjà mon scalp ; sur une largeur de huit à dix centimètres, mes cheveux faisaient moins d'un centimètre de long. Sur la moitié avant de mon crâne, à partir d'une ligne passant de mes oreilles au sommet de ma tête, j'avais une brosse.

            Il s'arrêta de couper et je m'arrachai les yeux pour contempler ce qu'il restait de moi dans la glace. Je me mis à pleurer. Des traînées de mascara me dégoulinèrent sur le menton. De l'air chaud sifflait à travers mes narines comme d'une machine à vapeur ; j'avais les joues gonflées, les narines dilatées ; mon nez dégouttait sur mes lèvres et par dessus le bâillon, la salive me coulait de la bouche jusqu'au cou et sur les seins plastifiés de mon torse. Ma respiration était hachée, j'avais les yeux rouges et arrondis. J'émis de petits cris plaintifs par les commissures des lèvres, aux coins du bâillon.

            Il étala de la mousse à raser sur mon crâne - mon nouveau crâne - et entreprit de le raser. Ce fut étrange ; le raclement du rasoir était le seul bruit que j'entendais, tout le reste s'étant évanoui à l'arrière-plan de ma conscience, y compris ma respiration laborieuse et rauque.

            Ahurie, je pensai bêtement : « déjà, il ne me coupe pas tous les cheveux, » - comme si ça pouvait faire la différence. À partir de maintenant, je ne pourrais plus me montrer en public. Il faudra des mois et des mois avant que ça repousse. Pendant que le rasoir parcourait mon crâne en tous sens, je repris conscience des vibromasseurs fichés en moi. Ça faisait dix minutes à peine qu'il me les avait insérés, mais ça me semblait si loin que je les avais presque oubliés. Je frissonnai involontairement. Ils n'étaient plus excitants du tout. Je désirais simplement qu'ils ne soient plus là. Je n'avais plus envie de jouir. Je voulais juste que ça s'arrête là, et remonter la vague du temps...

            Il en avait fini. Il m'essuya le crâne et le visage d'une serviette humide, puis il fit bouffer les reliquats de ma chevelure. À travers mes larmes, je vis en lui une personne totalement différente. Mon front était exagérément, insupportablement haut. Comme dans ces vieux portraits d'Elizabeth I d'Angleterre. Mon crâne était parfaitement dénudé au devant des oreilles.

            Il me retira le bâillon. Je ne dis rien. Il n'y avait rien à dire. C'était trop tard. Je me fixai dans la glace, horrifiée, secouée de tremblements, en prise à un méli-mélo d'émotions contraires. Il m'avait sectionné les scotchs, et je ne parvenais pas quitter mon image des yeux dans le miroir, et je ne pouvais rien voir d'autre que mon crâne. Il m'aida à me remettre debout et il me porta sur le lit, où il me retira le torse très doucement, où il m'ouvrit les fermetures de la tenue, où il me retira les vibromasseurs avec une douceur infinie. Qui vibraient encore à fond. J'étais stupéfaite. Je ne l'aidai pas du tout lorsqu'il me retourna pour m'ôter le second vibro. Je crois que je n'ai même pas sourcillé.

            J'étais démolie. J'avais envie de pleurer, et j'en étais incapable. Je ne pouvais penser qu'à mes cheveux. Même sans vibros, je continuai à ressentir en moi une vibration interne, nerveuse, comme si j'étais descendue d'un tracteur ou si j'avais lâché une tondeuse à gazon après des heures de travail. Mon corps entier résonnait de la soudaine absence de vibrations. Mais ça ne comptait pas. Et rien d'autre non plus.

            « Regarde-moi, » dit-il. Je ne le pouvais pas. Je scrutai bêtement le plafond ; ma tenue ouverte, les bottes pendant aux pieds du lit. Il s'assit sur le lit à côté de moi et me fit pivoter menton de sa main. Mes yeux croisèrent les siens.

            « Je t'aime, » me dit-il. Soudainement, mes émotions émergèrent en bloc.

            « Mon Dieu !!! Comment as-tu pu me faire ça !!? me lamentai-je, - en me détournant de lui pour m'enfouir au creux des oreillers. Alors que j'étais hystérique et s a n g lotante à plat ventre, je sentis que sa main se posait sur mon épaule. « Non ! » lui dis-je en me rejetant au loin, comme foudroyée. Je me roulai jusqu'au bord opposé du lit et je me relevai, en équilibre précaire sur mes talons-aiguilles de pouffe -avec les jambes toujours attachées.

            « Regarde ce que tu m'as fait !! » pleurai-je, refondant en larmes et clopinant jusqu'à la glace, jusqu'à lui faire face, les poings serrés aux hanches. Il avait l'air consterné par la véhémence de ma réaction, et je me rendis compte qu'il s'était attendu à tout autre chose de ma part.

            « Pour moi, tu es magnifique. Et je n'ai pas l'intention de me faire pardonner. Je l'ai fait parce que je t'aime et que j'ai l'intention de te faire mienne. »

            J'ai pensé que c'était une drôle de manière de me le prouver,.

            « Je n'arrive pas à croire que c'est vraiment arrivé ! »

            « Je veux te posséder. Maintenant c'est vrai, et plus qu'avant. Essaye de réaliser que je prends bien plus soin de toi que de n'importe qui d'autre dans cet univers. Tu es mon trésor. » D'accord, pensai-je. C'est sûr et certain. Le ton de sa voix m'indiqua qu'il commençait à se faire du mouron parce qu'il m'avait peut-être poussée trop loin. Ou trop vite.

            « Ouais, enfin, ton trésor que tu dis que je suis, tu viens juste de le défigurer, » lui rétorquai-je amèrement, en lui tournant le dos pour mieux mater le miroir à nouveau. Je valais le coup d'œil : avec mon body béant, ça me faisait une estafilade continue de blancheur dénudée coulant de ma chevelure à mon sexe épilé.

            « Non, » me dit-il posément et fermement. Je ne l'avais jamais entendu parler sur un ton si résolu. « Non... » me redit-il, posément, en me retournant face à lui et en plantant mes yeux dans les miens. « Je t'ai dépouillée d'un peu plus que de ta dignité. » C'est super, pensai-je. J'ai droit à le la philosophie à quatre sous, juste histoire de faire passer la pilule. Comme je l'ai déjà mentionné, je me sentais un peu amère.

            « T'avoir fait ça ne peut que te rendre la chose plus facile, » enchaîna-t-il.

            « Mais m e r d e  ! de quoi tu causes ?! »

            « Les sentiments de dignité et de fierté obscurcissent notre relation et notre sexualité comme un feu qui s'obscurcit par sa propre fumée. Je ne t'ai pas défigurée. Je t'ai simplement retiré une part de ta dignité. Pour moi, tu es plus belle que jamais, parce que tu es presque devenue entièrement mienne. Si tu veux assurer ta dignité en public, tu pourras toujours sortir avec une perruque. Je t'en ai acheté une, d'ailleurs, mais tu n'auras le droit de la porter qu'avec mon autorisation. Et tu n'auras droit à aucune dignité en privé.

            « Tu n'es pas défigurée. Tu es modifiée. C'est très important que tu saisisses la nuance... »

            « Je n'arrive pas à y croire, » le coupai-je. Mais il ne s'arrêta pas de déblatérer. Il en rajouta ; il n'était pas branché sur ma fréquence. On aurait dit qu'il ressassait un texte appris par cœur. Je l'écoutais à peine et je ne mordis pas à son truc, mais d'un autre côté, au même moment, je me rendis compte de ce qu'il avait prévu, de ce qu'il avait voulu qu'il advint.

            J avait toujours préféré user de subtilité pour parvenir à ses fins. Je sais que le fait de me raser n'a apparemment rien de subtil, mais il aurait de loin préféré que je sois libre en apparence - et que mes chaînes ne soient pas visibles. Le mieux eût été de n'avoir d'autre contrainte que ma seule panique d'avoir honte. Jusqu'à présent, j'ai bénéficié d'une totale liberté de mouvement dans la maison et dans la cour, mais aussi d'une impossibilité à me montrer en public, que ce soit dans mes chaînes ou avec les poids, ou par manque de vêtements, ou bien encore à cause du torse de plastique qui me contraignait à rester à la maison. Maintenant, c'est mon apparence qui m'enchaîne. En public, ma perruque m'enchaîne - par le simple fait qu'il peut à tout moment me la retirer.

            À Chicago, il avait appris les arts martiaux. Il se tapait une heure de conduite tous les mardis soir pour son judo - plutôt que d'aller au cours de karaté, qui n'était qu'à deux minutes à pied de chez nous. Il m'avait expliqué qu'il préférait la voie douce à la f o r c e . D'une certaine manière, c'était plus satisfaisant, me disait-il. Il est bien assez costaud pour me plier à sa merci, mais il préfère ne pas devoir user de sa f o r c e  ou des chaînes, sinon en tant que moyen temporaire pour parvenir à l'achèvement d'une contrainte sans entraves mais néanmoins strictement confinée. Les chaînes invisibles sont - ou ne sont pas - les plus solides, mais J pense qu'elles sont les meilleures, pour ses raisons bien à lui.

            En écrivant cela, les mots ne me semblent pas pertinents et, quand j'y songe, ils me paraissent bien lourdingues. Je ne suis toujours pas sûre d'eux. Il ne faut vraiment pas les prendre au pied de la lettre. Je crois qu'il ne faisait que tenter de se justifier de ce qu'il m'avait fait, et qu'il ne l'avait fait que pour exercer sa maîtrise sur moi, et rien d'autre. Une histoire de pouvoir.

            Mais, à cet égard, il a toujours été un mystère pour moi. Il a très souvent eu l'occasion de diriger tout un tas de gens [pour une bonne part de manière professionnelle, mention supprimée] mais même là, sans éluder ses responsabilités, il a toujours refusé d'exercer l'autorité inhérente à son poste. Il est véritablement plus intéressé par sa connaissance intime que par l'apparat du succès social. Son désir de maîtrise a toujours été dirigé vers lui-même. Or donc, son désir d'exercer sa maîtrise sur moi est toujours demeuré très mystérieux. Sauf si j'envisage qu'il me considère tellement comme faisant partie de lui que je tombe dans une catégorie différente que celle des gens ordinaires. Je ne sais pas.

            Ceci dit, sa « volonté de pouvoir » (si vous relisez votre Nietzsche) est dirigée vers lui-même. Donc, appeler ça un « trip de pouvoir » n'est pas tout à fait juste en ce qui le concerne. Probablement.

            Et, bien entendu, C'EST marqué sur la Liste. Enfin, c'est l'une des choses que je n'aurais jamais songé qu'il puisse me faire. Quand il me l'avait suggéré, j'avais ri bêtement et je lui avais répondu : « bien sûr, si je peux te faire pareil. » Bêtement, je pensais à lui de façon différente de ce qu'il était en réalité. Il avait vraiment eu l'intention de me FAIRE ça ; mais moi, au lieu de penser à un truc que j'aurais vraiment désiré (un truc suffisamment énorme pour compenser la perte de mes cheveux), j'avais simplement songé à une juste revanche pour une telle horreur. J'avais pensé : il ne me le ferait pas, rien que parce qu'il n'aurait pas voulu que je le lui fasse. Le point crucial que j'avais loupé était que je n'avais nulle envie de le lui faire. Mais lui, il voulait me le faire. Pourquoi ? Qui sait ?

            J'en vins à conclure qu'il était tout simplement en accord avec ses pensées. Il avait toujours été comme ça. Et j'aime à l'avoir sous mon contrôle. Ça me rassure. Mais mon Dieu ! Mes cheveux ! Même ce matin, une semaine après, je ne sais toujours pas combien de fois j'ai pensé : « Vain Dieu ! dans quoi je me suis fourrée ?! »

            J'ai ressassé des jours et des jours la raison pour laquelle il m'avait fait une telle chose, et je suis sans réponse. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agit plus de psychologie que de philosophie dans ce qui se cache derrière tout ça. J'espère simplement qu'il ne s'agit pas de pathologie. Je pense parfois que son for intérieur doit ressembler à une peinture de Jérôme Bosch (sur ce sujet, le mien aussi). Mais la raison pour laquelle il me le fit n'était pas celle qui me vrillait l'esprit à ce moment. Il s'agissait de mes cheveux.

            En fait, à cet instant précis, je ne pensais à rien, je me sentais juste salement pitoyable. Nonchalamment, je m'examinai dans la grande glace. Il se plaça face à moi, tenant une serviette humide. Tendrement, il m'essuya une tache de mascara du dessous d'un œil... et il m'embrassa, même.

            « Tu es très belle, » dit-il, « et il y a un demi-siècle, tu aurais été considérée comme une grande beauté telle que tu es ; ne méprise pas ton apparence juste parce qu'elle est différente. Si tu peux te rendre compte de ta beauté, alors considère que c'est une nouvelle forme de nudité : une nouvelle source de gêne et d'embarras, que j'apprécie tellement en tant que don. » J'avais tellement envie de croire en lui, de croire qu'il n'était pas fou. Mais je n'en étais pas sûre. Comment pouvait-il me désirer, comme ça ? La seule chose qui m'avait vraiment touchée au cœur était l'idée qu'il voulait me faire entièrement sienne. Il fit un pas de côté pour que je puisse me mirer dans la glace.

            C'était dur de me voir sans éclater en s a n g lots à nouveau. J'ai regardé mes pieds enserrés dans les bottes, toujours enchaînés. Mes poignets attachés reposaient sur mes cuisses, mes mains tremblaient. Il me referma le body par l'arrière en passant entre mes jambes, et remonta la fermeture jusque tout en haut, sur le devant. Il y avait une tache humide entre mes jambes. Mes yeux suivirent le trajet de la fermeture-éclair jusqu'au menton. Je levai les yeux pour revoir mon visage. La vision fut terriblement choquante. Je ne pus me retenir. Des larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, et ma lèvre inférieure se mit à frissonner. Un spécimen fort pathétique. Je me tournai et je levai les yeux vers lui. J'y vis de l'admiration, de l'amour, du souci et de l'intérêt. Je regardai mon crâne par derrière. Puis je me retournai vers lui.

            « Tu ne peux pas... j'ai l'air si... » lui dis-je d'une toute petite voix. J'avais tellement envie de croire en lui, mais ce que je voyais dans le miroir était tellement effroyable. Il me prit par les épaules et me fit pivoter face à lui.

            « Réellement, » dit-il en me regardant droit dans les yeux. « Pour moi tu es magnifique, et pas seulement parce que tu es à moi, mais tout simplement parce que tu es magnifique. »

            J'étais debout là, sous le coup de la stupéfaction, mes pensées entièrement tournées au dedans. J'avais juste besoin de réconfort. J'avais besoin d'être absolument certaine qu'il n'était pas cinglé. Du moins pas pathologiquement marteau. J'avais besoin de savoir qu'il m'aimait. Je rouvris la fermeture-éclair sur le devant, jusqu'à ma taille. Je dus m'y prendre des deux mains, et sans les pouces.

            « Prouve-le-moi... ? lui dis-je, incertaine et pleine de rancœur.

            Il me dévisagea et opina de la tête.

            Il me souleva et me reposa sur le lit et il s'assit, me tenant serrée contre sa poitrine. Il prit la clé pendue à son cou et défit mes poignets, puis il les embrassa à tour de rôle. Il me remit debout et s'agenouilla pour m'enlever les chaînes des bottes. Quand il se releva - en m'embrassant toujours -, je pus le sentir réprimer un tremblement d'émotion. Il me tenait par les épaules du bout des bras, en me regardant, impassible. J'étais encore pleine de rancœur et de honte et je n'arrivais toujours pas à relever les yeux sur lui. Le soleil allait se coucher et les lumières n'étaient pas encore allumées. Les derniers rais du crépuscule frappaient les fenêtres à l'oblique, projetant des ombres fugitives de feuilles d'arbres sur le mur dans la lumière mourante. Tout était calme.

            Il me tendit la cagoule.

            Je la pris et je la mis, en me penchant pour y enfourner le restant de mes cheveux. Déjà la cagoule me couvre le front, ai-je pensé, et si je la porte il ne pourra pas me couper plus de cheveux qu'il ne l'a fait. Mais je me sentais mal, là-dedans. Une vague nauséeuse me balayait dès que je repensais à ce qu'il m'avait fait.

            Il referma le body jusqu'en haut, et relia la cagoule au col de la tenue. Il se mit à genoux pour m'enlever les bottes ; je me relevai pour qu'il m'aide à les retirer. Il se leva et trifouilla les trois fermetures-éclair de sous mon menton, où elles se rejoignaient. Je pouvais sentir du bout de mes doigts gantés que quelque chose reliait la fermeture du body à celle qui m'entourait le cou et aussi à celle qui refermait la cagoule sous le menton. (C'était pourquoi, je me rendis compte, il m'avait fait confectionner les fermetures-éclair avec des trous par endroits, de façon à ce que d'une manière ou d'une autre, elles puissent se rejoindre). J'était tout à fait enclose, à l'exception de mes narines, et je n'avais aucune possibilité de me libérer sans l'aide d'une paire de ciseaux. J'étais bien trop embarrassée avec mes gants pour appréhender ce qui maintenait les fermetures ensemble (ce n'était pas un cadenas), et je n'eus pas à inventer le fil à couper le beurre pour me rendre compte qu'au petit jeu de « trouve les ciseaux d'abord, » en braille et sans les pouces, je ne serais pas gagnante. Je n'ai même pas essayé. Je l'entendis s'asseoir sur le lit et je me frayai un chemin vers lui à tâtons.

            Il m'embrassa au travers du body et me dit « Je peux te donner ce que tu désires, mais ça ne veut pas dire que j'ai l'intention de relâcher le contrôle que j'exerce sur toi. »

            Il m'embrassa encore, s'attardant sur le masque entre nos lèvres. Je levai mon visage aveuglé pour aller à la rencontre de ses baisers. Des larmes coulaient encore sous la cagoule. Il caressa mon corps et ce ne fut pas exactement anti-sexuel, mais il ne s'agissait néanmoins pas non plus de préliminaires. Nous nous adossâmes sur les oreillers que nous avions calé contre la tête du lit, il me tenait dans ses bras. Je m'y sentais à l'abri, protégée. Pendant que nous nous pelotonnions ainsi dans la chambre assombrie, je pris conscience que son attention était complètement focalisée sur moi, et je me sentis devenir le centre d'un petit monde privé, comme si j'étais redevenue une petite mioche, partageant ses secrets sous une couverture. Ou bien un embryon dans son cocon. Mais à chaque fois que je parvenais à me détendre, je revenais sans cesse à mes cheveux. Ça n'arrêtait pas de revenir. Il fit tout pour que je me sente rassérénée et en sécurité, mais j'avais toujours en tête, dans un coin, l'idée que quelque chose allait de travers, et ça remontait à la surface, et je me sentais mal à nouveau. Je pensais : « Pourquoi mes cheveux ? » Et je me remettais à pleurer sous la cagoule.

            « Je crois que je vais te laisser comme ça pendant quelques heures. Comme un animal domestique, » susurra-t-il à mon oreille. Ses caresses au travers du Lycra se firent plus ouvertement sexuelles. Il y a quelque chose de spécialement sexy dans la façon dont il use de ses ongles pour glisser sur le tissu ; quand il caresse mon sexe ainsi, glissant de mon ventre jusqu'à entre mes jambes, je ne peux m'empêcher d'avoir le souffle court. C'est comme d'être chatouillée sans le mauvais côté qui me fait éclater de rire. Ça me met hors de souffle et mes abdominaux se contractent involontairement. Mais il s'arrêta.

            Je ne pouvais ni lire ni regarder la télé ; il était bien trop tôt pour dormir et je ne pouvais ni cuisiner, ni manger, ni même me promener aisément. Il n'y avait rien que je puisse faire dans cet accoutrement sinon tenter de le séduire pour qu'il me l'enlève. Alors m e r d e ... j'ai tenté le tout pour le tout. Je l'ai senti se durcir quand j'ai frotté mon corps contre le sien, et je devins moi-même passablement excitée. Mais je ne lui avais toujours pas pardonné. C'était la seule chose qu'il m'ait faite pour laquelle j'éprouvais une rancœur qui dure plus de quelques minutes. Jusqu'à maintenant, du moins.

            Il me poussa sur le lit et dit, « je crois que je vais me prendre une douche. » Il se leva et me laissa sur le lit, et j'entendis couler la douche. J'étais allumée et je savais qu'il l'était lui aussi. Je tâtonnai jusqu'à la salle de bains et je m'assis sur le couvercle des toilettes pendant qu'il prenait sa douche. J'avais un plan : m'arranger pour que la tenue soit mouillée, comme ça il devrait me la laisser retirer pour qu'elle sèche. J'allai jusqu'à l'entrée de la douche.

            « Salut. » dit-il.

            « Le body a besoin d'être lavé, là, » dis-je, en lui pointant mon sexe. « Et, quand j'ai pleuré, mon nez a coulé dans la cagoule. Je peux venir ? »

            « Bien sûr. »

            Il me passa le savon et je commençai à me laver, et le body fut vite entièrement trempé, puis savonné. Sans les pouces, il fallait que je tienne le savon des deux mains. Je l'ai échangé contre du shampoing. L'eau chaude détendit le tissu ; c'était comme s'il avait fondu en épousant mon corps. En quelques petites secondes, il ne fut plus serré du tout. Mouillé, il devenait parfaitement ajusté et très confortable. Je dois être une personne très sensuelle, car malgré mon humeur abyssale, je retirai une sorte de plaisir érotique au contact du body mouillé remuant doucement sur ma peau dégoulinante d'eau chaude. Quand j'en eus fini, le lui demandai si je serais toujours son « animal de compagnie » sans la tenue. Il dit que non, et me passa une serviette. Je me séchai du mieux que je pus, et il brancha le sèche-cheveux pour que je puisse finir après qu'il soit parti. Il fallut un temps infini pour que je sois sèche. Je devais tenir l'appareil à deux mains, et mes cheveux étaient encore mouillés sous la cagoule quand je l'arrêtai, mais le body était parfaitement moulé, collant de partout.

            Il m'avait laissé seule dans la salle de bains, je dus tâtonner pour retrouver le trajet de la chambre au couloir et jusqu'au salon, où je l'entendais se mouvoir. Je n'étais pas encore habituée à ma nouvelle coupe, je voulais enlever le body pour en revoir l'effet. J'étais choquée et fascinée par mon apparence, c'était comme si j'avais observé une coupe de cheveux Élisabéthaine sur quelqu'un d'autre. Encore plus choquée, car il s'agissait de moi. Je voulais voir et je ne voulais pas voir. Les anges et les fous se ruaient à nouveau en moi en se mélangeant les pinceaux.

            Je ne souffrais pas, cependant ; le body n'est pas du tout comparable au bâillon. C'est juste déconcertant de ne pas savoir ce qui se passe autour de soi. Et, pour parler franc, après un certain temps, l'inactivité f o r c é e devient ennuyeuse. Je lui demandai si je pouvais m'habiller autrement. Il me dit que non, mais qu'il y réfléchirait.

            Je n'étais pas suffisamment désespérée pour le supplier ; et puis j'étais encore courroucée par ce qu'il m'avait fait et je n'avais pas envie de m'humilier de mon plein gré. D'un autre côté, les deux seules choses que je pouvais faire étaient d'écouter de la musique avec un casque et me pelotonner contre J, et je ne parvenais pas à retrouver les écouteurs à l'aveuglette. Je devais offrir une bien étrange vision, à me dandiner lentement dans la maison en me cramponnant aux meubles pour conserver l'équilibre en faisant gaffe à ne rien briser en tâtonnant à la recherche des écouteurs.

            En désespoir de cause, j'ai tenté d'étirer la cagoule pour voir au travers un trou de narine. Ce fut une erreur. Il m'avait vu.

            « Je vois que la cagoule n'est pas assez serrée, » dit-il. Il s'éclipsa au garage. Quand il revint, il me prit par le bras et me dirigea vers la chambre. Il me dit « tu vas obtenir ce que tu as demandé. Le body va tomber. »

Au beau milieu de mon orgasme, il saisit une poignée de cheveux et la tailla net. Je hurlai sous le bâillon. Il me coupait les cheveux !

            Je me ruai contre mes liens. Je me cabrai dans la chaise, en essayant de la faire tomber, oubliant les vibromasseurs dans ma terreur - mais je pouvais à peine me remuer. Je me tordis avec frénésie dans le torse, avec des gestes rendus incohérents et spasmodiques par l'orgasme en cours. Je ne pouvais pas même étirer d'un cran le ruban. Je pouvais tourner ma tête de quelques petits centimètres de chaque côté, mais c'était tout. Je tentai de secouer ma tête pour empêcher ses mains, mais il me coupa très aisément une autre mèche sur le devant. Puis une autre. Dans ma panique, j'avais carrément oublié le bâillon et je continuais bêtement de lui hurler de s'arrêter, même si ne m'entendais que couiner. Mon cœur tapait comme une hache. Comment pouvait-il me faire ça ? Comment ? Mon orgasme se cicatrisa vite, me laissant un arrière-goût d'hystérie. Je n'avais jamais réellement souhaité que ça arrive. Mais pas du tout.

            Il oeuvra sur tout le travers de mon front, depuis les oreilles jusque sur le devant. Je cessai de lutter le temps de reprendre mon souffle et de tenter d'accrocher son regard. S'il seulement il avait pu voir mon expression, il se serait arrêté net. Je me vis dans la glace et je me remis à lutter comme une folle - en vain - quand je me rendis soudainement compte qu'il était bien trop tard pour le stopper. On apercevait déjà mon scalp ; sur une largeur de huit à dix centimètres, mes cheveux faisaient moins d'un centimètre de long. Sur la moitié avant de mon crâne, à partir d'une ligne passant de mes oreilles au sommet de ma tête, j'avais une brosse.

            Il s'arrêta de couper et je m'arrachai les yeux pour contempler ce qu'il restait de moi dans la glace. Je me mis à pleurer. Des traînées de mascara me dégoulinèrent sur le menton. De l'air chaud sifflait à travers mes narines comme d'une machine à vapeur ; j'avais les joues gonflées, les narines dilatées ; mon nez dégouttait sur mes lèvres et par dessus le bâillon, la salive me coulait de la bouche jusqu'au cou et sur les seins plastifiés de mon torse. Ma respiration était hachée, j'avais les yeux rouges et arrondis. J'émis de petits cris plaintifs par les commissures des lèvres, aux coins du bâillon.

            Il étala de la mousse à raser sur mon crâne - mon nouveau crâne - et entreprit de le raser. Ce fut étrange ; le raclement du rasoir était le seul bruit que j'entendais, tout le reste s'étant évanoui à l'arrière-plan de ma conscience, y compris ma respiration laborieuse et rauque.

            Ahurie, je pensai bêtement : « déjà, il ne me coupe pas tous les cheveux, » - comme si ça pouvait faire la différence. À partir de maintenant, je ne pourrais plus me montrer en public. Il faudra des mois et des mois avant que ça repousse. Pendant que le rasoir parcourait mon crâne en tous sens, je repris conscience des vibromasseurs fichés en moi. Ça faisait dix minutes à peine qu'il me les avait insérés, mais ça me semblait si loin que je les avais presque oubliés. Je frissonnai involontairement. Ils n'étaient plus excitants du tout. Je désirais simplement qu'ils ne soient plus là. Je n'avais plus envie de jouir. Je voulais juste que ça s'arrête là, et remonter la vague du temps...

            Il en avait fini. Il m'essuya le crâne et le visage d'une serviette humide, puis il fit bouffer les reliquats de ma chevelure. À travers mes larmes, je vis en lui une personne totalement différente. Mon front était exagérément, insupportablement haut. Comme dans ces vieux portraits d'Elizabeth I d'Angleterre. Mon crâne était parfaitement dénudé au devant des oreilles.

            Il me retira le bâillon. Je ne dis rien. Il n'y avait rien à dire. C'était trop tard. Je me fixai dans la glace, horrifiée, secouée de tremblements, en prise à un méli-mélo d'émotions contraires. Il m'avait sectionné les scotchs, et je ne parvenais pas quitter mon image des yeux dans le miroir, et je ne pouvais rien voir d'autre que mon crâne. Il m'aida à me remettre debout et il me porta sur le lit, où il me retira le torse très doucement, où il m'ouvrit les fermetures de la tenue, où il me retira les vibromasseurs avec une douceur infinie. Qui vibraient encore à fond. J'étais stupéfaite. Je ne l'aidai pas du tout lorsqu'il me retourna pour m'ôter le second vibro. Je crois que je n'ai même pas sourcillé.

            J'étais démolie. J'avais envie de pleurer, et j'en étais incapable. Je ne pouvais penser qu'à mes cheveux. Même sans vibros, je continuai à ressentir en moi une vibration interne, nerveuse, comme si j'étais descendue d'un tracteur ou si j'avais lâché une tondeuse à gazon après des heures de travail. Mon corps entier résonnait de la soudaine absence de vibrations. Mais ça ne comptait pas. Et rien d'autre non plus.

            « Regarde-moi, » dit-il. Je ne le pouvais pas. Je scrutai bêtement le plafond ; ma tenue ouverte, les bottes pendant aux pieds du lit. Il s'assit sur le lit à côté de moi et me fit pivoter menton de sa main. Mes yeux croisèrent les siens.

            « Je t'aime, » me dit-il. Soudainement, mes émotions émergèrent en bloc.

            « Mon Dieu !!! Comment as-tu pu me faire ça !!? me lamentai-je, - en me détournant de lui pour m'enfouir au creux des oreillers. Alors que j'étais hystérique et s a n g lotante à plat ventre, je sentis que sa main se posait sur mon épaule. « Non ! » lui dis-je en me rejetant au loin, comme foudroyée. Je me roulai jusqu'au bord opposé du lit et je me relevai, en équilibre précaire sur mes talons-aiguilles de pouffe -avec les jambes toujours attachées.

            « Regarde ce que tu m'as fait !! » pleurai-je, refondant en larmes et clopinant jusqu'à la glace, jusqu'à lui faire face, les poings serrés aux hanches. Il avait l'air consterné par la véhémence de ma réaction, et je me rendis compte qu'il s'était attendu à tout autre chose de ma part.

            « Pour moi, tu es magnifique. Et je n'ai pas l'intention de me faire pardonner. Je l'ai fait parce que je t'aime et que j'ai l'intention de te faire mienne. »

            J'ai pensé que c'était une drôle de manière de me le prouver,.

            « Je n'arrive pas à croire que c'est vraiment arrivé ! »

            « Je veux te posséder. Maintenant c'est vrai, et plus qu'avant. Essaye de réaliser que je prends bien plus soin de toi que de n'importe qui d'autre dans cet univers. Tu es mon trésor. » D'accord, pensai-je. C'est sûr et certain. Le ton de sa voix m'indiqua qu'il commençait à se faire du mouron parce qu'il m'avait peut-être poussée trop loin. Ou trop vite.

            « Ouais, enfin, ton trésor que tu dis que je suis, tu viens juste de le défigurer, » lui rétorquai-je amèrement, en lui tournant le dos pour mieux mater le miroir à nouveau. Je valais le coup d'œil : avec mon body béant, ça me faisait une estafilade continue de blancheur dénudée coulant de ma chevelure à mon sexe épilé.

            « Non, » me dit-il posément et fermement. Je ne l'avais jamais entendu parler sur un ton si résolu. « Non... » me redit-il, posément, en me retournant face à lui et en plantant mes yeux dans les miens. « Je t'ai dépouillée d'un peu plus que de ta dignité. » C'est super, pensai-je. J'ai droit à le la philosophie à quatre sous, juste histoire de faire passer la pilule. Comme je l'ai déjà mentionné, je me sentais un peu amère.

            « T'avoir fait ça ne peut que te rendre la chose plus facile, » enchaîna-t-il.

            « Mais m e r d e  ! de quoi tu causes ?! »

            « Les sentiments de dignité et de fierté obscurcissent notre relation et notre sexualité comme un feu qui s'obscurcit par sa propre fumée. Je ne t'ai pas défigurée. Je t'ai simplement retiré une part de ta dignité. Pour moi, tu es plus belle que jamais, parce que tu es presque devenue entièrement mienne. Si tu veux assurer ta dignité en public, tu pourras toujours sortir avec une perruque. Je t'en ai acheté une, d'ailleurs, mais tu n'auras le droit de la porter qu'avec mon autorisation. Et tu n'auras droit à aucune dignité en privé.

            « Tu n'es pas défigurée. Tu es modifiée. C'est très important que tu saisisses la nuance... »

            « Je n'arrive pas à y croire, » le coupai-je. Mais il ne s'arrêta pas de déblatérer. Il en rajouta ; il n'était pas branché sur ma fréquence. On aurait dit qu'il ressassait un texte appris par cœur. Je l'écoutais à peine et je ne mordis pas à son truc, mais d'un autre côté, au même moment, je me rendis compte de ce qu'il avait prévu, de ce qu'il avait voulu qu'il advint.

            J avait toujours préféré user de subtilité pour parvenir à ses fins. Je sais que le fait de me raser n'a apparemment rien de subtil, mais il aurait de loin préféré que je sois libre en apparence - et que mes chaînes ne soient pas visibles. Le mieux eût été de n'avoir d'autre contrainte que ma seule panique d'avoir honte. Jusqu'à présent, j'ai bénéficié d'une totale liberté de mouvement dans la maison et dans la cour, mais aussi d'une impossibilité à me montrer en public, que ce soit dans mes chaînes ou avec les poids, ou par manque de vêtements, ou bien encore à cause du torse de plastique qui me contraignait à rester à la maison. Maintenant, c'est mon apparence qui m'enchaîne. En public, ma perruque m'enchaîne - par le simple fait qu'il peut à tout moment me la retirer.

            À Chicago, il avait appris les arts martiaux. Il se tapait une heure de conduite tous les mardis soir pour son judo - plutôt que d'aller au cours de karaté, qui n'était qu'à deux minutes à pied de chez nous. Il m'avait expliqué qu'il préférait la voie douce à la f o r c e . D'une certaine manière, c'était plus satisfaisant, me disait-il. Il est bien assez costaud pour me plier à sa merci, mais il préfère ne pas devoir user de sa f o r c e  ou des chaînes, sinon en tant que moyen temporaire pour parvenir à l'achèvement d'une contrainte sans entraves mais néanmoins strictement confinée. Les chaînes invisibles sont - ou ne sont pas - les plus solides, mais J pense qu'elles sont les meilleures, pour ses raisons bien à lui.

            En écrivant cela, les mots ne me semblent pas pertinents et, quand j'y songe, ils me paraissent bien lourdingues. Je ne suis toujours pas sûre d'eux. Il ne faut vraiment pas les prendre au pied de la lettre. Je crois qu'il ne faisait que tenter de se justifier de ce qu'il m'avait fait, et qu'il ne l'avait fait que pour exercer sa maîtrise sur moi, et rien d'autre. Une histoire de pouvoir.

            Mais, à cet égard, il a toujours été un mystère pour moi. Il a très souvent eu l'occasion de diriger tout un tas de gens [pour une bonne part de manière professionnelle, mention supprimée] mais même là, sans éluder ses responsabilités, il a toujours refusé d'exercer l'autorité inhérente à son poste. Il est véritablement plus intéressé par sa connaissance intime que par l'apparat du succès social. Son désir de maîtrise a toujours été dirigé vers lui-même. Or donc, son désir d'exercer sa maîtrise sur moi est toujours demeuré très mystérieux. Sauf si j'envisage qu'il me considère tellement comme faisant partie de lui que je tombe dans une catégorie différente que celle des gens ordinaires. Je ne sais pas.

            Ceci dit, sa « volonté de pouvoir » (si vous relisez votre Nietzsche) est dirigée vers lui-même. Donc, appeler ça un « trip de pouvoir » n'est pas tout à fait juste en ce qui le concerne. Probablement.

            Et, bien entendu, C'EST marqué sur la Liste. Enfin, c'est l'une des choses que je n'aurais jamais songé qu'il puisse me faire. Quand il me l'avait suggéré, j'avais ri bêtement et je lui avais répondu : « bien sûr, si je peux te faire pareil. » Bêtement, je pensais à lui de façon différente de ce qu'il était en réalité. Il avait vraiment eu l'intention de me FAIRE ça ; mais moi, au lieu de penser à un truc que j'aurais vraiment désiré (un truc suffisamment énorme pour compenser la perte de mes cheveux), j'avais simplement songé à une juste revanche pour une telle horreur. J'avais pensé : il ne me le ferait pas, rien que parce qu'il n'aurait pas voulu que je le lui fasse. Le point crucial que j'avais loupé était que je n'avais nulle envie de le lui faire. Mais lui, il voulait me le faire. Pourquoi ? Qui sait ?

            J'en vins à conclure qu'il était tout simplement en accord avec ses pensées. Il avait toujours été comme ça. Et j'aime à l'avoir sous mon contrôle. Ça me rassure. Mais mon Dieu ! Mes cheveux ! Même ce matin, une semaine après, je ne sais toujours pas combien de fois j'ai pensé : « Vain Dieu ! dans quoi je me suis fourrée ?! »

            J'ai ressassé des jours et des jours la raison pour laquelle il m'avait fait une telle chose, et je suis sans réponse. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agit plus de psychologie que de philosophie dans ce qui se cache derrière tout ça. J'espère simplement qu'il ne s'agit pas de pathologie. Je pense parfois que son for intérieur doit ressembler à une peinture de Jérôme Bosch (sur ce sujet, le mien aussi). Mais la raison pour laquelle il me le fit n'était pas celle qui me vrillait l'esprit à ce moment. Il s'agissait de mes cheveux.

            En fait, à cet instant précis, je ne pensais à rien, je me sentais juste salement pitoyable. Nonchalamment, je m'examinai dans la grande glace. Il se plaça face à moi, tenant une serviette humide. Tendrement, il m'essuya une tache de mascara du dessous d'un œil... et il m'embrassa, même.

            « Tu es très belle, » dit-il, « et il y a un demi-siècle, tu aurais été considérée comme une grande beauté telle que tu es ; ne méprise pas ton apparence juste parce qu'elle est différente. Si tu peux te rendre compte de ta beauté, alors considère que c'est une nouvelle forme de nudité : une nouvelle source de gêne et d'embarras, que j'apprécie tellement en tant que don. » J'avais tellement envie de croire en lui, de croire qu'il n'était pas fou. Mais je n'en étais pas sûre. Comment pouvait-il me désirer, comme ça ? La seule chose qui m'avait vraiment touchée au cœur était l'idée qu'il voulait me faire entièrement sienne. Il fit un pas de côté pour que je puisse me mirer dans la glace.

            C'était dur de me voir sans éclater en s a n g lots à nouveau. J'ai regardé mes pieds enserrés dans les bottes, toujours enchaînés. Mes poignets attachés reposaient sur mes cuisses, mes mains tremblaient. Il me referma le body par l'arrière en passant entre mes jambes, et remonta la fermeture jusque tout en haut, sur le devant. Il y avait une tache humide entre mes jambes. Mes yeux suivirent le trajet de la fermeture-éclair jusqu'au menton. Je levai les yeux pour revoir mon visage. La vision fut terriblement choquante. Je ne pus me retenir. Des larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, et ma lèvre inférieure se mit à frissonner. Un spécimen fort pathétique. Je me tournai et je levai les yeux vers lui. J'y vis de l'admiration, de l'amour, du souci et de l'intérêt. Je regardai mon crâne par derrière. Puis je me retournai vers lui.

            « Tu ne peux pas... j'ai l'air si... » lui dis-je d'une toute petite voix. J'avais tellement envie de croire en lui, mais ce que je voyais dans le miroir était tellement effroyable. Il me prit par les épaules et me fit pivoter face à lui.

            « Réellement, » dit-il en me regardant droit dans les yeux. « Pour moi tu es magnifique, et pas seulement parce que tu es à moi, mais tout simplement parce que tu es magnifique. »

            J'étais debout là, sous le coup de la stupéfaction, mes pensées entièrement tournées au dedans. J'avais juste besoin de réconfort. J'avais besoin d'être absolument certaine qu'il n'était pas cinglé. Du moins pas pathologiquement marteau. J'avais besoin de savoir qu'il m'aimait. Je rouvris la fermeture-éclair sur le devant, jusqu'à ma taille. Je dus m'y prendre des deux mains, et sans les pouces.

            « Prouve-le-moi... ? lui dis-je, incertaine et pleine de rancœur.

            Il me dévisagea et opina de la tête.

            Il me souleva et me reposa sur le lit et il s'assit, me tenant serrée contre sa poitrine. Il prit la clé pendue à son cou et défit mes poignets, puis il les embrassa à tour de rôle. Il me remit debout et s'agenouilla pour m'enlever les chaînes des bottes. Quand il se releva - en m'embrassant toujours -, je pus le sentir réprimer un tremblement d'émotion. Il me tenait par les épaules du bout des bras, en me regardant, impassible. J'étais encore pleine de rancœur et de honte et je n'arrivais toujours pas à relever les yeux sur lui. Le soleil allait se coucher et les lumières n'étaient pas encore allumées. Les derniers rais du crépuscule frappaient les fenêtres à l'oblique, projetant des ombres fugitives de feuilles d'arbres sur le mur dans la lumière mourante. Tout était calme.

            Il me tendit la cagoule.

            Je la pris et je la mis, en me penchant pour y enfourner le restant de mes cheveux. Déjà la cagoule me couvre le front, ai-je pensé, et si je la porte il ne pourra pas me couper plus de cheveux qu'il ne l'a fait. Mais je me sentais mal, là-dedans. Une vague nauséeuse me balayait dès que je repensais à ce qu'il m'avait fait.

            Il referma le body jusqu'en haut, et relia la cagoule au col de la tenue. Il se mit à genoux pour m'enlever les bottes ; je me relevai pour qu'il m'aide à les retirer. Il se leva et trifouilla les trois fermetures-éclair de sous mon menton, où elles se rejoignaient. Je pouvais sentir du bout de mes doigts gantés que quelque chose reliait la fermeture du body à celle qui m'entourait le cou et aussi à celle qui refermait la cagoule sous le menton. (C'était pourquoi, je me rendis compte, il m'avait fait confectionner les fermetures-éclair avec des trous par endroits, de façon à ce que d'une manière ou d'une autre, elles puissent se rejoindre). J'était tout à fait enclose, à l'exception de mes narines, et je n'avais aucune possibilité de me libérer sans l'aide d'une paire de ciseaux. J'étais bien trop embarrassée avec mes gants pour appréhender ce qui maintenait les fermetures ensemble (ce n'était pas un cadenas), et je n'eus pas à inventer le fil à couper le beurre pour me rendre compte qu'au petit jeu de « trouve les ciseaux d'abord, » en braille et sans les pouces, je ne serais pas gagnante. Je n'ai même pas essayé. Je l'entendis s'asseoir sur le lit et je me frayai un chemin vers lui à tâtons.

            Il m'embrassa au travers du body et me dit « Je peux te donner ce que tu désires, mais ça ne veut pas dire que j'ai l'intention de relâcher le contrôle que j'exerce sur toi. »

            Il m'embrassa encore, s'attardant sur le masque entre nos lèvres. Je levai mon visage aveuglé pour aller à la rencontre de ses baisers. Des larmes coulaient encore sous la cagoule. Il caressa mon corps et ce ne fut pas exactement anti-sexuel, mais il ne s'agissait néanmoins pas non plus de préliminaires. Nous nous adossâmes sur les oreillers que nous avions calé contre la tête du lit, il me tenait dans ses bras. Je m'y sentais à l'abri, protégée. Pendant que nous nous pelotonnions ainsi dans la chambre assombrie, je pris conscience que son attention était complètement focalisée sur moi, et je me sentis devenir le centre d'un petit monde privé, comme si j'étais redevenue une petite mioche, partageant ses secrets sous une couverture. Ou bien un embryon dans son cocon. Mais à chaque fois que je parvenais à me détendre, je revenais sans cesse à mes cheveux. Ça n'arrêtait pas de revenir. Il fit tout pour que je me sente rassérénée et en sécurité, mais j'avais toujours en tête, dans un coin, l'idée que quelque chose allait de travers, et ça remontait à la surface, et je me sentais mal à nouveau. Je pensais : « Pourquoi mes cheveux ? » Et je me remettais à pleurer sous la cagoule.

            « Je crois que je vais te laisser comme ça pendant quelques heures. Comme un animal domestique, » susurra-t-il à mon oreille. Ses caresses au travers du Lycra se firent plus ouvertement sexuelles. Il y a quelque chose de spécialement sexy dans la façon dont il use de ses ongles pour glisser sur le tissu ; quand il caresse mon sexe ainsi, glissant de mon ventre jusqu'à entre mes jambes, je ne peux m'empêcher d'avoir le souffle court. C'est comme d'être chatouillée sans le mauvais côté qui me fait éclater de rire. Ça me met hors de souffle et mes abdominaux se contractent involontairement. Mais il s'arrêta.

            Je ne pouvais ni lire ni regarder la télé ; il était bien trop tôt pour dormir et je ne pouvais ni cuisiner, ni manger, ni même me promener aisément. Il n'y avait rien que je puisse faire dans cet accoutrement sinon tenter de le séduire pour qu'il me l'enlève. Alors m e r d e ... j'ai tenté le tout pour le tout. Je l'ai senti se durcir quand j'ai frotté mon corps contre le sien, et je devins moi-même passablement excitée. Mais je ne lui avais toujours pas pardonné. C'était la seule chose qu'il m'ait faite pour laquelle j'éprouvais une rancœur qui dure plus de quelques minutes. Jusqu'à maintenant, du moins.

            Il me poussa sur le lit et dit, « je crois que je vais me prendre une douche. » Il se leva et me laissa sur le lit, et j'entendis couler la douche. J'étais allumée et je savais qu'il l'était lui aussi. Je tâtonnai jusqu'à la salle de bains et je m'assis sur le couvercle des toilettes pendant qu'il prenait sa douche. J'avais un plan : m'arranger pour que la tenue soit mouillée, comme ça il devrait me la laisser retirer pour qu'elle sèche. J'allai jusqu'à l'entrée de la douche.

            « Salut. » dit-il.

            « Le body a besoin d'être lavé, là, » dis-je, en lui pointant mon sexe. « Et, quand j'ai pleuré, mon nez a coulé dans la cagoule. Je peux venir ? »

            « Bien sûr. »

            Il me passa le savon et je commençai à me laver, et le body fut vite entièrement trempé, puis savonné. Sans les pouces, il fallait que je tienne le savon des deux mains. Je l'ai échangé contre du shampoing. L'eau chaude détendit le tissu ; c'était comme s'il avait fondu en épousant mon corps. En quelques petites secondes, il ne fut plus serré du tout. Mouillé, il devenait parfaitement ajusté et très confortable. Je dois être une personne très sensuelle, car malgré mon humeur abyssale, je retirai une sorte de plaisir érotique au contact du body mouillé remuant doucement sur ma peau dégoulinante d'eau chaude. Quand j'en eus fini, le lui demandai si je serais toujours son « animal de compagnie » sans la tenue. Il dit que non, et me passa une serviette. Je me séchai du mieux que je pus, et il brancha le sèche-cheveux pour que je puisse finir après qu'il soit parti. Il fallut un temps infini pour que je sois sèche. Je devais tenir l'appareil à deux mains, et mes cheveux étaient encore mouillés sous la cagoule quand je l'arrêtai, mais le body était parfaitement moulé, collant de partout.

            Il m'avait laissé seule dans la salle de bains, je dus tâtonner pour retrouver le trajet de la chambre au couloir et jusqu'au salon, où je l'entendais se mouvoir. Je n'étais pas encore habituée à ma nouvelle coupe, je voulais enlever le body pour en revoir l'effet. J'étais choquée et fascinée par mon apparence, c'était comme si j'avais observé une coupe de cheveux Élisabéthaine sur quelqu'un d'autre. Encore plus choquée, car il s'agissait de moi. Je voulais voir et je ne voulais pas voir. Les anges et les fous se ruaient à nouveau en moi en se mélangeant les pinceaux.

            Je ne souffrais pas, cependant ; le body n'est pas du tout comparable au bâillon. C'est juste déconcertant de ne pas savoir ce qui se passe autour de soi. Et, pour parler franc, après un certain temps, l'inactivité f o r c é e devient ennuyeuse. Je lui demandai si je pouvais m'habiller autrement. Il me dit que non, mais qu'il y réfléchirait.

            Je n'étais pas suffisamment désespérée pour le supplier ; et puis j'étais encore courroucée par ce qu'il m'avait fait et je n'avais pas envie de m'humilier de mon plein gré. D'un autre côté, les deux seules choses que je pouvais faire étaient d'écouter de la musique avec un casque et me pelotonner contre J, et je ne parvenais pas à retrouver les écouteurs à l'aveuglette. Je devais offrir une bien étrange vision, à me dandiner lentement dans la maison en me cramponnant aux meubles pour conserver l'équilibre en faisant gaffe à ne rien briser en tâtonnant à la recherche des écouteurs.

            En désespoir de cause, j'ai tenté d'étirer la cagoule pour voir au travers un trou de narine. Ce fut une erreur. Il m'avait vu.

            « Je vois que la cagoule n'est pas assez serrée, » dit-il. Il s'éclipsa au garage. Quand il revint, il me prit par le bras et me dirigea vers la chambre. Il me dit « tu vas obtenir ce que tu as demandé. Le body va tomber. »

 

LA LISTE ( SUITE 7 )

Il fit quelque chose à mon cou et ouvrit la fermeture de la cagoule, la séparant du body. Il ouvrit ensuite le body depuis mon cou jusqu'au au milieu du dos et le descendit d'un geste à mes chevilles. J'étais nue, à l'exception de la cagoule. Je sentis qu'il me bouclait quelque chose autour du haut des cuisses, l'une après l'autre. Puis mes poignets ; il attacha mes poignets aux côtés de mes cuisses. Je connais le son de ces petits cadenas par cœur, maintenant. Je pourrais marcher, mais je ne verrai rien et je ne pourrais rien atteindre de mes mains.

            C'était encore pire qu'auparavant, mais il n'en avait pas fini. Il me passa un collier. Il ne le cadenassa pas : je ne pouvais pas l'atteindre. Une autre s a n g le autour de chaque jambe juste au dessus du genou, lesquelles étaient reliées entre elles de telle façon que je ne pouvais marcher qu'à tout petits pas ; une autre s a n g le à chaque cheville, une autre encore à chaque coude et une de plus autour de ma taille avec une large courroie entre les jambes, qui m'écartelait les fesses. Je me souvenais de celle-là : il me l'avait déjà mise une fois auparavant. Mais, cette fois-ci, mes coudes étaient attachés à la ceinture.

            Une s a n g le en travers du dos, sous chaque bras et par dessus chaque épaule, soutenant mes seins, les faisant saillir artificiellement plus qu'ils ne l'auraient fait si je les avais comprimés de mes mains pour les faire paraître plus gros. Il passa encore une autre s a n g le à l'arrière du collier et la boucla au dos de la ceinture, qu'il tira si fort qu'elle me f o r ç a  à me cambrer encore plus.

            s a n g le après s a n g le après s a n g le, et je fus de plus en plus contrainte. La dernière partait du devant du collier, passait entre mes seins et au travers d'un anneau de la ceinture ; elle était très tendue, m'appuyant cruellement sur le sexe, obligeant mes lèvres à s'écarter l'une de l'autre. Je ne pouvais quasiment plus bouger : impossible de me pencher, impossible de remuer les bras, et même les coudes ; impossible d'y voir. Mais je ne souffrais pas. Enfin, pas exactement.

            Je pouvais marcher tout doucement, parler, et m'asseoir. Précautionneusement. Je n'étais pas même à l'aise en marchant. Et si j'avais perdu l'équilibre ? À peine lui eus-je posé la question qu'il me bâillonna illico, avec un simple bandeau de tissu attaché serré par dessus la cagoule, qui m'obligeait à garder la bouche ouverte. Je ne m'étais jamais sentie si contrainte et piégée auparavant. Et impossible même de mendier un petit allègement. Mais pourtant je ne souffrais pas.

            D'être impuissante et enclose de cette manière était en fait extrêmement érotique pour moi. Ce l'aurait été encore bien plus si l'image de mon crâne à demi-rasé n'avait pas continué de hanter ma conscience. Le fait d'éprouver des sensations érotiques en de telles circonstances n'est pas ce qu'on s'attend à entendre admettre de la part d'une fille du Middle West ordinaire, je sais. Je me souviens avoir songé qu'il n'aurait dû que m'attacher ainsi plutôt que de faire ça à mes cheveux. Mes pensées revenaient sans cesse à mes cheveux. Chaque fois que pensais directement à eux, mon esprit se dérobait, mais en même temps mes pensées étaient ramenées à mon crâne comme celles d'un oiseau hypnotisé par un serpent (je sais que c'est un cliché de mamie, mais ça décrit bien comment je me sentais). Je ne peux toujours pas aborder l'idée de front, mais je ne peux pas non plus l'ignorer. Je suis inexorablement aspirée par quelque chose que je tente désespérément d'éviter et d'affronter. Le fait d'écrire tout ça m'aide beaucoup, je suppose.

            La plupart du temps, néanmoins, je devais me concentrer pour ne pas perdre l'équilibre. Et si je tombais avec mes bras attachés...

            Mais J prenait bien soin de moi. Il me guida au pied du lit et attacha l'avant de mon collier à quelque chose qui pendait du plafond - j'ignorais quoi. Si je pliais les genoux, mon poids reposait plus sur le milieu de la courroie de mon « string » en cuir que sur mon cou. Même si je m'évanouissais, je ne pouvais ni tomber, ni me faire mal.

            Je ne pouvais que me tenir debout, là.

            « Quand je reviendrais, je te libèrerais de l'une de tes contraintes. Songe bien à ce que tu devras faire pour me faire te libérer de la suivante, » me dit-il. Il me laissa là, debout dans la chambre pour un temps qui me parut durer des heures ; mais ça n'avait certainement duré qu'un petit quart d'heure. Je l'entendis se remuer à la cuisine, et je me mis à réfléchir. Est-ce que c'est bizarre ? Oui. Est-ce que je l'aimais encore ? Oui. Est-ce que je me souciais encore de savoir s'il m'aimait ? Oui. Est-ce que je voulais en finir avec la Liste ? Ça dépendrait de jusqu'où elle pouvait aller, au pire. Et du prix à payer pour y mettre un terme. Ça ne pouvait pas être pire que là. Il n'y avait rien d'autre qu'il puisse me faire qui pût compter. Du moment qu'il s'en tiendrait strictement à la Liste.

            Il m'avait f o r c é e à subir cette dernière étape, ce truc avec mes cheveux. J'étais bâillonné et je ne pouvais pas émettre de protestations. Si je l'avais pu, j'aurais mis fin à la Liste. Je l'aurais vraiment fait, même si je l'avais acceptée. (En fait, je retirais une charge émotive du fait de l'avoir acceptée. J'étais audacieuse et érotisée alors même que j'aurais dû penser avec autre chose que mes glandes.) Après, ce fut trop tard. Ce n'est pas entièrement de ma faute ; on peut trouver une consolation à cela. Et comment pouvait-il savoir que mes fantasmes couchés sur papier ne fussent rien d'autre que de simples fantasmes ? Après tout, j'avais agréé à la Liste. Mais j'avais tort sur un point : cela devait aller en s'empirant.

            La seule conclusion à laquelle je parvins fut que dans le court terme je n'y penserais point. Je coopèrerais avec ses désirs, et puis je leur ferais face. Ce qui signifiait que la première étape consistait à lui plaire, ou du moins à lui faire croire que j'avais envie de lui plaire. Et m e r d e  ! pourtant je n'avais pas envie de lui faire plaisir, je voulais juste qu'il me possède. Deux fois m e r d e . Je ne sais pas ce qu'il voulait.

            La seule chose qu'il fit en revenant fut de ne pas enlever la moindre s a n g le, mais de m'embrasser au travers du bâillon. Doucement, il tira sur les pendentifs qui se balançaient à mes seins renflés. Je savais d'expérience le moment où mes tétons seraient prêts à saillir, sans même savoir ce qui leur arrivait. Il tira un peu plus fort. La sensation était délicieuse : un plaisir intense doublé d'une pas-tout-à-fait-douleur. Ils étaient encore sensibles, mais parfaitement cicatrisés. Avant ça, j'aurais pu dire que tirer sur mes anneaux, à peine et très doucement (il est très doux quand c'est important) eut été absolument verboten. Maintenant, je n'en suis plus si sûre.

            Il accrût sa tension sur mes tétons jusqu'à ce que mon souffle s'accélérât : chaque inspiration/expiration était marquée par un temps de pause, un endiguement de mon souffle, une attente, où j'étais suspendue l'esprit vidé de tout sauf du bout de mes seins.

            J'ai mes raisons d'insister pour que vous compreniez bien ce dernier paragraphe. Expirer. Inspirer. Une pause avec les poumons pleins. Se concentrer sur les tétons. Essayez. Expirez inspirez. C'est plus dur d'expirer, j'ai donc essayé en retenant mon souffle. Mais j'avais besoin de respirer. Servez-vous de votre imagination. Ce fut intense, profond.

            L'inspiration soulageait un peu la tension de mes mamelons. La sensation semblait s'étendre au plus profond de mes seins pour aller jusqu'à tirer directement mon utérus. Je sais bien qu'il n'existe aucune explication physique plausible à cette sensation, mais elle est bien réelle. Ça me désole que J n'ait pas cette sensibilité et qu'il ne puisse jamais ressentir cela.

            Non, je ne suis pas désolée. Enfin si, je le suis.

            Je me sentais mouiller sous la courroie de cuir.

            Il m'ôta le bâillon et m'embrassa encore par dessous la cagoule. Je lui retournai son baiser, en m'appuyant sur lui de mon corps immobilisé du mieux que je pus. Mes tétons pointaient méchamment.

            Il décrocha la chaîne de mon cou. Je tombai sur lui, pesant de tout mon poids, délibérément. Il me rattrapa et me retint. J'approchai mon visage aveugle près du sien ; il m'embrassa au travers du masque. Je me disais que je faisais cela dans le but unique d'être libérée, mais je savais que ce n'était pas vrai, en même temps. J'aimais cela. Et même, j'aime bien écrire tout ça.

            Il m'allongea confortablement sur le lit où il m'embrassa - en tirant un peu moins doucement sur les pendentifs de mes tétons durcis. Vous n'avez pas idée de la sensation atrocement délicieuse que procure la traction des bouts de seins quand ils sont durs comme pierres, une traction qui semble atteindre à votre tréfonds et qui vous balance une décharge électrique, vous coupe le souffle et vous amène un flot instantané de chaleur moite au dedans du corps. Ou alors vous avez déjà une idée. Jusqu'à présent, je n'avais jamais ressenti cela aussi fortement. Ces anneaux sont extra.

            Il défit la courroie connectant l'arrière de mon collier à la ceinture, me libérant de la courbure outrancière de mon dos. Mes épaules étaient toujours attachées, cependant, et mes seins saillaient toujours vers l'avant. Mes tétons était douloureux à f o r c e  d'être excités ; ils étaient si durs que les pendentifs étaient dressés tout au bout : ils ne se balançaient plus contre mes seins ; ils ne les touchaient même plus quand j'étais debout. Ma respiration se fit bruyante.

            Il me plaça au milieu du lit et m'y étendit sur le dos. Il ôta la courroie d'entre mes jambes. Il attacha mes chevilles aux coins du lit, les jambes bien écartées, mais pas au point d'en éprouver de l'inconfort. Puis il rattacha quelque chose aux courroies qui maintenaient mes genoux, ce qui fit qu'ils se retrouvèrent encore plus près des bords du lit. Je n'avais jamais été tant écartelée. Je sentais les muscles de mes cuisses se distendre.

            Il se mit à genoux entre les miens, défit les boucles de la ceinture sur le devant et écarta la courroie de cuir, exposant mon sexe trempé. Il détacha mes coudes de la ceinture, ainsi que la s a n g le qui courait de l'avant de mon collier jusqu'à la ceinture. En soulevant mes fesses, il fit glisser la s a n g le par dessous. Je lui étais aussi exposée que possible, les jambes très écartées, les seins jaillissants, et les poignets toujours attachés à mes cuisses.

            Précautionneusement, il fit reposer son poids sur moi ; c'était comme si un épais manteau de neige chaude m'avait recouverte. Je haletais, à cause de la position de mes jambes et aussi parce que j'étais excitée. Il défit la cagoule et me la remonta jusqu'au nez, découvrant ma bouche. Je sentais son souffle sur mon visage, une foule de quasi-baisers démangeant mes lèvres aveugles et avides.

            Avec une lenteur calculée, il me pénétra simultanément - ma bouche avec sa langue et mon sexe de sa masculinité. Je me convulsai vite en un orgasme. Ce fut très dur pour moi de l'attirer en moi dans cette position, mais j'essayais jusqu'aux limites de la douleur de mes pauvres cuisses.

            Il se poussa en moi. Au plus profond, puis il se retira. Une longue pause. Dedans-dehors. À chaque fois qu'il me pénétrait, j'exhalais, et j'inspirais v i o l emment quand il se retirait. Quand il marquait une pause, ça me coupait le souffle, et je me tendais vers la pénétration à venir. Il poussa le rythme jusqu'à ce que ma respiration fut haletante et hors de tout contrôle, et qu'il la synchronise avec mes poussées propres. Mes halètements se mêlèrent à mes soupirs déchirants, mes soupirs à de douces lamentations, ces lamentations devenant elles-mêmes de plus en plus fortes, jusqu'au moment où le barrage se rompit - d'un coup d'un seul. Ce fut une question de temps. Je m'affaissai en un épuisement vibratile. Graduellement, il se fit flasque en moi.

            Peu après, la plus merveilleuse des choses arriva. La chose qui me convainquit que j'étais toujours attirante, et peut-être même encore plus attirante pour lui avec ma chevelure à demi-rasée. Il fit glisser la cagoule entièrement, exposant mon front dénudé. Mes pensées s'étaient évaporées. Il ne persistait plus que de l'humiliation. J'étais totalement, extrêmement, embarrassée. Bien que la lumière du crépuscule fût très faible et qu'il ne pouvait pas vraiment me voir, je détournai la tête et j'essayai de me cacher.

            Je ruai sans espoir dans les s a n g les qui relaient mes poignets aux cuisses. Mais il me prit la tête entre les mains et me f o r ç a  à lui faire face. Tendrement, il baisa mon crâne rasé. En même temps, je le sentis se bander à nouveau en moi. La sensation était merveilleuse. L'avoir déjà en moi, et le sentir grandir et s'épaissir de plus en plus, jusqu'à ce qu'il soit rigide et dur à nouveau, m'emplissant tout à fait. Je réalisai alors que la vue de mon crâne rasé était à l'origine de cette merveilleuse résurrection. Ça le lui faisait réellement, à un degré involontaire et d'une façon qui ne pouvait pas être truquée - comme mon allure, actuellement. Et c'était bien. Au moins, une petite partie de tout cela était bien.

            J'eus donc droit à mon troisième orgasme du jour, et pendant tout ce temps-là, dans mon for intérieur, naquit l'idée que ma nouvelle apparence, même si je la haïssais (et je la déteste encore), me donnait du pouvoir. Du pouvoir sur lui.

 

 

            Plus tard, il me lava, me délia les jambes et me laissa sur le lit, en proie à un méli-mélo d'émotions contradictoires.

            Il aimait mon allure - profondément, psychiquement - , je la haïssais ; je voulais qu'il m'aime aussi fort qu'il se pût, et peut-être même au prix que j'avais payé, mais s'il était aussi tordu que les événements de ce soir l'indiquaient, alors peut-être bien que je n'avais pas autant envie de lui que je ne le pensais ; il avait ouvert un placard intérieur obscur et précédemment inconnu (de moi) et s'était rendu vulnérable envers moi d'une façon qui me donnait un étrange pouvoir sur lui (et si j'allais dire à tout le monde ce qu'il m'avait fait ?). J'avais voulu me rapprocher ; maintenant c'est fait, mais me rapprocher de quoi ? De qui ? Et puis, je lui avais donné quelque chose que nulle autre n'aurait pu. Ça serait dur pour lui de trouver quelqu'un d'autre qui lui offrirait ce qu'il désire, si toutefois ceci est un indice de ce qu'il désire. Ça me rend en quelque sorte spéciale, pas vrai ? En quelque sorte ?

            À part ça, j'avais faim, et je le suivis quelques minutes plus tard au salon, les mains toujours collées aux cuisses. Au passage, je jetais un œil à la psyché. Mes cheveux avaient séché en étant plaqués sur ma tête par la cagoule. Ils étaient lissés en arrière sur mon crâne ; j'avais l'air d'une Ratso Rizzo nordique ; en fait, en me regardant de face, on aurait dit que je n'avais pas de cheveux du tout. Je ne pouvais y remédier à cause de mes mains attachées.

            J'errai dans le salon, où il avait préparé un feu. Il avait fait réchauffer un repas léger au micro-ondes pendant le temps qu'il m'avait laissée suspendue au (enfin, pas vraiment suspendue, mais attachée au) plafond de la chambre. Il alluma le feu, et nous nous assîmes côte à côte sur le sofa, où il me fit manger à toutes petites bouchées. Il me caressait en me nourrissant, me stimulant un second appétit, m'attisant à la fois de ses doigts et avec la nourriture.

            Après avoir mangé, il me fit un cadeau. C'était une chaînette en or pourvue dun fermoir à chaque extrémité. Il en attacha un à chacun de mes anneaux ; ça faisait une jolie courbe entre mes seins protubérants. Nous allâmes l'admirer tous deux dans le miroir de la chambre, et il m'enleva les courroies qui tiraient mes épaules en arrière, les laissant, ainsi que mes seins, retrouver une posture plus naturelle. La chaîne était jolie, mais je ne pouvais tout de même pas m'empêcher de penser à mes cheveux et me sentir mal à cause de ça. Que m'avait-il donc fait ?

            Il avait d'autres cadeaux. Il me prit par les épaules et me planta devant la glace, et il me dit de l'attendre là. Mon crâne à demi-rasé avec son casque de cheveux lisses et blonds platinés était encore plus laid qu'il ne l'avait été avant de me doucher dans le body. J'avais envie de les faire bouffer ou bien de les mouiller et de me mettre des bigoudis, ou quelque chose d'autre. N'importe quoi.

            Derrière moi, il fit surgir une perruque. C'était une immense crinière de cheveux noirs enchevêtrés qui m'arrivait au milieu du dos. Soudain, j'eus l'air si belle. Bien plus belle, en fait, que j'avais jamais eu l'air -avec ma couleur naturelle ou teinte en blonde. La texture des cheveux de la perruque était bien plus douce que les miens n'avaient jamais été, et ils étaient bien plus longs. Alors que j'étais là à me mirer d'un côté et de l'autre, pour voir si je pouvais passer pour normale en public, il revint avec une autre perruque, celle-là blonde et dans le même style enchevêtré que l'autre. Pas blonde platinée cette fois-ci, mais d'un blond cendré plus naturel. Et il m'en sortit une autre encore: elle était courte et sa couleur était proche de ma chevelure originelle. Je pourrais la modifier afin qu'elle s'accorde à mes vrais cheveux, me dit-il.

            Enfin, il me remit les bracelets de cuir juste au dessus des genoux et boucla la courroie intermédiaire d'une façon qui m'obligeait à marcher à pas menus ; puis il me libéra les poignets et me dit d'aller me prendre une douche, de laver et sécher mes cheveux, puis de me maquiller. Après cela, je devrais porter uniquement les bottes de pute à talons-aiguilles.

            Trop de choses arrivaient d'un seul coup, ce soir-là. Il m'avais rasé tout le front. Je détestais ça. J'avais appris avec une certitude absolue que ma nouvelle apparence avait le don de l'allumer au point de dépasser sa faculté de contrôle. Je ne savais que ressentir de cette révélation. Je ne sais pas encore. J'avais des perruques à porter, donc tout n'était pas perdu : je pourrais toujours sortir en public. Mais qui pourrais-je duper ? Est-ce que les gens s'en rendraient compte ? Les perruques, à mon avis, n'avaient pas l'air naturel, même celle qui s'accordait à mes anciens cheveux. Les autres étaient bien trop magnifiquement somptueuses pour avoir l'air de vraies chevelures. Mais d'un autre côté, personne ne me connaît par ici, sinon quelques relations superficielles au club de gym.

            Et, le plus important de tout : est-ce que cela signifiait que J était tordu de la tête ? Pire : suis-je moi-même tordue ? Que deviendrais-je s'il se trouvait au fond de moi que je tolère et que même je puisse aimer mon apparence ? Souvenez-vous, J'AVAIS consenti à cela, originellement, il devait donc y avoir quelque chose là, au fond de moi. En fait, pendant notre séparation, il m'avait écrit à propos d'un fantasme d'esclavage qu'il avait eu et dans lequel il m'avait rasé le crâne pour quelque infraction m i n e u r e aux règles du scénario imaginé, et j'avais réagi avec un fantasme similaire dans lequel je me soumettais de mon plein gré à ce traitement, et bien plus.

            À l'origine, j'avais commencé à écrire cette lettre juste parce que j'avais bien vu qu'il s'agissait de quelque chose qui intriguait J, mais en cours d'écriture je me rendis compte que j'avais été pénétrée par l'idée d'une soumission totale et inconditionnelle. Mais ça n'allait pas plus loin. C'était seulement sur du papier et ça n'était attirant que d'un point de vue théorique et abstrait. La pratique réelle, c'était autre chose. Comment pourrais-je trouver du travail et aller bosser, maintenant ? Faire de la gym au club ? Et j'avais toujours présente en arrière-plan la pensée qu'il m'avait dit qu'il ne s'agissait là que du début de ma punition. Ça voulait dire quoi, exactement, le début... ?

            Je voulus discuter de tout ça avec lui après la douche, mais cela dut attendre. Quand je sortis de la chambre, je m'étais séché les cheveux et j'avais mis les bottes comme il me l'avait demandé. Sa réaction fut instantanée et sans ambiguïté. Il me porta de nouveau dans la chambre, détacha mes genoux, et me fit l'amour avec une urgence renouvelée. Je suppose que je ne saurais jamais ce qui serait arrivé si je lui avais résisté. Je crois qu'il se serait arrêté, mais je ne peux pas l'affirmer. Il n'était pas réellement v i o l ent, mais je me sentis complètement impuissante quand je me retrouvai confrontée à l'intensité de son besoin. Le simple fait de m'avoir vue ainsi lui avait fait cela. J'ajoutai d'un trait de craie un autre orgasme à cette journée. Il fit de même.

            Plus tard, au lit, nous avons discuté de mes sentiments sur ce qui s'était passé aujourd'hui. Il est très persuasif. C'était clair que s'il avait été satisfait par notre relation avant, il en était devenu accro, maintenant. Il ne lui fallut que peu de mots pour me le dire, mais j'étais déjà en quelque sorte partie pour le piéger. Je lui admis que j'avais la même pensée à son égard, bien que les événements du jour présent m'avaient presque guéri de mon addiction. L'aspect de ma chevelure pourrait être aisément surmonté par l'usage d'une perruque, même au boulot et à la gym. Je resterais sur les bancs de musculation plutôt que de faire de l'aérobic, jusqu'à ce qu'ils repoussent. Je pourrais porter une perruque courte et laisser pousser mes cheveux dans le même style, comme ça il n'y aurait pas de transition visible.

            Et puis il voulait m'avoir rien qu'à lui, en sa possession, et qu'il n'y ait aucun doute sur le fait que j'appartenais à lui seul, et ce de manière absolue. Émotionnellement, pour moi, c'était un gros argument en sa faveur. Je parvins finalement à la conclusion que mes réserves provenaient toutes de réactions émotives au niveau de mes tripes, à ce que j'étais « différente », et de la peur taraudante qu'au fond de lui, il était peut-être un peu tordu. Mais il existait aussi une sorte d'excitation à être différente sans que nul ne le sache. Et, tordu ou pas, il m'aimait et je pensai pouvoir l'aimer. Je décidais de réserver mon jugement pour le jour où j'essaierai la perruque en public. Mais je haïssais toujours ce qu'il m'avait fait.

            -*-

            Le lendemain, voici ce que nous fîmes. Au club de gym, le réceptionniste me complimenta sur mes cheveux. Il croyait que je m'étais faite faire une coupe. La perruque châtain avait une texture et une couleur différentes et elle était plus courte que mes anciens cheveux. Personne d'autre ne me fit de remarque sur le changement. En soirée, il sortit ma robe en tricot blanche (rien en dessous, naturellement, hormis une paire de sparadraps pour cacher mes anneaux) et je remis la perruque châtain. Nous sortions au cinéma. J'avais raté « 9 semaines ½ » à sa première sortie, mais ça repassait et nous y sommes allés. Je crois qu'il avait prévu ça tout exprès. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un film puéril et débile. Je déteste mouiller pour un truc puéril et con-con.

            Après ça, on est allés dans un petit restau sympa. Il me fit enfiler la longue perruque noire dans la voiture, juste avant d'entrer.

Je pourrais facilement aimer être invitée souvent à dîner et à boire du bon vin. C'est super d'avoir un bon salaire et de vivre comme les gens, histoire de changer. J'ai toujours insisté sur le fait que l'argent n'avait pas d'importance à mes yeux, mais aller dîner dans un bon restaurant et être aux petits oignons nous est un changement salutaire après des années d'études pour J, - du temps où je me faisais les gardes de nuit à l'hôpital - et posséder une maison à la campagne est une nette amélioration par rapport à mon studio de Chicago. Pendant le repas, nous avons parlé de la Liste et de comment je la ressentais. Il ramena le sujet sur le fait qu'il se sentait « uni » à moi par tout cela, et plus encore qu'auparavant.

            En cours de discussion, je me rendis compte que ce nous faisions ensemble nous mettait à l'écart de tous les gens autour de nous au restaurant. Je les balayai des yeux et soudain, J et moi partagions un merveilleux et très spécial secret, et tous ces gens autour de nous allaient rentrer chez eux et rester ordinaires pour tout le temps qu'il leur resterait à vivre. Mais, à notre table... À notre table il y avait quelque chose de scandaleux, vicieux et sexuel si l'on grattait seulement la surface ; je ne portais rien sous ma robe, si ce n'est des sparadraps et des anneaux transperçant mes tétons. Si seulement ils savaient, ai-je pensé... Tout ceci était dissimulé à leurs regards par une façade des plus ténue ; une fraction de centimètre de tissu. Je sentis que je vivais dangereusement. Je sentis que j'aurais dû donner un peu d'éclat leurs vies. Peut-être m'enlever la perruque et la laisser comme pourboire. Quelqu'un n'a-t-il pas dit que le scandale n'est rien d'autre que l'aumône compatissante que le joyeux fait au monotone. Je crois que c'était Oscar Wilde. (vous devriez voir la version vidéo de « Salomé. » Saviez-vous que c'est la pièce de théâtre qui l'a fichu dans une sacré m e r d e  dans une Angleterre alors toute victorienne ? Elle est assez vulgaire, mais c'est drôle de songer à la fureur qu'elle a pu déclencher à l'époque.)

            Pourtant (retour au restaurant) j'avais des doutes. Au moins, il les comprenait, et plus loin nous irions en dépit d'eux, plus forte serait la mesure de notre union. Parler de ça en public m'allumait, j'avoue, d'une drôle de manière. Cela me fit sentir que nous étions très différents des gens autour de nous, si ce n'est pour le mince verni de comportement et de vêtements - suffisant néanmoins pour qu'ils n'aient rien remarqué. Je sais, je me répète, mais c'est un sentiment neuf pour moi, et je l'aime. Je ne m'étais jamais sentie audacieuse, avant. C'était comme si nous étions en train de faire quelque chose d'outrancier là, au beau milieu des autres clients.

            Ce soir-là, le temps de revenir à la maison, je m'étais décidée. J avait dit que lorsqu'il m'avait rasé le crâne, ç'avait été le tournant crucial de cette chose que nous faisions ; mais pour moi, ce soir - au dîner - fut le moment où je pris ma première décision consciente de plonger la tête en avant et d'entamer volontairement la descente qui me conduirait à l'autre face de ma sexualité. Qu'ils aillent se faire foutre, eux tous, ai-je pensé. Et que l'Indiana aussi se fasse foutre. Ce ne fut pas même vraiment une décision, mais plutôt un relâchement volontaire de ma résistance, un laisser-aller. Et puis m e r d e  ! pourquoi pas ? Où donc ai-je déjà entendu ça ?

            Non que je ne me sois pas rebellée ou que je n'aie pas résisté depuis, mais après cette soirée je n'ai plus lutté contre lui que pour la forme, presque par rituel. Ma résistance manque de sincérité, et je me rebelle uniquement si j'alimente mes propres peurs et si je les laisse se montrer, offrant ma peur et ma gêne en don à J plutôt que de les laisser me dominer. C'est une expérience étrangement libératrice que d'utiliser et même de prendre plaisir à mes propres peurs ; avoir peur et pourtant me plonger plus avant avec insouciance, en toute sécurité en sachant que J est là et qu'il me maintiendra en sécurité - même s'il est la cause ultime de mes peurs. Il y a une contradiction fondamentale là, quelque part, et je le sais. Et puis, si (malgré ladite contradiction) vous pensez toujours que ce que je dis n'a aucun sens, rappelez-vous juste que rien n'a de sens. C'est marqué où, que tout doit avoir un sens ? Ça ne serait donc pas atrocement ennuyeux si tout avait un sens ?

            De retour à la maison, on est allés au salon, on s'est affalés sur le sofa et on a balancé nos chaussures au loin. Il passa son bras autour de moi et contempla les cendres dans la cheminée. Le temps était venu pour moi de répondre à sa question informulée. Je me levai et j'allai à la cuisine. Je fis couler de l'eau chaude dans une cuvette et je la ramenai, puis je la posai par terre devant lui. Je vis une question se former sur son visage, mais je mis un doigt sur ses lèvres pour l'inviter au silence, et je retournai dans ma chambre. Là, je me dévêtis, arrangeai mon maquillage, et enfilai mon collier de cuir, et mes bracelets de chevilles ainsi que mes menottes. Comme touche finale, je mis les pendentifs à mes seins, ainsi que la chaînette qui les reliait. Puis j'étalai de la mousse à raser sur l'avant de mon crâne et j'emportai une serviette, le rasoir et un miroir au salon, où je me mis à genoux devant lui.

            Je me mis à raser les repousses sur mon crâne. Quand j'eus fini, je ne levai pas les yeux sur lui : je les conservai bas et j'attendis avec les mains posées sur mes cuisses. Il me prit la main et se leva en m'entraînant à faire de même. Ensemble, nous allâmes dans la chambre. Je vous laisse imaginer la suite. Il aime le look élisabéthain, ceci dit. J'en suis convaincue.

            -*-

            J'ai décidé de porter une perruque en permanence, après ça. Bien entendu, il l'enlève quand il en a envie. Mais il vaut mieux s'il ne se blase pas de ma nouvelle apparence. L'impact visuel est un atout majeur pour moi : chez lui il provoque une érection instantanée et quasi-involontaire. J'aime.

            Il m'a demandé d'entretenir mon front bien rasé, tout comme pour l'épilation de mes poils pubiens. Il m'a demandé de ne pas utiliser la crème dépilatoire, vu qu'il ignorait ce que pouvait provoquer son action sur les follicules pileux. Cela me donna matière à réflexion : l'intervalle entre chacune de mes épilations avait augmenté. Suis-je en train d'endommager mes follicules pileux Là-En-Bas ? Donc, chaque jour je brosse mes cheveux en arrière et je rase le devant de mon crâne dans la foulée des aisselles et des jambes. Un peu plus d'entretien quotidien.

            Le jour suivant, je voulus lui faire une surprise. La première chose que je fis le matin, fut de lui demander de me remettre la chaîne en place (celle qui passe autour de ma taille et entre mes cuisses), et de me passer les clés de la voiture pour aller en ville. Je me rendis au magasin de location de costumes, où j'achetai de la peinture pour le corps et d'autres trucs, et j'allai ensuite dans une boutique de machins orientaux d'importation qui vend de la pacotille indienne à pas cher : colliers plaqués argent, ceintures, bagues d'orteils, clochettes, boucles d'oreilles, etc. Ça ira bien avec la tenue de harem.

            Dans l'après-midi, j'achevai un autre fantasme. Je passais les heures après le déjeuner à me préparer. Un des fantasmes que j'avais couché par écrit me visualisait en une espèce de divinité forestière (ça fait fleur bleue, je sais) à la peau verte avec des lianes tatouées me poussant sur tout le corps. Je m'enduisis (y compris les cheveux) de colorant alimentaire vert (un sacré boulot, ça) et j'achevai en me peignant du chèvrefeuille sur les jambes, enveloppant mon corps, s'enroulant en spirales sur mes fesses et mes seins, cerclant mes mamelons et s'enroulant autour de mon cou et se vrillant sur mes bras, me recouvrant complètement. J'avais même des lianes enroulées de chaque côté du visage, qui se mêlaient à mes sourcils. Il me fallut deux heures pour en venir à bout. J'en eus fini au coucher du soleil et je mis de la musique de danse orientale sur la chaîne stéréo.

            Avec rien d'autre sur moi que mes pendentifs en grenat, je dansai pour lui. Je fis une combinaison de danse du ventre et de mouvements de strip-tease que j'avais vu sur une des cassettes, sauf que là, il n'y avait rien à enlever. Il n'y aurait aucun intérêt à ce que je décrive la façon avec laquelle j'ai dansé. Il suffit de dire que je me suis remuée bien plus que les pendentifs ne le faisaient devant lui, et que j'ai conclu en le déshabillant presque entièrement tout en dansant. Il était si bien allumé qu'il n'a pas renâclé à m'aider - un peu, tout à la fin. Ça s'est conclu avec lui au plus profond de ma bouche, et nous perdîmes toute trace de l'instant précis de la transition entre la danse et l'amour. J eut à nouveau deux orgasmes. Tout ce que j'eus à faire fut d'amener le sujet sur mon crâne et sur combien j'en étais gênée et comment je n'étais pas sûre qu'il aimât mon idée de divinité forestière avec un crâne à demi-rasé et tout et tout. Des yeux baissés et une main pleine de gêne passée sur mon crâne et il disjonctait pour repartir au quart de tour.

            Après ça, le lit offrait un piètre spectacle (et nous aussi). De la peinture et du colorant vert ainsi que divers précieux fluides corporels étaient étalés partout sur les draps. En prenant une douche à deux pour rincer le désastre, nous conclûmes en faisant l'amour sur le sol de la douche, tout savonnés. Je crois bien que trois dans la soirée, c'est une prouesse pour J. Je sais que je lui ai fait accomplir « record personnel ».

            Nous nous redressâmes pour nous rincer, rassasiés/rassis dans la douche embuée, trop épuisés pour nous lever. Finalement, il coupa l'eau. Nous sommes restés assis dans une sorte de stupéfaction délicieuse, pour ce qui a dû être cinq ou dix minutes, les seuls bruits étant ceux de nos deux respirations et de l'eau gouttant de la pomme de douche.

            Je rassemblai mes f o r c e s pour me mettre à genoux, et je l'enduisis de gel-douche ; j'adore le pouponner. Puis je m'enduisis à mon tour, de la façon la plus jouissive possible. En sortant de la douche, je l'aidai à essuyer l'excès de gel ; il était tout prêt pour un bis, et nous aurions probablement pu remettre ça sur le gaz si nous avions porté nos idées là dessus. Mais nous n'en avions pas envie. Je crois que la qualité se détériore après tant d'orgasmes. J'ignore exactement combien j'en ai obtenu - dont quelques uns fusionnés - et puis à quoi bon les compter. En ce qui concerne les orgasmes, il n'y a que deux chiffres : pas assez, et assez. On en avait eu assez.

            J'allai chercher son peignoir et ses mules, et puis j'ai enfilé la tenue de mousseline blanche. On s'est fait des câlins tout le restant de la soirée, et on s'est fait réchauffer deux de ces super repas tous prêts spécial micro-ondes entre nos papouilles. Ils sont certainement composés de 98% de cholestérol et de 2% de conservateurs, mais ils sont vachement bons. On s'est affalés au lit à neuf heures et demi ; on était crevés.

            -*-

            Le lendemain soir, nous nous apprêtions à retourner dîner en ville et nous parlions de ce truc maître/esclave que nous vivons. Il m'avait ramené une robe blanche ainsi que des sandales et je les essayais, quand je lui dis que je me sentais prête à me lancer à fond dans ce trip de bondage, mais qu'il y avait certains côtés que je ne pouvais pas encore assumer, le principal étant (après mes cheveux) que nous flirtions avec le ridicule. Je fantasme sur le fait de l'appeler « Maître » pour de bon et de prendre mon rôle de soumise encore plus au sérieux, mais je ne crois pas pouvoir assumer la réalité sans éclater de rire. Des images de nazis en shorts blancs avec des mi-bas noirs dansent irrésistiblement dans ma tête. J avait une solution.

            « Il nous faut un nouveau protocole, » dit-il, et il m'enleva la robe que je venais juste d'enfiler. « Tu peux commencer tout de suite en ne m'appelant PAS par mon prénom, et en prenant l'habitude de garder les yeux baissés en permanence. À chaque fois que tu me parleras ou que tu répondras à une de mes questions, tu feras précéder tes mots par une formule du genre : « si tu le veux bien... » On va commencer avec ça pendant un temps et on verra comment ça se passera ensuite. Bien entendu, je te punirais en cas de faute. Il va falloir que tu trouves la formule qui ne te feras pas rire, vu que la plus grande faute que tu pourras commettre sera de rire. Quand tu auras pris l'habitude de la prononcer, elle ne te fera plus rire. Tu penses que tu peux assumer ça ?

            Je songeai à tout cela, sans lui prêter attention, alors qu'il extrayait un sac en papier du placard. Trois règles : pas de prénom, baisser les yeux, et dire « si tu le veux bien. » Et la quatrième des règles : ne pas rire des trois premières.

            « Je pense que oui. »

            « Alors ? » Il me regardait, dans l'expectative.

            Je me rendis compte de ce qu'il entendait par là et après un instant de confusion j'abaissai les yeux. Il y eut une pause ; il attendait toujours. « Si tu le veux bien, » dis-je. J'ignore pourquoi, mais ça m'aide beaucoup de baisser les yeux. C'est peut-être plus facile pour l'imagination de fonctionner sans regard croisé. Nous nous connaissons trop bien, tous les deux, et savons que sans contact oculaire, une distance s'installe entre nous. J'aurais eu un fou-rire rien qu'à cause de la gêne, si je n'avais pas eu les yeux baissés. Enfin, c'était un début.

            La robe qu'il m'avait choisie était faite de plusieurs épaisseurs de tissu translucide blanc, de taille midi, à longues manches et haute encolure, avec des tas de boutons sur le devant. Mais après l'avoir essayée, il me l'avait faite enlever.

            « Reste debout là, » dit-il. Il sortit une pelote de fil de plastique blanc d'un sac en papier et s'agenouilla face à mes chevilles. Je notai qu'on allait faire bien plus que de m'habiller.

            « Qu'est-ce que tu fais ? Enfin, je veux dire, si tu le veux bien, qu'est-ce que... ? »

            « Reste debout là, » répéta-t-il.

            Je le fis. Il défit les lanières de mes nouvelles sandales. Elles sont du genre qui s'enroulent plusieurs fois autour de la cheville en se croisant et s'attachent haut sur le mollet. Il les serra au point de me scier la peau, et il noua la cordelette de plastique blanc à leur extrémité. Il s'agit du genre d'ersatz dont les scouts se servent pour faire leurs bricolages, comme des porte-clés ou des ceintures. Je crois qu'on appelle ça du fil à scoubidous. Il commença par me ficeler très serré en spirale autour d'une jambe. Il spirala en remontant le long de mon corps et jusqu'au premier bras, où il la noua, puis il fit pareil de l'autre côté. Puis il entoura la première jambe en sens inverse, en croisant le fil. C'était très serré.

            Il continua à me ficeler encore et encore, jusqu'à ce que mon corps tout entier fut recouvert d'un réseau serré de cordelette. À chaque fois qu'une pelote se terminait, il en sortait une autre, toujours blanche, et la reliait à la précédente. Il faisait très attention à conserver une symétrie parfaite, le côté gauche comme un miroir du droit.

            Il me plaça un vibromasseur dans le vagin, et en relia l'embase à la ficelle. Les cordelettes glissaient quand je bougeais, alors il les superglua directement sur le vibromasseur. Qu'il ne mit pas en route. Au bout d'un moment, je commençai à me sentir bizarre. J'étais libre de mes mouvements, mais je me sentais... contenue. Quoi que je fasse, que je bouge ou pas, je sentais la traction du filet de cordes. Je me sentais gauche, comme si chacun de mes mouvement s'opposait ou qu'il était dévié. Comme en plongée quand on est pris dans les courants. Il besogna autour de mes seins, et quand il eut fini, ils se retrouvèrent plaqués contre ma poitrine par les fils croisés et recroisés. Seuls mes tétons dépassaient, protubérants entre les tresses de cordelettes, les pendentifs s'y balançant.

            Puis il me remit la robe et m'emmena au restaurant. Vue de l'extérieur, j'étais plutôt jolie : une blonde (je portais la longue perruque blond cendré) dans une robe semi-diaphane de coton. Pas le moindre nichon en vue. Sandales de cuir blanc. Le ficelage ne se voyait nulle part. Un observateur attentif aurait pu noter que les lanières de mes sandales étaient fort tendues, mais il n'y avait aucun observateur attentif.

            Nous allâmes dans un restaurant italien, mais un très chic. Je marchai lentement, m'assis avec précaution et mangeai avec modération. Même ainsi, j'ai renversé du vin, de l'eau et de la nourriture partout. J'aurais préféré que ce ne soit pas de la cuisine italienne et du bon vin rouge. C'était une robe neuve. Le serveur n'a rien dit, mais j'avais fait un vrai massacre.

            De retour à la maison, il sectionna les tresses qui maintenaient le vibromasseur en place. Il s'était servi de tresses séparées pour le vibromasseur, ce qui fit que les couper ne relâcha pas l'ensemble. Il me fit l'amour. Je n'ai pas l'intention de vous conter que ce fut la meilleure des fois, mais ce fut réellement une expérience intéressante. Je n'aurais jamais pensé que ce put être le cas. J'imagine que vous vous demandez probablement pour quelle raison je vous dis tout ça? Je l'ignore, mais il me fait de bonnes choses, et je n'ai nul besoin de raison. C'est un peu comme un art, je suppose. C'était là, tout simplement. Parce que.

            J'aime à être une toile blanche.

            Après, alors que je haletai sur le lit, étalée sur le dos et que je me sentais comme si j'avais chu d'une grande hauteur, il prit une paire de ciseaux à pansements et coupa les cordelettes une à une, lentement. Puis il délaça mes sandales.

            Une soirée très gratifiante, en fin de compte. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça.

            -*-

            Il y a quelques jours, il a ramené un modem pour son ordinateur et il m'a montré comment me connecter sur son compte professionnel pour accéder au groupe d'information des infirmières diplômées d'état. C'est complètement nouveau pour moi. J'ai commencé à lire les messages sur des groupes de discussion comme rec.arts.erotica et alt.sex.bondage, bien que je n'aie rien posté. Apparemment je suis une « lurker », une embusquée. Ou du moins je le resterais tant qu'il n'aura pas posté ce document en entier et que vous le lisiez. Doux Jésus. Je parle à des gens, maintenant.

            Salut, les gens. Deux questions me viennent à l'esprit.

            Alt.sex.bondage me semble être le groupe de discussion le plus sincère au sujet du sexe. Les petits gars de Alt.sex me rappellent tout un tas de fils de ploucs bien de chez moi, dans l'Indiana. Ils ne s'en branchaient pas des masses, là non plus. Quand ils se vantent de leurs exploits, ça me rappelle un vers de Lao Tseu :

            Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

            (Z'allez m'écouter ? Je suis peut-être en train d'écrire le plus long post autobiographique de l'Histoire. Mais ça n'a pas d'importance si je discours, parce que je SAIS. Peut-être pas tout, mais pas mal de choses. Et puis, à part ça, je n'ai pas d'autre choix que d'écrire tout ça. « Il m'a fait faire ça. ») Je suis sûre que beaucoup d'entre ceux qui postent sur alt.sex.bondage pratiquent pour de bon les choses qui y sont écrites, mais quelques uns parmi vous ont perdu l'essence de ce que je fais avec J. Je me trompe peut-être, mais certains d'entre vous semblent être devenus des techniciens, discutant des mérites comparés des menottes et des bracelets de cuir. D'autres donnent leur avis. D'autres prennent plaisir à choquer leurs lecteurs avec leurs fables et leurs commentaires. D'autres encore sont presque politiques (« comment vont-ils nous juger/la société nous acceptera-t-elle jamais...). Tout cela me semble être des activités de substitution. Ai-je raison ?

            Ma première question : j'ai juste commencé à explorer ce truc ; en ce moment, ça me prend presque tout mon temps. Est-ce que ça va devenir si banal et familier que, moi aussi, je me rabattrais sur les « us et coutumes » du bondage et que je m'engagerais dans ces activités de substitution ? Comme d'écrire ce récit, me demandez-vous. Hmmm...

            Question deux : j'ai souvent songé à ce que j'aurais fait si j'avais pu revenir en arrière, jusqu'à l'instant où j'ai perdu ma virginité, et si j'avais pu tout recommencer en contrôlant mieux les événements, et tout refaire comme il faut avec la personne qu'il faut. J'étais plus soucieuse alors d'endurer que d'expérimenter. La jeunesse se perd dans la jeunesse, comme disait mon grand-père.

            Mais là, je perds une autre sorte de virginité. Je ne voudrais pas avoir à me mordre les doigts en regardant en arrière, rongée par les regrets et souhaiter avoir fait comme il faut. Bien entendu, quand vous me lirez, il sera trop tard pour me donner votre avis, mais voilà une question que je peux encore poser : est-ce que nous avons fait comme il faut ? Postez-moi la réponse. Je la lirai, c'est promis. C'est nouveau pour J, aussi. J'ignore ce que j'aurais pu faire différemment pour maîtriser ce qui s'est passé. Je suppose que la soumission volontaire est une sorte de maîtrise limitée. L'amour à la papa est ennuyeux, pour sûr. 'À la vanille', vous l'appelez. J'aime bien. Un néologisme. Va-t-on tomber en panne de trucs intéressants à faire et revenir à notre point de départ ? Et la voie que j'ai choisie ne mène-t-elle pas à l'ultime ennui ?

            Une autre question : qui était Saltgirl ? Je l'ai bien aimée, mais on dirait qu'elle s'est arrêtée de poster. Elle a l'air sensible. Probablement une fille du Middle West. De toute façon, un grand salut à vous tous pornocrates déconnants ci-présents à Cuirland, avec une considération particulière pour Ctan, STella, Elf, et Saltgirl, où que vous soyez. Peut-être qu'un jour je rejoindrais le gang des sortis-du-placard. Y a intérêt, que je le ferais. Je ne sais pas qui est en train de me lire. Mon futur boss, peut-être.

            -*-

            Le lendemain, nous étions sous la douche et J me 'préparait' à l'amour comme il le fait la plupart du temps quand nous prenons une douche ensemble, en m'enduisant de gel-douche et en m'explorant chaque orifice jusqu'à ce que je fusse avide de l'avoir en moi de la manière qu'il choisirait.

            Sans vraiment le lui dire, je lui avais signalé par tous les moyens non-verbaux possibles, que j'étais prête à faire l'amour dans la seule voie que nous n'avions jamais empruntée. Quand ses doigts furent profondément enfouis entre mes fesses, tout en moi, je me tordis autour d'eux, en essayant de les pousser encore plus à fond. Je ressens un vrai plaisir quand il me fait ça, et les bruits que j'émets en réaction l'indiquent clairement, mais il me m'a jamais pénétré... comme ça.

 

            J'en suis arrivée à la conclusion qu'il avait caressé l'idée mais qu'elle le dégoûtait un peu, dans le fond. Je dois admettre que ma fascination pour cette idée était tempérée par une certaine dose d'appréhension : je n'avais jamais eu quelque chose d'aussi gros en moi, là. Et puis aussi, je suis probablement une maniaque de l'hygiène dans mon approche du sexe. J'aime être propre avant et me laver après. La préparation et les rites post-coïtaux sont importants pour moi : il me laisse encore un peu excitée après coup, quelle que soit la façon dont j'ai été rassasiée pendant, donc le fait de me laver ensuite est une expérience érotique. L'odeur du savon suscite une réaction plus érotique en moi que les diverses sécrétions produites par nos deux corps. C'est du conditionnement, j'imagine.

 

            Ceci dit, je crois que le côté hygiène est ce qui nous embête le plus, et encore actuellement. Or donc, pendant que nous nous douchions, je lui fis une suggestion expérimentale. Ce fut très difficile pour moi d'amener le sujet sur le tapis, la première fois. Ceux d'ASB savent de quoi je parle, probablement.

            « Tu dois savoir que ça m'excite terriblement quand tu fais ça, » lui dis-je, en essayant d'aborder le sujet par le biais. Ce qui fut difficile, étant donné que j'allais jouir et qu'il avait plein de doigts enfoncés profondément en divers endroits de moi. Il ne répondit pas.

            « Si tu me veux... dans ce sens... je pourrais me laver. Au dedans, je veux dire. » Il ne me répondait toujours pas. « Si tu le veux bien, » ajoutai-je. Nous nous branchâmes sur d'autres trucs et la suite de la discussion dut attendre son heure.

            J'ai travaillé en médecine interne, et préparé des patients pour des examens rectaux, avant ça. Je le lui expliquai. Pas tous les détails gores, mais suffisamment pour qu'il sache que je savais comment m'y prendre.

            « Je n'y avais même pas pensé, » dit-il.

            Mais l'idée s'était enracinée, à l'évidence. Tout le restant de la semaine, j'eus à l'esprit, en toile de fond, la pensée de qui adviendrait plus tard.

            -*-

            J'avais pris le risque de faire cette suggestion. Tout ceci n'est qu'une espèce de jeu. Je ne peux pas donner l'impression d'aller trop loin quand je suggère une telle innovation. Il dirige et je dois suivre. À contre-cœur. Et c'est bien mieux pour moi d'avoir à résister à ce qu'il me fait, même si je le désire en secret. Comme ça, c'est lui qui est responsable. Il faut qu'il croie que je coopère contre mon gré, du moins dans une certaine mesure, ce qui s'est toujours révélé vrai jusqu'à l'instant présent. Il m'allume tellement avec ça que je veux aller plus loin encore, et ce malgré une bonne dose de crainte au sujet de ce qu'il va me faire. J'ai systématiquement peur, mais je suis toujours prête à exécuter l'article suivant de la Liste, même si j'ignore lequel sera le suivant. C'est seulement quand il a commencé que je flippe parfois, même si j'avais été d'accord au moment de rédiger la Liste. Mais entre-temps, c'est trop tard. Et comme toujours, foncer dedans et faire gaffe à ne pas se faire marcher sur les pieds. De fait, aujourd'hui, après m'être légèrement apaisée, je peux même me repasser la scène où il m'a rasé le crâne avec une équanimité qui confine à la sensualité.

 

            Il doit savoir maintenant que j'en suis venue à aimer ce qu'il me fait. Je deviens accro à lui. Mais il me faut marcher sur la corde raide pour nous deux. Il perdrait tout intérêt si je m'abandonnais trop facilement. Je dois lutter contre ça d'un bout à l'autre. Donc, nous avions ces trois règles débiles juste pour que je puisse les enfreindre afin d'être punie. Sauf que s'il pense que j'ai transgressé délibérément, la punition est bien pire. Il me le fait toujours regretter. Comme la dernière fois. Il marche lui aussi sur une corde raide : il fait toujours en sorte qu'advienne un moment où je ne sais plus moi-même si j'ai envie qu'il s'arrête. Après, des fois, j'ai réellement envie qu'il s'arrête, mais il ne le fait jamais. Et s'il le faisait, je serais déçue après coup. Je savais - quand nous avions élaboré la Liste - qu'il y avait des choses que j'aurais souhaité arrêter, mais je savais aussi, intellectuellement, que rien de ce qui était sur la Liste ne pourrait réellement me faire de mal.

 

            On dirait qu'il y a pas mal de discussions sur ASB à propos des « safewords », les mots d'arrêt. Je pense que ça m'excite bien plus de travailler sans filet. Ce n'est pas vrai : la Liste est mon filet de sécurité, et je m'y raccroche plutôt qu'à un mot d'arrêt. Je me dois de faire confiance à J pour l'un et l'autre, mot d'arrêt ou Liste, mais la Liste me permets de me sentir sans filet. Je pense qu'un mot d'arrêt me gâcherait le plaisir, quoi qu'il rendrait la vie plus facile à J. Il me scrute comme un faucon. J'aime bien ça. Mais il me scrute en vue de déceler une souffrance réellement intolérable, et pas juste pour ce que je n'aime pas. Il y a une zone d'ombre aux confins des limitations fixées par la Liste. C'est la Terra Incognita dans laquelle nous jouons notre jeu. Il se cantonne à l'intérieur des frontières de la Liste, mais s'octroie quelques libertés avec elle tant que le sens commun et la Liste l'y autorisent. Peut-être qu'un mot d'arrêt serait préférable. Tout est nouveau pour nous et nous n'avons pas encore eu à faire face à des situations réellement dangereuses.

            J'ai un soupçon qui s'insinue en moi et me pousse à penser que la présomptueuse suggestion que j'avais faite dans la douche est ce à quoi je dois la suite de mon châtiment, même si plus tard il s'est laissé influencer par cette suggestion. Si je vais trop avant, il reprend sa maîtrise en me faisant un autre truc abominable. Vous vous rappelez de la « suite de la punition ? » Raser mon crâne, c'était juste le début ? Enfin, ça serait probablement arrivé plus tard.

            -*-

            L'odeur de l'huile de pied de bœuf qu'il utilise pour assouplir le cuir a acquis la faculté de m'allumer au quart de tour. Ma punition suivante débute avec les s a n g les de cuir. Je n'ai pas besoin de revenir sur la façon dont il m'immobilise, sinon que cette fois il n'avait pas bouclé la courroie d'entre mes jambes et que je pouvais marcher normalement. Mes bras et mes épaules étaient toujours attachés vers l'arrière, exposant mes seins exagérément proéminents ; tellement tirés que la chaînette entre mes anneaux s'était tendue.

 

            Il me dit de le suivre au garage, où il me désigna le machin qu'il avait laissé recouvert d'un drap. Ça ressemblait à une chèvre pour scier du bois, un genre de chevalet, - d'ailleurs il l'appelait le cheval - sauf qu'il y avait deux barres parallèles horizontales au lieu d'une sur une chèvre, et qu'elles étaient séparées par un vide. Et, qu'au centre de ces barres, il y avait deux blocs de bois formant une selle en bois poli, minuscule, avec elle-même un espace vide en son centre. Le tout était parfaitement verni et fort adroitement fignolé.

 

            Il me laissa le contempler. Et c'est tout. Ensuite, il me ramena à la chambre, me mit la cagoule, et m'attacha le collier à une chaîne fixée à un pied de lit. Je dus rester assise au bord du lit et attendre, en l'écoutant se balader d'une pièce à l'autre, en me demandant ce qu'il pouvait bien faire, et à quoi donc ce machin-chose de « cheval » pouvait bien servir.

            Enfin, il me guida vers le salon, où il attacha mes s a n g les d'épaules à quelque chose au dessus, puis mes chevilles furent écartées et maintenues par quelque chose d'inconnu ; sans y voir, j'ignorais ce que c'était. Je ne pouvais pas non plus tomber, et je ne pouvais pas joindre les jambes. Il ouvrit la courroie de l'entrejambe et je sentis qu'il introduisait quelque chose en moi. Je me tortillai pour repousser ça, mais ce ne fut qu'un tortillage symbolique. Je savais qu'il me contrôlait. De plus, ce n'était pas particulièrement gros et ça ne faisait pas mal, bien que je ce fut rigide. C'était bien lubrifié et tout à fait indolore. J'ai présumé que c'était un godemiché. Il fit de même à mon orifice postérieur. Je me tortillai plus fort pour empêcher cette seconde intrusion, mais j'étais déjà excitée par la première et j'aboutis à me relâcher suffisamment de mon plein gré pour accepter le second appareil. Il les poussa tous deux profondément en moi et les y maintint, et j'étais débout là, encapuchonnée, docile.

            Je sentis quelque chose de lourd me frôler entre les jambes. Je n'en étais pas sûre, mais au prélude et au son, je m'attendais à ce que ce soit le cheval. Il me dit de m'asseoir. Lentement. Pendant que je le faisais, il manœuvra les godemichés pour qu'il soient bien en place. J'ignorais toujours à quoi il voulait en venir, mais je n'allais pas tarder à découvrir qu'il avait glissé la base des godemichés dans la fente formant étau de la selle du cheval et qu'il les y avait immobilisés en les boulonnant (avec une clé plate). Quand il commença à m'enlever la cagoule et les autres contraintes, je me rendis compte que les godemichés se touchaient presque tout au fond de moi, séparés uniquement par la paroi antérieure de ma cavité rectale et celle de mon vagin.

            Quand il en eut fini, j'étais tout à fait sans entraves : pas le moindre bout de cuir nulle part sur mon corps. Même mes mains étaient libres, mais ça me faisait une belle jambe. Les godemichés était faits de deux grosses chevilles de bois arrondies et polies, recouvertes d'un préservatif pour les rendre confortables (et sans échardes, Dieu merci !). ils étaient fixés dans une telle position que même si je tentais de me lever, il ne pouvaient s'extraire. De quelque manière que je bouge, je ne pouvais descendre du cheval sans me faire très mal, sinon me blesser. Pourtant, il n'y avait pas d'autres contraintes visibles.

            « Qu'est-ce que tu m'as fait ?! » lui demandai-je d'une voix mal assurée. Je regardai autour de moi, en me tordant aussi fort que je le pouvais pour voir ce qu'il avait fait, de plus en plus anxieuse et nerveuse. Je tâtai les appareils qui m'obligeaient à rester assise. Les boulons étaient trop serrés pour que je puisse les défaire. Je parcourus de mes mains tremblantes les deux endroits où les godemichés disparaissaient en moi ; ils étaient trop bien fixés pour être remués. Ce n'était pas incommode tant que je n'essayais pas de bouger, mais je n'avais pas de possibilité d'être libérée de cette chose. Je devais rester assise là et attendre la suite.

 

Il me dit qu'il ne me libèrerait pas tant que je n'aurais pas joui alors qu'il me regarderait. Avec les mains libres, je pouvais me caresser, mais c'était vraiment gênant d'être assise là au beau milieu de la pièce. Aux yeux d'un observateur peu attentif, j'aurais pu passer pour une femme nue, assise à califourchon sur un bête chevalet. Sans l'ombre d'un doute, une blonde platinée de style élisabéthain toute nue, sans poils pubiens et pourvue d'une chaînette reliant ses seins, mais même ainsi, vous n'auriez pas pu deviner qu'il m'était impossible de me mettre debout.

             J'ai vraiment essayé de me caresser, mais je ne pouvais pas entrer dans le trip. Sur le cheval, ça ne pouvait tout simplement pas marcher. Il se mit face à moi, passa un de ses doigts sous la chaîne d'entre mes seins et me tira dessus gentiment, mais fermement, en direction de lui. Le cheval m'autorisait à m'incliner jusque là, mais pas plus. Mes tétons s'étirèrent jusqu'à saillir et pointer dur.

            « Essaye encore, » dit-il, « plus fort. » J'étais en une posture bien trop délicate pour lui résister, et il le savait. J'essayai encore, plus fort. Je n'y arrivais toujours pas.

            Il me remit la cagoule, me rattacha les poignets aux cuisses et les épaules en cette position si peu naturelle. J'attendis. Quand il m'enleva la cagoule à nouveau, il y avait un plateau face à moi. Sur celui-ci, il y avait une paire de ciseaux, une cuvette pleine d'eau, une bombe de mousse à raser, une serviette et un rasoir.

            « Oh non ! S'il te plaît ! » lui dis-je. « Je ferais n'importe quoi ! Pas les cheveux qui me restent ! »

            « Je suis sûre que j'arriverai à jouir si tu me laisse essayer encore... » Pas de réponse. « Maître ! J'arrive à t'appeler Maître, maintenant, » balbutiai-je. « J'attendais pour te le dire ! Vraiment ! Je peux vraiment le faire ! Pas de problème ! » Il savait que j'étais prête à tout pour le stopper, même si ma dernière plaidoirie avait capté son attention - ce dont j'étais certaine. Il me fit une mine appréciative et secoua sa tête tristement en prenant les ciseaux.

            Ça ne sert à rien de supplier quand il est comme ça. Je laissai échapper un ultime pleurnichement alors qu'il s'apprêtait à agir.

            « S'il te plaît ? Maître ? » couinai-je, ma voix brisée se dissolvant en un hoquet s a n g lotant. Il me baisa le front délicatement et se mit à couper sans plus attendre. Je laissai mes pleurs s'épancher en une plainte douloureuse lorsqu'il coupa la première mèche. Je pleurai comme une Madeleine, en s a n g lotant des « Non, s'il te plaît, non, pas ça, pas ça, pas ça, je t'en supplie... » sans cesse et sans cesse. Je voyais mes cheveux tomber par terre autour de moi pendant qu'il les coupait, mais je n'ai pas tenté quoi que ce soit pour l'en empêcher. Je suppose que j'aurais pu secouer la tête de gauche à droite ou autre, mais il aurait tout de même gagné, en fin de compte.

            Cette fois-ci, il n'y avait pas de glace pour que je puisse m'y voir, et je lui en fus reconnaissante.

            Il m'enduisit entièrement le crâne de mousse à raser et entreprit de me faire la boule à zéro alors que j'étais en pleine lamentation, pleurnichante de frustration et que je ruai dans les s a n g les retenant mes poignets aux cuisses. Je m'étais figurée que ma frange n'aurait pas besoin de repousser autant que le reste de mes cheveux pour que je puisse oser me montrer en public. J'avais pensé pouvoir m'en sortir avec un foulard bien placé. Là, il me faudra six bons mois avant que je puisse me montrer sans perruque.

            Il me sécha le cuir chevelu à l'aide d'une serviette et m'embrassa sur la bouche, couvrant mes gémissements quasi-hystériques.

            « Dieu ! que tu es belle, » dit-il. « Et maintenant, les finitions... »

            Cela focalisa mon attention et je cessai de pleurer immédiatement. « Les finitions ? » pensai-je, «mais qu'est-ce qu'il lui reste à finir ? »

 

            Il mélangea un peu de ma crème décolorante, du genre de celle qu'on utilise pour blanchir les duvets du visage et il me l'appliqua sur les sourcils. Je les avais oubliés, ceux-là.

            Ils étaient épilés suffisamment fins tels quels. Ils seront invisibles, désormais, ai-je pensé. J'avais raison. Ils sont invisibles. Ce qui, bien entendu, était ce qu'il désirait. Déjà, il ne me les avait pas rasés : je pourrais les reteindre, plus tard. Il me laissa là, le temps que le blanchiment fasse son effet. Quand il revint pour m'essuyer la crème, c'était presque le crépuscule. Il me nettoya le mascara qui avait coulé ainsi que mes larmes séchées. J'avais arrêté de pleurer et j'avais eu le temps de penser à ce qu'il venait de me faire. D'une manière ou d'une autre, ce n'était pas aussi traumatisant que la première fois.

            Je vais devoir porter une perruque. La belle affaire ! je devais déjà porter une perruque avant. Je peux teindre mes sourcils ou plus simplement les assombrir d'un trait de mascara. Autrement, nul ne pourrait savoir que mon corps est complètement glabre. Ce n'est pas pire que quand il m'avait rasée à demi : je devais déjà porter une perruque et je devrais encore porter une perruque. L'étape cruciale fut mon premier rasage. Tout ce qui est advenu plus tard n'a été que secondaire - juste achever un article inachevé de la Liste. Je crois que ce qui m'embête vraiment en ce moment n'est pas d'avoir à porter une perruque pour sortir en public. C'est que je suis complètement chauve. Je me sentais (je me sens toujours) si NUE sans perruque ni rien pour me couvrir. Je pense que ce fut réellement l'ultime mise en pièces de ma dignité. Pendant le temps que j'eus à l'attendre sur le chevalet, je ne fis que regarder dans le vague avec ces pensées. Non, ce n'est pas vrai. Je ne pensais même pas, je regardais dans le vague.

Il prit la clé plate pour dévisser les boulons qui retenaient les godemichés. J'étais toujours assise à regarder dans le vague, et il fit doucement glisser hors de moi les deux appareils qui m'avaient rivée au chevalet. Quand il m'aida à me relever, j'évitai d'instinct de relever les yeux sur lui, non parce que je jouais mon rôle d'esclave, mais parce que j'avais honte de l'apparence que je savais avoir. Rappelez-vous, je n'avais même plus de sourcils. Vous ne pouvez pas être plus nue que ça.

            Il me prit par le coude et me guida jusqu'à la salle de bain en passant par sa chambre. Sur le trajet, je jetai un œil à la psyché, mais il l'avait recouverte d'un drap. Le miroir de la salle de bains était couvert, lui aussi. Il fit couler la douche et nous y entrâmes.

            Il fut très doux avec moi, bien qu'il ne m'ait pas ôté les bracelets reliant mes mains aux cuisses. Je voulais tant me couvrir ; j'essayai de tourner la tête de côté comme pour me cacher. Il effaça tout mon maquillage et me savonna de la tête aux pieds. Quand je me rinçai, la sensation de l'eau sur mon crâne chauve fut une surprise. Des picotements ; c'est une sensation plaisante, mais je n'avais pas l'humeur aux sensations plaisantes. Je ne pouvais toujours pas me convaincre de le regarder, ni m'imaginer qu'il aimait à me voir ainsi, mais il était prodigieusement intéressé, ça sautait aux yeux. Il me couvrit de gel à pleines poignées, à nouveau de la tête aux pieds, et il me demanda de lui faire pareil. J'eus du mal à comprendre ce qu'il entendait par là, vu qu'il savait bien que mes mains étaient attachées à mes cuisses.

            « Comment ? » demandai-je. Long silence. « Je veux dire, si tu le veux bien, pourrais-tu me détacher les mains ? » J'avais presque oublié. Le rasage de crâne m'avait en quelque sorte projetée hors de mon rôle.

            « Ton corps est plein de gel. Sers-toi de ton corps. »

            Je le fis donc, en me frottant contre lui, déplaçant mes jambes entre les siennes, glissant mon dos contre le sien, et en lui demandant à plusieurs reprises, « Si tu le veux bien, peux-tu me remettre du gel ? » Comme je me frottais les seins contre son dos, puis sur son érection, je vis qu'il était extrêmement... prêt. Je sais que vous allez probablement penser que c'était un avilissement servile et dégoûtant, que de me frotter ainsi à lui, tout spécialement après ce qu'il venait juste de me faire. Là, j'ai vraiment senti que j'avais franchi la ligne entre un esclavage digne et une authentique dégradation. Je m'en fichais.

            Soudain, il me fit pivoter, me prit dans ses bras et m'embrassa. Il était très excité et il déversait un torrent d'émotion brute dans ses baisers. Il me guida hors de la douche, et, au lieu de nous sécher, il me mena tout droit dans la chambre, où il me jeta littéralement sur le lit, trempée et dégoulinante de gel-douche. Sans préambule, il fut sur et en moi. Pas de préliminaires, rien de rien. Il me ravissait, au propre et au figuré. Ça fait vieux jeu, je sais, mais il n'existe pas d'autre façon de le décrire. Non qu'il ait perdu son contrôle, mais mon apparence le déchaînait. À un moment, je perçus qu'il tentait de ralentir et de retrouver sa maîtrise - d'ordinaire excellente - de la synchronisation de nos orgasmes, mais il échoua lamentablement. Nous glissions et dérapions l'un contre l'autre, et ce fut comme si ma peau épilée et sensible du mont de Vénus s'étendait à tout mon corps pour ne plus former qu'une seule grande zone érogène. En quelques petites minutes à peine, longtemps avant que je n'y sois prête, il jouit sans pouvoir se contenir, à grands coups de boutoir, haletant et pantelant. Il s'effondra sur moi, enfouissant son visage au creux de mon épaule.

            À vrai dire et en dépit de la gêne provoquée par mon apparence, et malgré le fait que je n'avais pas joui, je ressentis une véritable sensation de chaleur (pouvoir ?) du fait que je pouvais lui faire perdre tout contrôle à ce point, et je savais que c'était mon aspect glabre qui lui faisait ça. Il fallait que j'imagine mon look : pratiquement sans aucun signe particulier. Il m'avait faite telle qu'une poupée, un mannequin déshabillé de grand magasin, sans le moindre poil nulle part. Sauf que les mannequins ont un maquillage peint.

            Peut-être encore plus qu'un mannequin, j'avais l'air d'un prototype inachevé d'androïde (gynoïde ?) féminin. Le temps d'un éclair, je vis mon image comme celle d'un genre d'appareil/objet. Une sorte de poupée gonflable vivante, conçue pour une seule fonction : satisfaire mon propriétaire.

            Je redoutais de voir mon reflet dans une glace, mais nonobstant, j'étais curieuse. Je commençais juste à être allumée par cette sensation de pouvoir et la sensualité de nos corps glissants l'un contre l'autre quand je réalisai qu'il était en train de fondre en moi. Je me souviens avoir pensé alors qu'il y a deux mille ans, les vrais esclaves devaient probablement être utilisés comme des appareils, eux aussi.

            Il souleva sa tête et me regarda dans les yeux. « Tu te sens comment ? » me demanda-t-il.

            « Si tu le veux bien, je pensais que j'aurais aimé que tu me prennes dans tes bras et que tu me touches et que tu me dises que je ne suis pas moche. »

            [Note Venant du futur : je ne pouvais pas écrire ça à l'époque, parce que J l'aurait lu et qu'il aurait su que je le manipulais, mais : l'amener à lui faire toucher mon crâne chauve fut une mise en œuvre délibérée du pouvoir que mon apparence me donnait sur lui.]

            « Mais je te touche partout, déjà, autant que c'est possible de te toucher, » dit-il.

            « Je voulais dire... mon crâne. J'ai tellement honte de mon allure... ça me terrifie. »

            Il toucha mon crâne et je conservai les yeux soigneusement abaissés. Il n'avait pas besoin de me dire qu'il pensait que j'étais belle : je le sentis s'émouvoir en moi presque immédiatement. Une minute à peine, et je m'acheminai vers un orgasme effarant, rendu encore plus terrifiant par cette vision soudaine de moi en tant qu'espèce de machine à sexe insensible, mais qui le rendait fou. Je conservai un visage impassible et réprimai toute expression d'émotion en le serrant fort et en remuant des hanches en rythme avec lui, à la façon dont j'imaginais qu'un appareil/créature l'aurait fait. Pendant ce temps-là, un orgasme formidable se préparait secrètement en moi. J'ai vraiment tenté de supprimer le premier, et je crois y être parvenue : je tins le rythme de mes hanches en jouissant sans faire le moindre bruit.

 

LA LISTE ( SUITE 8 )

Je perdis tout contrôle au suivant, cependant. Ce fut aussi dur que s'il m'avait fait jouir contre mon gré. Quoi que je ne fasse presque jamais de bruit en faisant l'amour, ma respiration se fit rauque et se fondit en des gémissements involontaires et grandissants, jusqu'à ce qu'il y ait cette autre personne dans la chambre, pantelante et hurlant hystériquement et que c'était moi. Ma tête roulait d'avant en arrière et je m'étalais, ultra-écartée, pour le faire entrer en moi au plus profond. Il souleva mes jambes par dessus ses épaules et se plongea en moi, m'emplissant toute entière.

            Au beau milieu de son orgasme, j'atteignis le sommet du mien et pour quelque raison obscure, je projetai mes jambes à l'écart, les pieds en l'air. Je ne sais pas pourquoi, vu que ça n'amenait rien de mieux, sinon que c'était différent. Et j'y allais et j'y allais, et lui aussi. Je gémissais et je gazouillais de manière incohérente, presque convulsée. Je plantai mes pieds sur le lit en me poussant vers le haut, le soulevant de mes hanches et m'ouvrant autant que je le pouvais. Finalement, l'effort me coupa le souffle et le sifflet, et je n'émis plus rien d'autre que de vagues grincements à chacune de ses poussées. Je devins passive et molle, incapable de la moindre action. Enfin, il eut une stase frissonnante et s'effondra sur moi pour la deuxième fois.

            Ce ne fut pas le meilleur rapport sexuel de ma vie, mais il devait tout de même se situer dans mes dix premiers au hit-parade maison, et il fut de loin le plus épuisant. J'étais absolument détruite. On dirait que c'est différent à chaque fois. Là, je ne pouvais tout simplement plus bouger. Je sentais que j'avais été utilisée. Et usée. « Limer dur et pomper la mouille » comme disent les ploucs de l'Indiana. Ceci dit, ça ne m'avait pas embêté d'avoir été utilisée par J. Il n'est pas insensible, et il ne m' « utilise » pas ainsi de manière habituelle. De fait, ça m'a fait quelque chose d'assez d'excitant, d'avoir été utilisée sans tenir compte de mes envies. Ce n'est pas ce que je souhaite pour chaque fois, mais de temps à autre, ça peut... me faire des choses.

            Enfin, il nous fallut longtemps avant que nous puissions faire autre chose que de souffler comme des locomotives. Après qu'il se fut roulé à mes côtés, nous dérivâmes vers un demi-sommeil. Je m'éveillai la première et j'allai prendre une autre douche. Le robinet m'arrive à la poitrine. Heureusement, il fonctionne avec un seul levier, autrement je n'aurais pas pu l'ouvrir avec les chevilles attachées aux cuisses. Je suis restée debout à me laisser mouiller jusqu'à ce qu'il me rejoigne. Nous sommes restés sous le jet pendant un moment ; il partit chercher la clé de mes poignets et la s a n g le de cuir tomba sur le sol de la douche. De toute façon, je crois bien que l'eau et le gel-douche les avait détendues. Elles avaient taché mes poignets de jaune-marron.

            En nous essuyant, je me souvins de ma tête. Il avait attaché mes poignets et couvert les miroirs pour m'empêcher de voir et même de me toucher le crâne, je lui demandai donc sa permission.

            « Si tu le veux bien, pourrais-je me toucher le crâne, maintenant ? »

            Il y réfléchit un moment et me dit oui, mais que je ne pourrais pas me regarder dans la glace.

            J'avais presque peur de me toucher là. Je parcourus de ma main le haut de mon crâne. J'étais (je suis) aussi lisse que la peau des fesses d'un bébé. Je n'avais pas de miroir, mais je regardais droit dans les yeux en me touchant la tête. Vous allez avoir du mal à le croire (j'ai eu), mais après ce geste-là, juste me toucher la tête, il me voulut encore. Je le voyais bander, mais ni l'un ni l'autre n'avions vraiment envie de remettre ça. Il agit comme un aphrodisiaque sur moi. Je me mis à genoux et je le pris en bouche, et en quelques secondes il fut dur comme un roc et prêt pour un troisième round. J'aurais presque préféré lui offrir un troisième orgasme oralement, j'étais à bout de f o r c e s, mais je ne suis pas sûre d'avoir eu assez d'énergie pour ça non plus. Heureusement, avant d'avoir vraiment commencé, il m'arrêta.

            « Attend, » dit-il, « accordons-nous quelques minutes... »

            Je m'arrêtai, mais il bandait toujours sérieusement. Je crois que sa psychologie est plus forte que sa physiologie. Je nous aspergeai de talc et je nous l'étalai partout. Son érection ne subsista pas. Après m'être talqué le crâne, il partit chercher la perruque noire et il me la mit. Je crois qu'il ne supportait plus de me voir comme ça.

            C'est un truc nouveau pour moi, et il me faudra du temps pour m'y faire : une forme appropriée de soumission peut amener une nouvelle forme de pouvoir. En étudiant de près ses réactions et ses besoins, je peux deviner - d'expérience - le genre de comportement de soumission qu'il désire de moi. Il est clair que la maîtrise que je peux exercer sur lui en me comportant de la façon la plus juste est subtile, mais néanmoins presque aussi forte que le contrôle qu'il exerce sur moi. C'est peut-être quelque chose que je ne devrais pas écrire, puisqu'il va le lire, mais je crois que c'est quelque chose qui nous rapprochera encore s'il parvient à comprendre.

            [Note Venant du Futur : les quelques paragraphes qui vont suivre ont été fortement développés et remaniés par rapport à l'original. Mes manipulations de ses réactions, s'il les avait comprises entièrement, auraient pu interférer dans notre relation et la perturber. Maintenant que nous avons achevé la Colonne 1 et que je contrôle ce document, je peux effectuer ces changements.]

            Les instants suivant m'enseignèrent le bien-fondé de ne pas a b u s e r de cette maîtrise.

            « Si tu le veux bien, je pourrais aller me maquiller, » lui dis-je. Je pensai qu'il prendrait cette interruption comme un prélude bienvenu à une troisième session amoureuse en suspens (quoi qu'épuisante et prématurée). Avec les yeux baissés comme il convient, je promis de ne pas ôter la perruque ou d'essayer de me regarder dans une glace s'il m'autorisait à ramener mon maquillage dans sa salle de bains. Je devrais me servir d'un petit miroir pour me maquiller, lui dis-je, mais il pouvait me surveiller et s'assurer que je ne tricherai pas. Et puis, j'avais la perruque.

            Il y a une petite table dans sa salle de bains. J'y posai mon vanity-case et je cherchai mon miroir. Il l'avait enlevé. Les miroirs de ma salle de bains avaient eux aussi été couverts. Il est très consciencieux.

            Mais il me tendit un petit miroir. Mon visage a l'air carrément étrange sans sourcils. Enfin, pas tout à fait sans, mais il faut regarder de très près pour voir qu'ils sont bien là. Sans le moindre maquillage, j'avais vraiment l'air d'une toile blanche. J'avais l'air de sortir d'une chimiothérapie, mais mon visage avait rougi sous la douche, j'avais donc plutôt l'air en forme, pimpante et toute rose. Mis à part que...

            Pendant qu'il se rhabillait dans la pièce d'à côté, je me passai un fond de teint très pâle et nacré, à peine rosé. Ensuite, du fard à paupières et du mascara (je sais qu'il aime). Puis j'ajustai la flèche à mon arc, comme ils disent dans les films.

            « Il me reste encore du maquillage à mettre ailleurs. Je peux continuer sans le miroir si tu m'aides. Si tu le veux bien, » lui dis-je, en posant le miroir à l'envers sur la table. Je ne levai pas les yeux, j'attendais simplement qu'il réagisse.

            « OK, » dit-il.

            « Puis-je enlever la perruque ? »

            « D'accord. »

            « Dis-moi si je me rate quelque part. »

            Je recouvris mon crâne entier de fond de teint pendant sous son regard. Une petite touche de blush au sommet du front. Je voyais son érection poindre au travers de son pantalon. Peut-être encore plus fort qu'avant, c'était difficile à dire.

            « Tu pourrais me remettre un peu de blush ? C'est nouveau pour moi et je ne peux pas dire si ça fera bien. Peut-être un peu sur les tempes ou au sommet du crâne ? » dis-je. « Si tu le veux bien, » rajoutai-je. Je savais que oui.Encore une salve pour lui couper l'herbe sous le pied et le démâter, moussaillons. Arrrrgh.

            Quand il eut fini, je remis la perruque comme s'il ne s'était rien passé, mais pourtant si : il dut se rajuster dans ses pantalons, et je sus que je touchais des nerfs très sensibles. Peut-être imprudemment, je poussai encore plus loin.

            Au lieu de mon rouge habituel, je m'appliquai une couche de couleur chair sur les lèvres. Je pensai que c'était assez en accord avec mon nouveau look « sans signes particuliers », puisqu'il est presque de la même nuance que ma carnation naturelle. Il m'observait, et malgré l'air inhabituel que ça me donnait, il ne me demanda pas d'en changer. Il semblait fasciné. J'adorais ça.

            Puis j'offris à mon visage son plat de résistance. Mes sourcils invisibles me donnait la liberté de m'en placer de nouveaux où j'en avais envie. J'esquissai de très fins sourcils très arqués comme une star de film des années 30, mais avec une touche personnelle : là où ils se rejoignaient au dessus de mon nez, je les fis pointer vers le haut plutôt que vers le bas. Ça me donnait un air plutôt intéressant, comme si j'avais été soucieuse ou même souffrante. C'est surprenant combien les sourcils peuvent être expressifs. Les pantalons aussi.

            Je me levai et j'allai jusqu'à la chambre en conservant les yeux soigneusement baissés. Je lui balançai une autre salve par le travers.

            Je m'agenouillai devant lui, et, les yeux bas, je lui demandai dans un soupir presque inaudible, « Si mon... Maître le voulait bien... je pourrais porter mes bottes ce soir ? »

            Il s'éclaircit la gorge et dit « Oui, » lui aussi dans un soupir (plutôt rauque).

            Je les mis et j'allai jusqu'à la table de chevet. Je sais que mon derrière est super quand je marche en talons-aiguilles. Il me l'a dit des centaines de fois. Ça a quelque rapport avec les fossettes qui se forment alors sous mes fesses et la façon avec laquelle elles remuent à chacun de mes pas. Bien entendu, j'ai exagéré ma démarche pour qu'il puisse en profiter. Apparemment. Retenez-moi, matelots !

            Je ne comprendrais jamais les hommes. Là-bas, dans l'Indiana, une paire de shorts bien pleins suffit à fusionner les yeux d'une pièce bondée de mâles en un globe lubrique, et son passage serait suivi d'un long hululement, d'un battage de semelles et d'un martelage de table collectif. La plus simple et la plus prédictible des choses les allume, mais si vous me demandez ce qui m'enflamme en J, je serais incapable de vous le dire. Enfin, je pourrais, mais c'est tellement complexe et personnel que ça ne vous dirait rien du tout. Ses yeux, peut-être. Je peux devenir toute molle et frémissante dès qu'il pose sur moi ses yeux d'un bleu glacial et si nordique. Mais j'ai déjà vu des yeux plus beaux sur des mecs qui n'ont jamais rien fait pour moi. Je crois que c'est tout le colis qui m'emballe. Le problème, c'est que c'est trop complexe pour être réduit à une simple formule.

            D'un autre côté, je serais prête à parier qu'une grande majorité d'hommes auraient été allumés par la façon avec laquelle j'ai marché alors, et pas que les pedzouilles de l'Indiana. Je suis comme la plupart des femmes, je déplore la difficulté qu'il y a à trouver un homme valable, comment il nous faut attendre qu'ils viennent à nous plutôt d'aller attr a p e r au lasso celui dont on a envie, ça va donc vous sembler bizarre si je dis que : entre nous, les filles, d'une certaine manière on se la joue belle quand il s'agit de tomber les mecs.

            C'est une chose qu'on apprend avec un mode d'emploi de trois pages et pas plus, et même si vous déboulez d'une autre planète. Si seulement elles savaient combien ils sont prévisibles. Des talons-aiguilles, une minijupe moulante, l'œil souligné de noir, tout ce genre de choses. Ça paraît méprisable, mais c'est garanti à 100%.

            Mais, dites-vous, ce genre de look attire le mauvais genre d'hommes. Vous avez à demi-raison : il attire tous les genres d'hommes, les valables et les autres. Faut qu'on se tape le tri.

            Leurs goûts sont simples : ils aiment le noir moulant ou le blanc virginal, mais un blanc virginal sans sous-vêtements, du moins métaphoriquement. Vous voyez, le truc le plus important, c'est que le pauvre chéri doit SAVOIR que c'est pour lui et pour lui seul qu'on le fait. Leurs petits egos ont besoin de ça par dessus tout. Et leur faculté d'y croire est infinie.

            Et, mieux encore : ils aiment à savoir que la plupart des hommes consentent à poser leurs yeux sur vous parce que vous êtes timide et qu'ils sont les seuls à vous avoir suffisamment discernée pour vous avoir « découverte ». Les pauvres chéris sont si pathétiquement avides de croire cela qu'une fois qu'ils se sont mis cette idée en tête, rien ne viendra l'en déloger.

            Vous allez penser que je suis cynique. Non. J'aime les hommes. Il n'y a pas meilleur aphrodisiaque. Et, le fait qu'ils sont facile à comprendre (partiellement) ne signifie pas qu'on ne peut pas les aimer. Initialement, on peut être amenées à être attirées par eux pour tout un tas de raisons compliquées : parce qu'ils ont fière allure, parce qu'ils sont puissants, parce qu'ils sont mystérieux, futés, doués, tout ce qu'on voudra. Toutes ces qualités sont des atouts, que nous respectons parce qu'elles sont fortes, mais nous les aimons parce que nous sommes faibles, et c'est l'amour qui tranche.

            Et, pour aller droit au but, leur faiblesse majeure est la facilité que nous avons à les satisfaire. Le vieux truc de Samson et Dalila. Juste appuyer sur les bons boutons. Je pourrais presque écrire un mode d'emploi ; il serait plein d'instructions toutes simples et progressives.

            Mais que doit faire votre homme pour vous satisfaire ? C'est beaucoup plus compliqué, pas vrai ? Et là, les pauvres choses n'ont pas le moindre indice. J'ai presque pitié d'eux. Mais d'un autre côté, ils n'ont pas à se farcir leur camarade menstruel, non ? Et ils dirigent le monde, en plus. Sauf qu'en ce monde réside la folie. J'aime être une femme, mais il ne vaut mieux pas que je m'attarde sur l'injustice que ça représente. D'être au contact de médecins tous les jours m'a remis les pendules à l'heure : certains d'entre eux ont des ego de la dimension d'une petite planète. Pour les plus modestes. De grosses planètes, pour les autres.

            La plupart du temps, je peux vivre au jour le jour et ne pas y penser du tout, et puis soudain je vais en prendre conscience. Un jour, j'écoutais une émission de radio avec un psychologue familial quand une pensée me vint : est-ce que tu as jamais entendu un HOMME demander un avis sur la façon de combiner sa carrière et son mariage ? Jamais ? Une seule fois ? Nous, les femmes, on écrit des livres là-dessus. Des livres ! Qu'est-ce que ça implique ? N'y pensons même pas.

            Ce n'est tout simplement pas très sain de faire volte-face et de ressasser trop fréquemment. Aldous Huxley a donné son avis sur la question ; je ne me souviens plus dans lequel de ses romans il a écrit ça. Il disait que si vous étiez un jour assis à votre bureau, en faisant tout ce qu'il faut pour gagner votre croûte, et que vous commenciez à vous demander si cette activité spécifique était bien ce que la nature de Dieu avait destiné à devenir le point culminant de trois milliards et demi d'années d'évolution biologique, alors il vous faudrait faire très attention, car vous auriez la sensation d'un puits sans fond s'ouvrant sous votre bureau et que vous sentiriez votre chaise glisser vers l'avant et tomber dedans. Le seul remède consiste à mettre de côté ce genre de pensées et à se concentrer sur le classement par ordre alphabétique des paperasses se trouvant pile devant vous.

            Je me sens comme ça quand je m'attarde un peu trop sur l'injustice monumentale que nous impose le fait d'être femme. Et je me sens ainsi presque tous les jours, à présent, alors que je me plonge de plus en plus dans cette chose que J et moi vivons. Pas l'injustice, mais la sensation paniquante de dér a p e r, de filer droit au fossé, sans échappatoire.

            Si je reviens en arrière et que je considère ce que je me suis infligée en permettant que tout cela arrive, la panique m'envahit. Et une urgence à ranger ma vie par ordre alphabétique ; la remettre en ordre, même si c'est plus facile maintenant que ça ne l'a jamais été. Mettons que je porte une perruque et que je teigne mes sourcils pour décrocher un job à l'hôpital. J'ai un bon C.V. ; ça ne me poserait pas de problème. Mais, chaque jour, au travail, ce serait une mascarade de me grimer en personne normale, et à chaque fois que je reviendrais chez nous j'aurais à vivre autre cette vie, si différente. Je suis tout à fait coupée de mon univers familier, et du monde réel, ici. Et je ne connais personne d'autre que J avec qui je puisse parler de ça, sinon certaines gens d'ASB, et ceci n'est pas même une option, vu que je suis déterminée à rester une « embusquée ».

            Huxley se trompait peut-être, ceci dit. Ce n'est peut-être pas réglo de faire un retour en arrière et de se demander 'à quoi tout cela peut-il bien me mener ?' Une vie peut fort bien ne pas être jugée sur l'instant présent qu'un concerto par sa note finale. Il avait raison à propos du remède, pourtant : ne pas y penser. Oublier l'ensemble ; penser au jour le jour, puisque c'est ainsi qu'il vous faudra le vivre, quoi qu'il en soit. Dans tous les cas de figure, je me sens plus à l'aise en classant les choses selon leur ordre alphabétique qu'en philosophant, j'oublierai donc tout en bloc pour en revenir à la chambre. Désolée pour ce monologue.

            -*-

            Je commençais à me sentir sexuelle à nouveau, particulièrement parce que je savais d'une manière indubitable que même si nous avions fait l'amour deux fois durant l'heure passée, je savais exactement quoi faire pour qu'il me FASSE jouir une fois (ou deux) de plus si j'en avais envie. Ce que je fis. Et je ne fus pas le moins du monde inhibée pour lui demander précisément ce dont j'avais envie. Tout ce que j'eus à faire fut de le lui demander de la manière appropriée.

            Je pris le vibromasseur dont il s'était servi pour mon derrière ainsi que le gel lubrifiant sur la table de chevet. J'ondulai en m'agenouillant devant lui et je lui dis, « Si mon Maître le veut bien, nous pourrions faire l'amour avec ceci en moi, et tu pourrais ressentir la vibration et retirer du plaisir... à m'utiliser encore plus. » (un bon coup, ça, ce 'm'utiliser', hein ?) La meilleure de mes baises ayant été celle où je m'étais retrouvée sur lui dans la douche avec un godemiché planté dans le derrière. J'avais envie d'essayer avec un vibromasseur.

            Ben ça, Toto, je crois qu'on n'est plus au Kansas. Ni même dans l'Indiana. Shhh. Ne prêtez pas la moindre attention à cette femme planquée derrière son écran. Non, je ne suis pas folle, mais tout le monde se devrait de connaître par cœur le scénario d'un film au moins.

            C'est marrant. J'ai effectué la transition qui consiste à l'appeler « Maître » de la manière la plus ironique qui soit. J'étais prête à faire n'importe quoi (N'IMPORTE QUOI) pour l'empêcher de me raser le crâne. Je l'avais appelé « Maître » pour la première fois quand il avait commencé à me raser, et quand ce fut terminé, je fus trop orgueilleuse pour m'arrêter. Il a peut-être pensé que je l'avais appelé Maître pour qu'il arrête son rasage. Et maintenant je suis coincée. Ça ne vous semble pas tordu ? trop fière pour ne PAS m'humilier moi-même ?

            [NVDF : C'est la fin de mes corrections. La suite de l'Article 15 est brute de fonderie.]

            Je m'agenouillai sur le lit avec les épaules sur le matelas et mon derrière en l'air, lui faisant front, prête à accueillir les vibromasseurs. Je me sentais passablement allumée à ce moment. J'étais pleine d'audace, aussi, et je me sentais excitée et ragaillardie par ce sentiment. Sans l'allumer, il commença à l'introduire. Il l'insinua en moi avec bien plus de précautions et de sensibilité qu'un gynécologue. Bien entendu, un vibromasseur a un contenu légèrement plus érotique qu'un spéculum. Prudemment, je me roulai de côté et je me mis dans la position adéquate : écartelée, mais volontaire, cette fois.

            Aussitôt qu'il me pénétra, il nous fit rouler tous deux et je me retrouvai sur lui. Il tenait le vibromasseur d'une main et le remuait au rythme de notre amour, mais il ne le mit pas en marche avant le début de mon deuxième orgasme. J'essayai de me retenir et de jouer les glaçons - comme auparavant - , mais l'intérieur de mon corps se mit à palpiter de lui-même. C'est assez spécial quand votre corps se met à faire quelque chose de lui-même, je ne sais pas pourquoi. À peine en eus-je terminé qu'il commença. J'adore le voir quand il jouit. Ses yeux partent dans le flou et il devient complètement rétracté, absorbé - et vulnérable. Les orgasmes non simultanés ont leurs points forts : on peut regarder.

            Après, avec moi toujours allongée sur lui et le vibromasseur coupé (mais toujours inséré), nous planâmes longtemps sur le lit. Je portais encore la perruque, et j'étais d'humeur espiègle. Ce n'est pas à l'esclave de t o r t u r e r son maître, mais je n'en ai pas si souvent l'opportunité. Je me mis à califourchon sur ses hanches ; il avait débandé et il glissa presque hors de moi. Il aime à me regarder ainsi - et particulièrement mes seins - dans cette position. Je commençai à me caresser. Une toute petite persuasion à peine et mes tétons s'érigèrent. Je glissai mon autre main entre mes jambes et je me caressai là aussi. J'en rajoutai un peu, me mordant les lèvres et gémissant, aidée en cela - je suis sûre - par l'expression inquiète/affligée/surprise de mes sourcils peints (j'ai l'air de souffrir quand mon visage est détendu ; douleur/plaisir quand j'ouvre la bouche et que je halète un peu ; douloureusement surprise si j'écarquille les yeux. J'ai pratiqué devant une glace ; ce sont des expressions qui ne me viennent pas de manière naturelle, cependant elles reflètent mieux mes sentiments actuels que mes expressions naturelles ne pourraient le faire. Y a-t-il une telle duplicité ?) Je le sentais s'agiter faiblement en moi, mais pas suffisamment. Dans le « feu de l'action », je balayai mon visage d'une main et accidentellement-exprès je fis tomber la perruque.

            « Je suis désolée, Maître, c'était un accident. » dis-je, et je cherchai à la remettre en place à tâtons. À peine l'eus-je replacée qu'il leva la main et me l'ôta encore. Je le sentis croître très vite en moi. Une sacrée sensation de puissance. Il me dit que quatre fois en une seule journée, cela constituait un record inégalé depuis l'a d o l e s c e n c e , quand il avait découvert sa sexualité.

            En fin de compte, je ne pense pas que quatre fois en tant d'heures ou même quatre fois (ou même trois) en un jour, ne nous soit profitable à tous deux. Il était enthousiaste, mais même avec le vibromasseur, c'était plus un exercice physique en état d'épuisement que de l'érotisme. J'avais découvert que ma nouvelle capacité à l'obliger au sursaut de devait pas être dilapidée par un trip d'ego personnel, à moins d'en tirer une récompense physique, sinon il ne s'agit plus que de surextermination, pour tous deux. Peut-être qu'on vieillit. J'ai vingt-huit ans. Mais j'ai l'air d'en avoir trente-deux.

            Pourtant, la sensation de vidage intégral fut délicieuse, ce soir-là. Je garderais la perruque chaque fois qu'il sera à la maison, néanmoins, sauf s'il me demande de l'enlever.

            « C'est les hormones... » Merci, m'man.

            Je ne me suis pas encore vue dans la glace. Cette nuit-là, il m'a fait dormir avec lui pour que je ne puisse pas me voler le moindre regard. J'ai dormi sans la perruque, ceci dit : je l'ai ôtée après qu'il eut éteint la lumière, et je me suis pelotonnée au creux de son bras, posant ma tête chauve sur son épaule. Alors que je sombrais dans le sommeil, il eut une autre érection

Il avait dû sentir que j'avais besoin d'être un peu mieux contrôlée après cet épisode. J'avais poussé le bouchon un peu loin et j'avais pris l'avantage, en quelque sorte, même si j'étais restée soumise. Non pas que j'aie aimé avoir le crâne rasé. Il me fit me raser moi-même le lendemain matin, sans miroir. Je dus palper le duvet d'une main et passer le rasoir jusqu'à ce tout soit parfaitement lisse. C'est assez érotique. Mes tétons étaient bien durs quand j'en eus fini. Hmmm.

            À ce moment-là, il commença à me faire quelque chose de nouveau : m'enduire entièrement de lotion bronzante. C'est sur la Liste, mais je ne pourrais plus quitter la maison avant que ça disparaisse. En fait, il ne me l'applique plus lui-même : il ME demande de ME le faire chaque matin et chaque soir pendant qu'il me regarde, et j'ai ordre de le faire chaque midi, en plus, même quand il n'est pas là.

            Mais ce matin-là, il entama son programme de bronzage sans me dire ce qu'il faisait. La première chose qu'il fit, fut de me mettre une autre de ses spécialités de bricolo : une cangue. Simple, mais bien fignolée (vernie, poncée, etc.) et fonctionnelle. Deux planches, articulées par une charnière d'un côté et verrouillables de l'autre, m'emprisonnèrent les mains et le cou. Il rattacha cela à la chaîne du plafond et je dus me tenir debout et attendre.

            Il me barbouilla cette lotion partout : du crâne aux pieds. Il ne me dit pas ce que c'était ; je présumai qu'il s'agissait d'une autre sorte de gel-conditionneur. Après m'avoir entièrement enduite, il amena des bandes de gaze et les plongea dans le truc et commença à m'envelopper le corps avec, comme pour une momie. Il voulait que ça agisse au maximum, vu que je marinais positivement dans le truc. Il commença par les chevilles et remonta ensuite jusqu'à mes cuisses, l'une après l'autre, trempant les bandes, les essorant, puis les enserrant autour de moi. Dieu seul sait combien il a dû dépenser en gaze et en lotion, mais il avait vidé suffisamment de flacons pour en emplir un grand faitout à ras bords. Je lui redemandai ce qu'il me faisait, mais il se contenta de m'ignorer, sans même brandir la menace du bâillon.

            Il lui fallut du temps pour trouver la bonne façon de bander mon entrejambe et mes hanches, mais il finit par s'en sortir. Les bandes autour de ma tailles étaient aussi serrées qu'un corset. Il les croisa sur ma poitrine en recouvrant mes seins et acheva le tout en ne me laissant que les mains, la tête et les pieds à l'air. Ceux-là, il les tartina d'une dose supplémentaire de lotion.

            Jusque là, je me tenais patiemment et docilement debout, car je ne savais pas ce qu'il faisait. Je devins légèrement nerveuse lorsqu'il entreprit de m'entourer de film étirable.

            Là, il m'emballa comme une vraie momie, avec les jambes serrées. Quand il me libéra de la cangue, je luttai faiblement pour m'en débarrasser, mais j'étais fort impuissante sans l'usage de mes jambes, et je m'abandonnai après une résistance toute symbolique. Il m'emballa les bras et les mains serrés contre les cuisses. J'avais toujours pensé que le film étirable était une matière fragile, mais il surprenant de voir combien plusieurs couches superposées peuvent être solides. J'étais encoconnée et parfaitement immobilisée, des pieds jusqu'au cou. Je pouvais me tortiller un peu, mais après qu'il m'eut posée à plat dos sur le lit, j'aurais vraiment eu de sérieux problèmes ne serait-ce qu'à me retourner. Il me porta dans le salon et m'installa dans un transat qu'il avait ramené du jardin. Un petit bout de chatterton, et je fus apprêtée, pour le temps que ça devrait durer.

            C'est seulement à ce moment-là qu'il m'expliqua ce qu'il venait de faire, en m'exhibant un flacon de ladite lotion. Quand il se fit jour en moi qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle espèce de gel-conditionneur, je me mis à me débattre sous l'emballage.

            « C'est pas juste, » couinai-je. Le mois est presque fini et je vais être teinte par ce truc des semaines après ! » J'avais l'impression qu'à la fin du mois, tout devrait redevenir tel qu'avant, comme par magie. C'est débile de ma part, je sais. Mes cheveux mettront des mois à repousser. Mais là, je n'étais déjà plus très sûre d'avoir envie que le mois se termine si vite. Il m'expliqua la Liste à nouveau. Il n'y a pas d'articles écrits en tout petit, pas de clauses particulières, pas d'exceptions. Rien à propos de mon look à l'expiration du contrat. Juste une liste de ce qu'il peut me faire un mois durant.

            Il reprit de la lotion et en étala sur mon visage, mon cou, et mon crâne. Ligotée comme je l'étais, je ne pouvais même pas l'essuyer sur le transat : mes épaules dépassaient du dossier. J'en essuyai un peu sur mon épaule, mais il se contenta d'en remettre.

            Il alluma la télé et me laissa là quelques heures. J'ai tenté de le convaincre que je devais aller pisser, mais en vain. Il ne me crut pas et il me dit de ne pas me gêner et d'y aller franco. Je ne le fis pas. Au bout d'un moment, je commençai à me sentir plutôt visqueuse sous les bandelettes. Quand j'eus trop chaud, il brancha juste la climatisation.

            Je ne peux vraiment pas encaisser Phil Donoghue[1]. Il est vraiment pourri. Il n'y avait rien d'autre.

            Quand il se décida finalement à me relâcher, il me fit avaler quelques pilules bronzantes. Tel que je le connaissais, ça devait être la dose maxi. J'avais vu des pubs pour elles dans Cosmopolitan, (Oups. Est-ce les féministes sont supposées lire Cosmo ? Ou elle prétendent juste le lire pour les articles ? Rarement... OK : je le feuillette seulement pour les photos.) je n'aime pas les cachetons, même ceux-là sont probablement inoffensifs (je crois que c'est juste du carotène). Je n'ai rien contre le fait de fumer un peu d'herbe de temps à autre, mais je n'aime pas les pilules, allez savoir pourquoi. Même celles-là. Vous devez penser qu'une infirmière se devrait d'avoir plus confiance dans les techniques médicales. J'ai déjà vu plus d'un médecin avoir des problèmes avec elles, ceci dit.

            Enfin bon, j'ai dû continuer les pilules jusqu'au dernier jour. Il m'avait menacée de rajouter une lampe à bronzer s'il n'était pas satisfait de l'intensité de mon « bronzage », je serais donc brunie d'une manière ou d'une autre. Je ne lutterais pas contre. Le dernier jour, j'ai l'intention de lui demander si on pourrait prolonger la Colonne Un. Du moins, c'est comme ça que je me sens maintenant.

            Au moment où j'écris, je suis d'un acajou doré et « bien foncé ». ça n'a PAS l'air naturel, quoi qu'on en dise à propos des nouveaux produits de bronzage. Quand ça va commencer à partir, je sais que je vais avoir l'air d'avoir une jaunisse marbrée. Enfin, c'est mieux pour ma peau que le soleil. Je pense.

            J'aurais au moins appris quelque chose sur moi. Je ne sais pas comment l'écrire sans que ça sonne zarbi.

            J'aime être « changée. »                                                 

            Ça résume assez bien, mais ce n'est qu'une banalisation ultra-simplifiée de mes sentiments. Quand je regarde dans une glace et que je vois quelque chose - quelqu'un - de différent de ce que j'attendais à y voir, il se passe quelque chose. Le choc de me voir, je ne sais pas comment dire, déformée, exerce un impact érotique (?) sur moi. J'aime à me faire peur ainsi. Me faire peur n'est pas la bonne expression. Me faire horreur, peut-être ? Mais c'est un mot trop fort.

            J'ai été... déformée... par J nombre de fois depuis le début de ce mois. La transformation la plus choquante intervint quand il me rasa le crâne, mais le simple fait de voir mon visage déformé par le bâillon me faisait frissonner en secret. Le bronzage artificiel, alors que je le voyais s'assombrir de plus en plus, me fit réaliser ce qui se passait dans ma tête. Mon fanatisme à l'égard du maquillage est symptomatique de cette étrangeté.

            Si je pouvais expérimenter des changements encore plus extrêmes - aussi longtemps qu'ils ne seraient pas irrévocables - , je le ferais. Je vais laisser mon esprit errer une minute dans ce jardin :

  • J'aimerai essayer d'avoir les yeux bridés. Je pense que le pli épicanthique est sexy.

  • J'aimerai pouvoir changer mon poids et ma taille. Je ne veux pas dire par là « m'améliorer » non plus. J'aimerai me transformer en une Junon quasi-phénoménale. Hein, des mensurations de 114-71-114 sur mon mètre soixante-six ?

  • J'aimerai faire tatouer le corps en entier. Le visage et tout. Le nombril percé est un must... un jour, je pense.

  • Si seulement une augmentation cosmétique des seins s'avérait sûre et réversible sans avoir recours à la chirurgie. J'aimerai voir ce que je pourrais faire pour faire péter les plombs à J. Il y avait une fille au lycée, au cours de gym avec, bon, des seins très pointus, protubérants et qu'on aurait dit gonflés. Je les trouvais attrayants (pas elle). Je me demande jusqu'à quel point ils peuvent être gros et toujours avoir l'air de seins ? Ou bien de quoi j'aurais l'air sans seins du tout.

  • J'aimerai être plus grande. Un mètre quatre-vingt-cinq au moins.

  • J'aimerai essayer d'être plus petite. Dans un roman de SF intitulé « Something wicked » de Ray Bradbury, une très belle femme, transformée en lilliputienne de cirque par l'affreux Monsieur Loyal, était « sauvée » de son triste sort par le jeune premier de l'histoire. J'aimerais être sauvée comme ça. Encore et encore.

  • J'aimerai essayer d'être un homme, bien sûr. Qui n'en aurait pas envie. Je crois que je pourrais être Frank Langella... Qui ne le voudrait pas.

-J'aimerai essayer et séduire J avec le corps d'une Lolita pubère de 12 ans, mais qu'il sache que j'ai l'esprit d'une femme mûre. Un peu comme la jeune vampire centenaire dans l'histoire d'Anne Rice « Interview with a vampire. »

  • J'aimerai être recouverte d'une fourrure, comme celle d'un chat. Et avoir une queue ? ou des écailles de serpent. Ou des pupilles verticales comme un chat. Imaginez la tête du banquier quand j'ai enlevé mes lunettes noires.

            Il y avait un des cercles de l'Enfer de Dante où le châtiment consistait à vous retourner la tête. J'aimerai bien avoir le haut de mon torse à l'envers. Imaginez ce que ça ferait d'avoir un rapport anal frontal. Ça serait horrible à voir dans un miroir, mais ça serait une horreur délicieuse. Si seulement je savais que ça pouvait être réversible.

            Je suis bizarre, ou quoi ?

  • Ça ferait quoi si J avait un interrupteur qui pourrait stopper toutes mes fonctions motrices volontaires ? Ça ferait quoi de faire l'amour ainsi ? La soumission totale et absolue...

  • Parfois j'ai envie de crier en faisant l'amour, c'est tellement bien, mais je suis trop du Middle West pour oser le faire. Et si j'étais muette, du coup ça n'aurait plus d'importance même si j'essayais de crier comme une folle ? J'ai lu une fois une nouvelle à la Fu Manchu dans laquelle une jeune chinoise était réduite au mutisme : les nerfs de ses cordes vocales étaient sectionnés pour l'empêcher de pouvoir témoigner. Ça serait un bondage érotique si ça pouvait n'être que temporaire.

            Vous comprenez l'idée ? Être changée, volontairement ou non, est une expérience chargée d'érotisme pour moi, et pas nécessairement être changée pour le meilleur, non plus. À partir de ce moment, j'ai commencé à m'ouvrir et à discuter avec J de ce trait de ma personnalité. Je crois ça a eu une influence sur son comportement ultérieur. Il me fit des choses, des choses chargées d'érotisme.

            -*-

            À ce moment-là, les effets de ce régime bronzant étaient encore minimes. Je ne m'étais toujours pas vue entièrement rasée, sinon dans un reflet fugitif de l'eau de mon lavabo. Il s'était assuré que je ne puisse pas même tenter d'utiliser un miroir de fortune (comme les parois du four-grill ; j'avais essayé ça).

            Après ma première dose de lotion bronzante, j'ai passé le reste de l'après-midi dans la culotte noire (avec une perruque) et avec des chaînes aux mains et aux chevilles (pas les s a n g les de cuir, rien que des chaînes en boucle et cadenassées. J'ai paressé en lisant un peu. Et en cliquetant.

            En fin d'après-midi, je me suis promenée avec lui dans la cour. Nous avons flâné et désherbé ensemble, moi avec ma culotte et mes chaînes.

            Le soir, il me fit me raser à nouveau, pour être sûr que je sois bien lisse. Il me déclara que j'allais bientôt savoir de quoi j'avais l'air. Bien que j'aie été curieuse, je lui dis avec un brin de perversité que je n'avais pas envie de me voir. Et même maintenant, des jours plus tard, je me sens alternativement très sexy et plus qu'un peu bizarre à propos de tout ça.

 

LA LISTE ( SUITE 9 )

Il commença par me dire qu'il fallait que je me prépare pour l'autre manière de rapport sexuel. Malgré ce par quoi nous étions passés, nous effectuions encore un genre de danse verbale autour du concept.

            « Tu te rappelles que tu m'avais dit comment tu pourrais t'y préparer. D'une façon particulière... » commença-t-il.

            Je ne lui avais pas donné tous les détails, mais il savait de quoi il en retournait. « Tu veux dire me nettoyer le dedans ? Derrière ? » dis-je.

            « Oui. Je sais que ces préparatifs ne figurent pas sur la Liste, pourtant. »

            « Si tu le veux bien, nous pouvons l'y ajouter. Sinon, si l'alternative est de pouvoir le faire sans ces préparatifs, je préfèrerais. »

            « C'est à considérer. » Mamma mia. Si formel. Peut-être bien qu'on n'a toujours pas quitté le Kansas, hein mon Toto. Peu importe la manière anatomique répugnante, lequel ou combien d'orifices sont pénétrés, peu importe quelles sécrétions glandulaires ou perversion cachées sont en jeu, il n'existe aucune situation qui ne puisse être aseptisée par l'étiquette du Middle West.

            Je vais vous donner un exemple. Désolée de digresser, mais j'ai rencontré une fois un auteur dramatique gay militant d'Indianapolis, qui pensait pouvoir lancer un défi au milieu politique homophobe du Middle West en écrivant une pièce qui mettrait en valeur les attitudes supposées plus libérales des sociétés grecques et romaines. Il s'était fait connaître en commettant une farce satirique déplorable sur un gladiateur gay nommé Felonius Orifice et son frère jumeau Titus.

            Il avait espéré que même si sa pièce ne lui faisait pas gagner un sou, il lui serait au moins accordé les honneurs de la censure de la part du préfet ou du commissaire principal. Malheureusement, le soir de la première, il y eut une audience assez importante de militants gays présente dans la salle, en geste de solidarité politique pour leur camarade activiste.

            Dès le premier acte, il devint évident que l'auteur avait fait une erreur de jugement sur le sens de l'humour de la communauté gay, bien que le reste du public semblât y prendre immensément plaisir. Apparemment, la pièce était un tantinet ambiguë quant à qui était précisément satirisé, et les gays pensèrent qu'il s'agissait d'eux. Ils prirent leur cause bien plus au sérieux que l'auteur ne l'avait fait. Ils se sentaient trahis. Ils sortirent à l'entracte pour aller investir en légumes et en sous-produits gallinacés. La pièce cessa au tout début du deuxième acte. Le propriétaire de la salle dut faire changer les rideaux.

            L'auteur devint célèbre : vous pouvez imaginer la joie des chroniqueurs, des éditeurs et des critiques. Ils furent tous d'accord pour que la pièce reprenne, mais aucun théâtre ne voulait d'elle. Il n'y avait personne à cent lieues à la ronde qui ne connaisse l'histoire. TOUT LE MONDE la connaissait.

            Même ainsi, quand je lui fus présentée par une vieille pipelette sympa du Middle West, pivot du milieu culturel d'Indianapolis, elle me dit : « Il est célibataire, vous savez... » avec une mine significative censé me conter Toute l'Histoire : « célibataire » équivaut à gay si c'est dit avec le ton juste et avec les sourcils infléchis comme il faut. C'est le genre de code linguistique sémaphorique que les gens du Middle West comprennent parfaitement. Ça leur permet de communiquer avec le Sud Profond, par exemple, et de traduire aux New-Yorkais.

            Et si vous croyez que la vieille pipelette yoyote, détrompez-vous. Elle avait acheté des actions chez IBM pour des clopinettes alors qu'elle n'était qu'une a d o l e s c e n t e et elle pense que les New-Yorkais sont bien trop dépendants de la réalité. Elle possède plusieurs appartements à Miami, New York et Indianapolis.

            Ainsi donc, J et moi n'avions pas le moindre problème à nous comprendre mutuellement, malgré le fait que nulle fonction corporelle et pas le moindre détail anatomique n'eussent été mentionnés.

            Enfin bon, notre petit échange clarifia les choix qui s'offraient à nous : je pouvais me préparer à ce qui allait venir ou pas, mais ça viendrait de toute façon. Je pouvais uniquement maîtriser le niveau d'hygiène et rien d'autre.

            Je me suis donc préparée. J dit qu'il faut que j'inclue tout cela dans le compte-rendu, donc je vais le mettre, mais je tenterais de le décrire aussi délicatement que possible. Nous parlons de l'irrigation du côlon, là, mes amis. La procédure se déroula en plusieurs étapes, jusqu'à ce que j'évacue de l'eau claire et propre. Puis une autre pour être bien sûre. C'est plus qu'il n'en faut pour préparer un patient à l'examen un examen, mais nous n'allions pas faire que regarder, quoi ? Je voulais être propre. Pour moi autant que pour J. Assez parlé, spécialement pour ceux du Middle West. Comme je l'ai déjà signalé, ma mère, l'archétype même du Middle West, n'a pas de fonctions corporelles du tout, pour autant que je sache. Mes excuses aux gens de chez moi, mais j'ai découvert que dans le monde réel, les gens se servent de mots tels que 'côlon', parfois. Ils se servent même de leurs côlons, parfois, m'man. De manière récréative, même.

            En attendant, retour case bondage, l'étape suivante fut la douche rituelle obligatoire. J'étais propre au dedans et au dehors, et aussi nue que possible si l'on fait exception d'une paire de chaînes. Il me fit m'enduire d'une base de maquillage mate sans l'aide d'un miroir, et me poudrer par dessus. Puis, après avoir mis la longue perruque noire enchevêtrée en place, j'en eus fini. Je savais ce qui allait se passer, je me repeignis donc les mêmes sourcils « peinés » qu'avant. Ce look m'allume terriblement et je pense [je sais] que c'est pareil pour lui. En plus, ils exprimaient ce que je m'attendais à ressentir.

            Il me mena jusqu'à la chambre en me tirant par la chaîne des poignets et commença avec de légers préliminaires et en me serrant dans ses bras sur le lit. Alors qu'il m'échauffait, mon esprit restait concentré sur ce qui allait advenir (j'avais surtout peur d'avoir mal) et je fus plutôt surprise lorsqu'il enfila un nouvel appareil en moi. Un autre joujou ramené de la bijouterie de San Francisco ; il a dû dépenser une fortune ce jour-là. C'était un vibromasseur, un de ceux avec un renflement à la base qui s'appuyait sur mon clitoris pendant que le reste résidait (et plus tard vibrerait) en moi. Il me mit debout et me fit m'agenouiller en posant ma poitrine sur un petit banc (un genre de tabouret de piano bas) tapissé de velours rouge sur le dessus. Il me scotcha les poignets et les genoux aux pieds du tabouret et passa une s a n g le autour de ma taille et du banc, afin que je ne puisse plus me relever ni même bouger du tout, sauf la tête. Je pouvais me remuer le derrière un petit peu, quand même.

            Il y avait une grande glace devant moi, appuyée au mur. Mes seins pendaient par devant le banc, et je pouvais à peine soulever mes épaules suffisamment pour apercevoir les petits pendentifs de grenat sur mes tétons. J'étais pas mal du tout avec la longue perruque hirsute. Je voyais le reflet du visage de J et de ses épaules derrière moi.

            Je me tortillai un peu, mais de la façon dont mes jambes étaient attachées, je ne pus les resserrer quand il vint entre mes cuisses pour actionner le vibromasseur. Lorsqu'il le pressa fort en moi, ce fut stupéfiant. Je poussais de mes hanches contre le tabouret, ce qui appuya l'excroissance de l'embase sur mon bouton d'amour, et je pus déduire immédiatement qu'il s'agissait d'un vibromasseur conçu par une femme.

            Tout de suite après, je sentis ses doigts me lubrifier en vue d'une pénétration. Je me retrouvais une fois de plus en train d'essayer de me concentrer sur deux choses en même temps. Le vibromasseur me faisait des choses très intéressantes, mais je le voyais par dessus mon épaule et je le sentais m'étirer et me distendre de plus en plus. Je fus absorbée tout entière de ce côté-là.

            De voir mon expression en même temps me donna l'impression que je me faisais l'amour. Ça sonne narcissique, je sais. Enfin, ça l'était. Je n'ai pas à me justifier : pour une raison inconnue, je ne me sentais ouvertement narcissique et nullement décontenancée, et je m'abandonnai totalement à cette impulsion. Qu'est-ce que ça peut foutre, je me dis. Je ne m'étais jamais vue dans une glace pendant le sexe, avant. (Il s'agit bien de sexe, non ?) Enfin bon, les coups d'œil que je jetai au miroir étaient tout autant pointés sur moi que sur J.

            La première expression fut celle du surprise peinée quand il commença à entrer en moi. La sensation me fit réellement hoqueter et je tentai de me pousser en avant pour fuir la douleur.

            « Attends ! » couinai-je, « c'est trop gros ! » Il était très délicat, mais il est un peu plus gros que le vibromasseur que j'avais là-dedans juste avant. Il m'avait bien préparée avec des tonnes de lubrifiant, et il était déjà partiellement entré. Je ne peux pas décrire la sensation éprouvée à être ouverte et pénétrée là. L'anxiété que j'ai ressenti au moment où il m'écarta les fesses me fut exquise. Je suis fière d'annoncer que je me suis délectée de l'appréhension et de l'anxiété comme un gourmet découvrant un nouveau plat pour la première fois, parfaitement conscient qu'il n'y peut y avoir qu'une première fois. Je me sentais comme profanée, quoique bien plus maintenant que lorsque j'avais perdu ma virginité. Mais ce fut une profanation délicieuse. Je me souviens avoir eu une pensée fugace et inarticulée en un flash :

            « Cette fois j'expérimenterai au lieu d'endurer. » (En réalité, c'était plutôt : « Aïe ! Oups. C'coup-ci faut que'j'me lance et que j'm'éclate le beignet. »

            Après, j'ai arrêté de penser. Je haletai, inspirant l'air à petites bouffées, comme si de grandes bouffées auraient pu me faire mal, et je criai plusieurs fois au fur et à mesure qu'il glissait en moi plus profondément, par paliers. Il stoppait et attendait que je m'accorde à sa grandeur. À chaque pause, il se tendait (?). J'en ignore la cause physiologique, mais il a des palpitations et semble se grossir momentanément en moi. Ce n'est pas un mouvement de ses hanches, mais de son organe. Enfin, je dis se tendait par manque d'un terme plus adéquat, même si je ne connais aucun muscle qui pourrait expliquer cela (j'ai vérifié dans mon dictionnaire anatomique. Je n'y ai rien trouvé à ce sujet) et J ne sais pas non plus ce qu'il fait, mais je suis sûre que tous les mâles peuvent le faire. Ce fut une autre sensation délicieuse, une de celles qui m'ont vraiment aidée alors qu'il continuait à doucement pulser son chemin en moi.

            C'est radicalement différent du sexe « normal ». C'était une sensation de plénitude, d'être pleine. C'est ce qui décrit le mieux. C'était d'autant plus neuf et étranger que c'était accompagné de sensations que j'associe normalement au fait d'être vidée. Mais j'étais complètement remplie et je ne pouvais pas y échapper : je tentai de m'extraire de cette posture en gigotant et je savourai de ne pouvoir m'échapper.

            Finalement, il fut tout à fait dedans. Je sentis ses hanches sur mes fesses. J'étais étourdie de sensations nouvelles, mais il attendit que mon souffle s'apaise et que je m'acclimate. À titre d'essai, je me contractai autour de lui, bien que je sois élargie au maximum et que j'aie mis tout en œuvre pour rester suffisamment ouverte et détendue pour l'empêcher de me faire mal. Il sentit la contraction et se « tendit » de nouveau.

            Je n'y avais pas encore songé, mais l'attitude que je DUS adopter est l'une de celles qui englobe tout le concept de bondage pour moi : se détendre, s'y soumettre, y faire bon accueil, et la douleur devient plaisir. Étrangement, l'inverse n'est pas vrai : combattez-la et le plaisir ne deviendra pas douleur. Plutôt, si vous faites preuve d'habileté, la résistance vous mènera plus près des confins de la douleur et c'est là que vous allez jouer. Lutter contre soi soulage de la culpabilité, par ailleurs. Je me sens toujours coupable, vous savez, sans doute parce que je suis de l'Indiana et tout et tout.

            Il me laissa être la première à me mettre en mouvement, en me contractant autour de lui et en poussant sur ce (très intéressant) nouveau vibromasseur contre le rebord du tabouret. Tout d'abord, je ne fis que des mouvement empiriques, explorant mes limites. J'en conclu qu'il était de taille idéale. S'il avait seulement été une fraction de centimètre plus gros, j'aurais eu vraiment mal, mais il m'emplissait tout entier et si je restais détendue sans m'y opposer, je pouvais m'empaler encore plus sur lui et y trouver plaisir. (Oui, je sais, vous pensez : qui pourrait y trouver du plaisir, mais il ne faut pour cela rien qu'un bon vibromasseur et un amant très sensible - un qui peut suffisamment contrôler ses instincts pour vous aider en ces instants critiques. Je n'espérais rien d'autre que d'endurer, mais j'en vins à trouver ça pas mal du tout. Je regrette ce que je viens de dire. J'y ai pris plaisir, point final. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas eu mal).

            Mais ne vous méprenez pas : je ne dus mon orgasme qu'au vibromasseur. Je ne pourrais jamais jouir du sexe anal tout seul. Ces sensations furent principalement celles d'une pénétration, d'une étrangeté et de douleur occasionnelle ; ce fut leur fusion en orgasme qui le rendit si... bon.

            J'essayai de me pousser contre lui tout en me frottant au vibromasseur, et je finis par trouver le truc. Il se remua doucement en réaction à mes gestes hésitants, mais il changea de rythme : plutôt que de s'enfoncer en moi quand je me poussais contre lui, il me suivit quand je m'appuyais sur le vibromasseur et il m'aida aussi à bien m'y ajuster, en m'épinglant gentiment sur le rebord du banc. En m'arc-boutant, je faisais tout pour me relâcher et m'ouvrir, en le tirant en moi quand il se retirait, en l'accompagnant d'une poussée. Il se mit donc à bouger avec moi, plutôt que contre.

            Durant tout ce temps, je ne cessai de me regarder dans la glace. Je dois avouer que les expressions qui me traversèrent à demi-involontairement m'allumèrent au plus haut point. Occasionnellement, il poussait quelque peu trop fort et je hoquetai et un trait de souffrance me barrait le visage (rehaussé, bien entendu, par les sourcils expressionnistes que je m'étais faits). Il guettait ces signaux et il était très attentif à moi, mais j'étais toujours totalement entre ses mains. Je devais accepter tout ce qu'il voudrait. Je m'observai avec les yeux mi-clos quand mon souffle s'accéléra et que je devins de plus en plus réceptive. Rien ne l'obligeait à être attentif, et il l'était cependant, à la perfection. Il m'accula dans mes limites extrêmes, me poussant parfois un peu au delà, juste au point de me faire haleter. Plus d'une fois, mes yeux mi-clos s'écarquillèrent de surprise et un demi-cri de douleur s'échappait quand j'avais le souffle coupé, mais il avait une telle maîtrise que tout se muait immédiatement en jouissance. Il avait vraiment dépassé les bornes, cette fois.

            Alors que j'allais jouir, (c'était vraiment le vibromasseur qui m'avait menée là) je voulus désespérément me soulever pour mieux profiter de lui et du vibromasseur, mais à chaque fois que je me tendais à l'extrême, je ne récoltais que de la souffrance. Je dus me f o r c e r à me maîtriser et à limiter mes gestes à de petites saccades qui soudainement, et sans ma volonté, se muèrent en spasmes convulsifs. Je cheminai lentement, sans y penser, (sans même l'espérer) vers un orgasme quand, sans m'en rendre compte, je me retrouvai au beau milieu d'un truc énorme.

            Mes yeux s'écarquillèrent et ma bouche s'arrondit comme pour faire « Oh ! » mais sans qu'un son ne la franchisse. La tentation des contractions orgastiques fut trop grande pour que j'y résiste, mais à chaque fois que je me crispais, j'avais mal. Maintenant encore, je me demande si c'est le plaisir ou la douleur qui fut la dominante de cet orgasme, mais j'ai l'intime conviction que la douleur avait intensifié le plaisir d'une manière que je n'avais jamais expérimentée. Je ne pouvais plus séparer les deux. Comme j'ai dit, il avait dépassé les bornes. Je crois que moi aussi.

            En cet instant critique, alors que je me mirais, en proie à l'agonie d'une douleur/plaisir et en pensant que j'avais l'air très belle ainsi, il m'arracha la perruque et je vis mon crâne rasé pour la première fois.

            Il avait prévu que ce choc arrive comme une claque au beau milieu de mon orgasme. Je ne pus réfréner les puissantes contractions de mon bassin, bien que chaque spasme me fasse souffrir bien au delà des soupirs qui f o r ç a ient mes lèvres de plus en plus bruyamment. J'étais totalement confite par l'orgasme en cours et en même temps j'étais terrifiée par mon apparence. J'étais si chauve et si nue ! Mes soupirs s'accrurent et je m'entendis crier « Non ! » et « S'il te plaît ! » et « Arrête ! » à chacune de ses poussées, même si je me causais plus de mal que lui. Et ce n'était pas que le sexe et la douleur que je voulais arrêter, c'était la vision de moi si nue et chauve et moche. J'étais absolument hors de ce trip-là, orgastiquement, visuellement, psychologiquement, de toutes les manières que vous voudrez bien imaginer. J'ai réagi très fort et sans la moindre inhibition à tout, et d'un seul coup. Ça paraît bête de dire ça maintenant, mais c'est comme ça que je l'ai ressenti alors, c'est comme ça que je m'en rappelle.

            Mon corps entier se raidit et se durcit au sommet de l'orgasme. Je crois que tous mes muscles étaient bandés. Ma respiration même était suspendue. Mes yeux étaient ronds et vides, fixant mon reflet avec une sorte d'hébétude stupéfaite. De fait, j'étais réellement surprise par les sensations que j'éprouvais. Plus que ça, j'étais pétrifiée : ma bouche était ouverte sur un « O » surpris, mais silencieux, et je me tendais contre les liens de mes chevilles et de mes poignets ; je me rappelle que les tendons de mon cou et de mes avants-bras saillaient. Alors que j'étais sous l'emprise de l'orgasme, mon corps semblait indépendant de moi et se crispait de tous ses muscles, ne me laissant pas la moindre maîtrise volontaire du tout. Je le serrais comme dans un étau, lui et le vibromasseur. Je me regardai dans les yeux et j'eus le très net sentiment que je me faisais l'amour, victime de mon besoin propre. Et même plus, (c'est très gênant à admettre) que j'étais amoureuse de moi-même. Ça tient debout, ça ? Je ne suis pas bisexuelle, mais à vrai dire le narcissisme est une sorte d'homosexualité, non ? Voilà ! au moins c'est du sexe avec une personne que j'aime...

            Finalement, je me rendis compte que j'avais arrêté de respirer. Alors que j'étais arrivée au delà du sommet et que j'entamai ma glissade au loin de l'apogée, un cri étonnamment fort s'échappa et j'expulsai l'air vicié que j'avais en suspens d'un seul coup de poumons. Je me remis à respirer à grandes lampées, haletante.

            Après que ce fut achevé, il se retira lentement et en douceur. Je lui en fus reconnaissante. Je fus presque chagrinée de le sentir m'abandonner. Il arrêta le vibromasseur, défit la s a n g le autour de ma taille, et coupa les liens de mes poignets, en me passant les ciseaux pour que je puisse me libérer du reste. Alors qu'il était sous la douche, je continuai à me dévisager, en état d'hébétude.

            Je suis d'ordinaire hébétée après une « séance », mais fois-ci, il s'agissait d'une hébétude provoquée par mon allure autant que par mes sentiments. Je me dévisageai ainsi pendant un bon moment. En fin de compte, je me secouai pour m'extraire de cet état, puis je libérai mes genoux. Je m'assis quelques minutes sur le tabouret, pour enlever le ruban adhésif sur ma peau et me rassembler les esprits avant de me lever. J'avais les jambes en coton. J'avais toujours les chaînes, mais à part ça, quand je me mis debout face au miroir, j'étais complètement, et je dis bien complètement, nue. J'offrais une vision carrément choquante.

            Désolée de m'appesantir sur le sujet, mais il s'agit de la chose la plus importante qui soit arrivée à mon corps depuis ma puberté, quand mes seins avaient commencé à pousser. J'ai vraiment l'air différente. Tellement, tellement nue. Dépouillée.

            Des mots comme nue, exposée, glabre, chauve, tondue, et rasée me vinrent à l'esprit, et je sais que je radote, mais ces mots ne parviennent tout simplement pas à capturer la sensation d'être dépouillée de partout et sous tous les angles. Je ne sais pas comment l'exprimer. Ce n'était tout simplement pas moi dans le miroir. Je me tournai sur le côté pour voir de quoi j'avais l'air. Toujours incrédule au sujet de mon apparence, ma main rampa jusqu'à toucher mon cuir chevelu, à moitié pour vérifier que c'était bel et bien réel, en espérant encore que ce ne fut pas le cas. Avec le petit miroir, je scrutai l'arrière de mon crâne. C'est si blanc et lisse et rond, plus pâle encore que le reste de ma peau - qui était plutôt pâle, même après le premier traitement au lait bronzant. Il n'est pas bosselé, comme certains crânes d'hommes chauves le sont parfois ; c'est un dôme régulier, devant, derrière, et sur les côtés. En fait, ça lui donnait un air encore plus dénudé. D'habitude, je considère que les boucles d'oreilles sont de petits accessoires, mais sans les cheveux, elles prenaient soudain une importance majeure dans les traits de mon visage. Avant, elles étaient cachées par mes cheveux.

            Ça peut sembler singulier, mais j'ai regardé les anneaux de mes tétons et j'ai pensé : « enfin bon, au moins j'ai toujours ceux-là. » Stupide, je sais, mais ça me rassurait de penser qu'ils étaient les derniers vestiges de mon « vieux moi », même si j'aurais dû logiquement les considérer comme les symboles les plus précoces de mon « nouveau moi. » Peut-être ai-je juste pensé à eux comme étant la seule partie de moi qui n'avait pas été retirée. Doux Jésus, je ne sais pas. Je ne sais pas quoi penser.

            J sortit de la douche et vint derrière moi et m'enlaça de ses bras alors que je me regardais dans la glace. Je lui demandai comment c'était possible qu'il puisse m'aimer telle quelle, et je sentis immédiatement une érection poindre dans mon dos. Je suppose que je n'ai pas vraiment besoin d'autre réponse que celle-là. Ça le fait bander. Bien que je déteste ça, je m'avoue excitée par certains aspects de la chose, moi aussi. La gêne, par exemple. À chaque fois qu'il fait une chose que je crois détester, il me rappelle que mes sensations se ramènent à de la gêne, et c'est alors qu'il me demande de lui en faire don. Il me demande de la ressentir, puis de la laisser sortir. Inexplicablement, ma rancœur se mue en quelque chose d'érotique. D'habitude. Je ne sais pas.

            Des quelques jours précédents, j'avais fini par déduire que le seul impact visuel de ma calvitie globale allumait mon J, mais c'était plus compliqué. Tout aussi important était le fait qu'il me savait étourdie par ce qu'il m'avait fait et que je j'aurais un autre choc en me voyant pour la première fois dans une glace. Mon état mental lui importait au moins autant que mon aspect physique, et l'expression de mon visage (figée telle quelle durant mon orgasme) exprimait très exactement l'état mental qui le faisait tellement bander.

            Pendant cette séance, J s'était retenu par souci de tendresse envers mes arrières jusqu'ici inv i o l és, mais un petit quelque chose dans mon reflet miroité à l'instant précis de ma jouissance (il me l'a dit, plus tard) lui avaient fait perdre tout contrôle - ce que j'aurais pas pu deviner s'il ne me l'avait pas dit. En pleine descente d'orgasme, je me retrouvais face à moi, pantelante et les yeux rivés sur mon visage et mon crâne dans la glace. J'avais toujours cette mine surprise et choquée : après tout, je ne m'étais jamais vue sans le moindre poil auparavant. Peut-être ne devrais-pas mâcher mes mots. J'étais (je suis) chauve. Absolument chauve et dépouillée. (Je sais, je sais. Je radote...) Quoi qu'il en soit, alors que j'étais agenouillée à me regarder ainsi, frémissante et palpitante, je le sentis s'enfler et se raidir en moi. Il commença tout léger mais très puissamment, en se retenant de bouger en moi et il atteignit l'orgasme presque immédiatement. Voilà qu'il était en pleine perte de contrôle comme il avait coutume de dire. Il entend par là qu'il n'avait pu s'empêcher de jouir, et non qu'il ne se souciait plus de moi.

            Notre sexe frontal usuel requiert habituellement de sa part bien plus d'efforts que ça, mais cette fois-là, il ne fallut presque aucune stimulation pour l'amener à jouir. Je lui ai posé la question, plus tard. Il m'a répondu que ce n'était simplement de faire l'amour « comme ça » qui était la cause de tout. C'étaient aussi mes expressions et mon air pendant et après l'orgasme. Je crois que le cerveau est la vraie zone érogène. Ça doit être vrai. Sinon, comment pourrait-il y avoir des pollutions nocturnes ?

            Ça m'intéressait vraiment, ça, alors lisez attentivement ce qui va suivre. Je l'interpellai (si tant est qu'une esclave puisse interpeller son maître) sur ce à quoi je ressemblais exactement pour lui, et sur ce que ça lui faisait. Il s'allumait à toute une combinaison de choses. En premier venait l'idée que j'étais tellement surprise et incapable de contrôler ce qui m'arrivait. J'ai été réellement surprise, sauf que je me suis délibérément servie de mon visage pour exprimer cette surprise d'une manière bien plus explicite qu'en temps normal. C'est une très grande leçon pour moi. Bien sûr, les sentiments en eux-mêmes nous sont de première importance, vu que nous sommes des humains, mais dans le processus de la communication humaine, les apparences sont au moins aussi importantes que les sentiments qu'elles transmettent.

            Les comédiens s'entraînent devant une glace pour juger si leurs visages font bien leur boulot, qui est de communiquer ce qu'ils prétendent ressentir. Le péquin moyen ne s'embête pas avec tout ça, c'est pourquoi il ne communique pas aussi bien, même si ses sentiments sont authentiques. C'est stupide de ma part d'affirmer que : bien sûr, d'ailleurs c'est pour ça qu'on paye les comédiens.

            En résumé : je suppose que vous pourriez considérer mes expressions faciales comme un jeu d'acteur et qu'elles sont donc trompeuses, sauf que ça m'amusais juste de bien montrer ce que je ressentais réellement. Je FIS que mon visage AIT L'AIR de ce que je RESSENTAIS. Ce faisant, je me rendis compte qu'il ne reflétait pas fidèlement mes sentiments. Et puis, faire cela ME fut un terrible excitant visuel.

            Est-ce bidon de devoir devenir acteur pour montrer vos sentiments réels ? Ouh. Oh. Je sens le guillemet qui se pointe...

« Mythe et Vérité sont une seule et même chose... il vous faut simuler la passion pour sentir cela,... l'homme est une créature de cérémonie. »

Sartre, je crois. Je cite de mémoire.

            -*-

            J'ignore ce qui m'a pris ce soir après ma première expérience avec cette nouvelle forme de sexe. Je me sentais très bizarre. J'étais d'humeur érotique, mais je n'avais plus envie de sexe. J'ai fait quelque chose que je n'aurais jamais cru faire : je suis partie chercher le torse de plastique et je me le suis mis. J'ignore pourquoi, c'est un truc tellement anti-érotique à porter.

            D'abord, je me suis douchée, puis j'ai conditionné ma peau, puis j'ai pris le torse et je me le suis cadenassé, bien que ce soit J qui en possède la seule clé. J'ai enfilé un collant anthracite transparent et sans démarcation. Il faut tout prévoir à l'avance pour enfiler cette carapace : je dus mettre les bottes avant le torse, parce qu'une fois dedans je ne peux pas me pencher suffisamment pour pouvoir les enfiler commodément. Puis je me suis assise pendant une heure ou deux, histoire de me maquiller. Je sais bien qu'il eût été plus logique de mettre le torse en dernier, après le maquillage, mais je ne le voulais pas. Je ne sais vraiment pas pourquoi.

            Le maquillage est une occupation rassurante et familière que j'effectue sans penser ; c'est presque une méditation. Je me fis un look aussi artificiel que le plastique qui me recouvrait. Un peu poupée, avec des sourcils très arqués à l'aide d'un trait incisif d'eyeliner ultra-fin (totalement dénués d'expression, j'étais fardée comme une japonaise pour une pièce de kabuki) et les lèvres dessinées en arc de Cupidon. Je me suis même collé des faux-cils, chose que je n'avais pas fait depuis une éternité. Avec une base de maquillage, je rendis ma peau aussi impeccable et lisse que le plastique, et je me revernis même les ongles en noir pour qu'ils s'harmonisent avec le torse. Je mis la touche finale en me plaçant la perruque noire. Le miroir au dessus du lavabo s'ouvre en trois parties de façon à pouvoir se mirer sur trois côtés à la fois. Vue de côté, immobile, j'avais l'air d'un mannequin dans une vitrine, mon maquillage était extrême. Ne me demandez pas pourquoi j'ai fait ça ; je l'ignore. J s'était aperçu que j'étais d'étrange humeur, et il m'avait laissée seule. Il avait même préparé le dîner, chose qu'il fait rarement et seulement par choix délibéré ces jours-ci (c'est-à-dire pendant que nous accomplissons la Colonne Un). D'ordinaire, c'est moi qui cuisine.

            Nous dînâmes en silence. Je n'étais pas furieuse contre lui ou quoi, j'étais juste d'humeur paisible et comme retirée en moi. Il avait l'air fasciné. J'étais assise dans la posture raide qu'impose le torse, mangeant comme un bleu pendant le mois de quarantaine de bizutage dans son école militaire[1]. Il oublia presque de manger lui-même tant il était captivé. Mon attention en fut distraite quelques instants, mais je me retirai en moi et je l'oubliai en mangeant.

            Après le dîner, je me levai pour aller faire la vaisselle et il m'arrêta. Il me dit de me détendre et d'aller bouquiner ou autre ; il me dit qu'il avait envie de faire la vaisselle. Juste pour lui faire savoir que je n'étais pas folle, je lui répondis : « si tu es sûr de bien le vouloir, Maître. » Je me rendis compte avec recul et une quasi-indifférence que le mot en M m'était venu naturellement, sans le moindre vestige de gêne rigolarde de ma part. Il paraissait simplement être le mot juste. Une partie de moi était mollement intéressée par l'observation du fait que ceci m'arrivait, que je pouvais faire référence à J de cette manière sans y penser.

            J'étais à nouveau dans cet état détaché et flottant. Je sentais que rien ne pouvait m'atteindre sans que je le veuille. Peut-être me dissociai-je de la réalité, mais de fait je me sentais bien plus en prise avec tout, mais juste un peu moins concernée par. J'errai sans but dans la maison pendant que J faisait s'entrechoquer les assiettes dans le lointain.

            J'étais debout face au grand miroir de sa chambre quand il en eut fini et qu'il vint se placer derrière moi. Je me dévisageai comme je l'aurais fait avec une étrangère, en me demandant ce que j'aurais pensé de cette étrangère si je l'avais vue attifée ainsi en public. Voyons les choses en face, le seul endroit possible serait dans le spectacle d'un cabaret branché cuir. Insolite, mais sexy.

            J'ai l'air vraiment... enfin... majestueuse... avec le menton tenu si haut. Je suis f o r c é e à la posture d'une reine. Si j'avais ce maintien naturellement, les gens penseraient que je suis incroyablement snob. J'ai l'impression de regarder le monde de haut, ce qui ne correspond pas vraiment à mon modèle, et je n'ai pas encore décidé si j'allais en rester là. Je ne me sens pas ainsi, mais si je m'observe objectivement, c'est ce que je constate.

            Et le plastique luisant est très flatteur, vu par devant. À chaque mouvement, les cadenas cliquètent sur les flancs du torse ; celui qui pend entre mes cuisses est particulièrement sexy. Enfin, il faudrait que vous me voyiez pour saisir ce que je veux dire.

            Je ne peux toujours pas vous dire pourquoi j'ai revêtu cette tenue si singulière. Je suppose que j'avais juste envie de me lancer dans... ça. Une espèce d'impulsion spontanée, presque irréfléchie.

            J'ai du mal à décrire mes sentiments d'alors. Je me faisais pitié. Mon ancienne vie paraissait si lointaine, et j'avais tant perdu. L'Indiana me semblait si loin. Je songeai mollement à claquer des talons trois fois en répétant : « Y a que chez soi qu'on est bien... y a que chez soi qu'on est bien... »

            Je suis navrée, tante Émilie.

            Ils sont tous habillés comme ça dans « Le Magicien d'Oz. »

            Je fais que passer pour reprendre la laisse à Toto.

            Toto, tu peux le garder.

            En temps normal, cette pensée m'aurait fait rire, mais pour une raison X je me complaisais à mariner dans la certitude larmoyante que je ne retournerais jamais chez moi. Du moins métaphoriquement : plus jamais comme c'était, avant.

            Cette pensée pénétra ma cuirasse et une larme solitaire se fraya un chemin sur mon masque maquillé. Je ne ressentais pas d'émotions spécialement fortes ou profondes, en fait c'était comme si quelqu'un d'autre les avait éprouvées à ma place, et que j'avais observé cette personne dans le miroir avec de la curiosité. Comme dit, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Du sentimentalisme puéril, voilà ce que c'était. J'étais là, avec J, surfant sur la Liste, éprouvant la plus profonde expérience sexuelle que j'aurais pu souhaiter, et je me faisais pitié.

            Cette larme eut un effet sur J, il faut dire. Ce n'est pas que j'aie pleuré ou quoi ; ce fut juste une larme. Mon visage était resté de marbre et pas une lèvre n'avait frissonné. (Mes lèvres frémissent pour de bon quand je m'apprête à pleurer.) Pourtant, il s'inquiéta pour moi et sentit qu'il devait faire quelque chose, et donc il me retira le torse. Pleurer signifie beaucoup plus pour les hommes que pour les femmes. Ils se sentent toujours obligés de FAIRE quelque chose. C'est vraiment mignon. Ils ne savent rien à rien.

            Ce fut un vrai soulagement de m'extraire du torse, en fait, même si c'est moi qui me l'étais mis. Je m'installe en quelque sorte à l'intérieur et j'oublie combien c'est plus confortable d'être sans lui. Le soulagement est une surprise, d'une certaine façon. Il me porta dans ma chambre et m'enleva le collant et les bottes et me posa sur le lit. Il me demanda de lui dire si j'avais besoin de quelque chose. C'était un peu après dix heures, et je me sentais lasse, mais je ne pouvais pas dormir. J'entendis J se préparer à aller se coucher.

            Je me levai et je me démaquillai entièrement, j'ôtai la perruque et tout le reste, sauf mes anneaux (je n'ai pas envie que les trous se referment). J'allumai une bougie plutôt que les ampoules (ça paraissait plus adéquat) et j'allai à la chambre de J, où je me tins sur le seuil. Je l'appelai par son nom, faiblement.

            « Maître ? » D'accord, ce n'est pas son nom, mais c'est ce que j'avais dit. Et pas de manière obséquieuse, non plus. Je l'avais dit naturellement, comme s'il s'agissait bien de son nom, et pas d'un titre.

            Il ne dormait pas. Il m'était caché par la pénombre, mais je savais qu'il pouvait me voir, debout dans la lueur de la bougie, aussi nue qu'au jour de ma naissance. Je me sentais comme une fillette qui va voir son père dans la chambre pour être réconfortée après un cauchemar. Il me demanda de le rejoindre au lit, et de rabattre la moustiquaire sur l'alcôve.

            La bougie transformait le lit en petit nid douillet. C'était si joli... Je ne sais même pas si je pourrais expliquer pourquoi j'écris ça. Cela me fit une impression presque similaire à celle que j'avais eue quand il m'avait rasé le crâne. J'avais grand besoin d'être rassurée, sécurisée. Bien entendu, c'est pour ça que j'étais venue, et J l'avait instinctivement deviné. Il me donne presque toujours ce dont j'ai besoin (pas toujours ce dont j'ai envie). Je crois qu'il espérait ma venue. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait. Cette journée avait été fort passionnante. Le sexe était une barrière totalement neuve que nous avions enfoncée, et je suis encore secrètement fière d'être passée à travers et j'attendrais impatiemment que l'occasion se représente. Je ne pense pas que ce fut le meilleur sexe que j'aie eu, mais il était si différent en tant qu'expérience qu'il est question de ne pouvoir comparer une orange et une pomme. C'était bon. Vraiment bon. Je suis heureuse qu'il me l'ait fait faire.

            -*-

            Le lendemain matin, J dut s'absenter. Il me laissa seule à la maison et j'eus toute la matinée à moi. Je pris les pilules bronzantes (je m'assombrissais positivement, et ce dès le troisième traitement, mais je crois que c'est principalement dû à la lotion ; les pilules n'auraient pas encore dû agir, d'après la notice.) et j'ai travaillé à ce récit trois ou quatre heures. J'avais (et j'ai encore) plusieurs jours de retard. Il m'avait laissée sans entraves, sans la moindre contrainte matérielle. Sauf qu'il avait emballé mes perruques et tous mes vêtements - à l'exception de la tenue de harem et de la culotte - dans un petit sac qu'il avait embarqué. Mes cartes de crédit, carnet de chèque et mon livret de caisse d'épargne étaient avec mes autres vêtements. Il me laissa les clés de la voiture, ceci dit. C'est son côté sympa, ça. Où pourrait donc aller une fille chauve en tenue de harem (et même avec une culotte noire par dessous) et sans argent ? Je suppose que j'aurais pu m'envelopper dans un drap et chanter Hare Krishna. Et j'aurais besoin d'un tambourin.

            J'ai fait quelques applications supplémentaires de lait bronzant sur mon cuir chevelu pour tenter d'égaliser la différence de ton entre mon crâne et le reste du corps. J'ai aussi pris un bain de soleil, très prudemment (derrière un écran filtrant.) Comme je l'ai déjà dit, en temps ordinaire j'évite le soleil, mais mon cuir chevelu n'a JAMAIS vu le soleil et il est encore très blanc. Je bronze si facilement qu'en quelques séances d'une dizaine de minutes, ça devrait le faire. Je ne désirais pas vraiment de bronzage, mais c'est une expérience plaisante. J'aurais juste souhaité neutraliser le ton bleuâtre qu'ont les épidermes très pâles, mais je me suis retrouvée avec un bronzage très marqué, soleil ou pas. Enfin, ça ne vous sautera peut-être pas aux yeux, mais de là où je suis assise aujourd'hui... En fait, je suis plutôt mignonne avec un hâle.

            Quand il revint, j'étais en train de soulever des poids sur le banc de musculation, en culotte noire, et j'étais en sueur. Quand sa voiture s'immobilisa, je sortis pour aller à sa rencontre. Il devait y avoir un truc au fait de me voir dégoulinante de sueur et gonflée à bloc qui lui faisait de l'effet : il ouvrit le sac sur le champ et me tendit une perruque. Je me mis à genoux là, sur l'herbe et je lui demandai si j'avais le droit de lui parler.

Je n'apprécie pas d'être libre de partir, et particulièrement avec l'allure que j'ai. Je me demandais des milliers de fois chaque jour « pourquoi tu te tires pas ? » et avant je pouvais toujours répondre « parce que je suis enchaînée là. » Maintenant, la seule réponse que je peux me faire, c'est que je suis bien trop gênée par mon apparence, et que donc je me sens coupable de ne pas partir. La gêne n'est pas une raison assez valable pour rester.

            Agenouillée là, je lui fis un petit speech confus dans lequel je lui disais que je n'aimais pas mon nouveau statut de déchaînée. Je pensais qu'il m'octroyait trop de liberté, et je lui évoquai mes craintes qu'il veuille en finir avec la Liste et peut-être même avec notre relation et est-ce qu'il en avait marre de moi ?

            Il me répliqua qu'il ne m'avait pas déchaînée pour m'accorder plus de liberté. Il me sentait encore plus contrainte qu'avant, même si c'était la gêne et non les chaînes qui me retenaient ici. Il a raison, là encore.

            Il m'avait ramené un coupon de mousseline transparente et il me demanda de m'en confectionner une robe. Plus tard, je bricolai à la hâte une sorte de robe de moine (est-ce que les moines portent des robes, ou c'est juste les nonnes ?) avec un capuchon et de longues manches à gros revers. Transparente, ce qui la rend nettement moins chaste que la robe d'un moine ordinaire. Il voulait que rien ne vienne obstruer la vue, je ne pouvais donc pas l'enrouler autour de moi comme un peignoir. Il avait envie d'un fourreau boutonné. J'avais seulement quatre boutons dépareillés dans ma boîte à couture, alors je les ai utilisés. Mais c'est la chose la plus confortable que je puisse porter à la maison quand il est parti. Je me sens habillée, en quelque sorte.

            Il me fit un cadeau avant le dîner, ce soir-là. Ils les avait faites faire par un bijoutier, en ville. Je ne sais pas comment les appeler. Des cages à tétons ? Imaginez une cage conique en fil d'argent. À la base, le cône est un cercle d'argent du diamètre de mes aréoles. Il en émane une série de fils arqués soutenant un crochet minuscule qui pend au dedans depuis sommet du cône. Elles sont filigranées à l'endroit où les arcs-boutants sont reliés à l'embase. Avec sa base reposant sur mes aréoles, mes anneaux sont maintenus érigés dans les cages coniques. Elles sont ravissantes avec les grenats pendants tout au bout, et la sensation est exquise, à petites doses. Je m'inquiète qu'elles puissent me causer quelque dommage s'il me les laisse trop longtemps. Peut-être faire pointer un de mes tétons à l'extérieur pour toujours. Ce serait merveilleux si je pouvais être sûre que les deux se retournent, mais je préfèrerai tout de même être symétriquement inversée que d'en avoir un qui pointe et l'autre pas.

            Mais elles sont mignonnes. Peut-être bien que Jennifer, la fondatrice derec.arts.bodyart, va lire ça et qu'elle fera un commentaire sur les premières pastilles orthopédiques pour seins, modèle strip-tease. Il m'offrit aussi une paire de grelots minuscules,. En fait ils ne sont pas si minuscules que ça, ils en ont juste l'air. Ils sont vraiment étonnants et je n'ai pas la moindre idée de leur fonctionnement. Ce sont de petites sphères très légères de deux centimètres de diamètre. Elles émettent un petit carillon cristallin au moindre mouvement, même en les tenant simplement entre les doigts. Le plus étonnant est qu'on ne parvient pas à assourdir le carillonnement en les touchant. Ils n'ont ni ouverture ni soudure. Ils sont un mystère pour moi, mais il les avait superglué aux pendentifs à la place des perles et ils sont désormais suspendus à mes anneaux. Ils sont tout à fait charmants. C'est une nouveauté nommée « grelots de fées » ou quelque chose dans le genre. Donc maintenant, je tintinnabule.

            J'ai porté les grelots au bout des cages à tétons pendant tout le dîner. Gling, gling.

 

Après le dîner, j'essayai quelque chose d'autre, une chose que j'avais envie de faire avant que le lait bronzant ne m'ait trop modifiée. En réalité, j'étais probablement anormalement pâle avant, mais quoi qu'il en soit. J'avais une coloration à peu près dans la moyenne, à ce moment-là.

            J'essayai un nouveau concept de maquillage. Je me peignis de grands yeux artificiels de 'baby doll' sur les paupières, avec de longs faux-cils collés sur mes paupières supérieures, et d'autres cils peints sur les inférieures, avec des sourcils comme dans les années 30 (j'ai essayé toutes sortes de sourcils : simples et droits, surpris, peinés, sans émotion, brisés comme M. Spock ainsi que ceux, très épais, de Mariel Hemingway). Je me suis aussi dessinée de très artificielles lèvres arquées et j'ai sur-rougi mes joues. Avec les yeux clos, j'avais l'air d'une poupée de chiffons aux yeux grands ouverts. Je me couvris les mamelons et le nombril de pansement chirurgical (celui qui ressemble à du papier de soie) que je recouvris de base de maquillage, pour qu'il se fonde avec ma peau. Je me donnai d'aussi près que possible l'allure d'un mannequin. Sans mamelons, sans nombril, sans expression. Perruque blonde.

            Quand je sortis de la salle de bains, il ne regardait pas dans ma direction, alors je me tins debout, plantée comme un poteau, dans une pose de grand magasin avec les yeux fermés et les mains posées sur le dossier du sofa pour garder l'équilibre. J'étais tout à fait dénudée. Je ne sais pas quelle fut sa réaction, s'il était choqué ou quoi. Je suis prête à parier que j'avais l'air d'un mannequin. Il ne dit rien.

            Mais il fit quelque chose. À moi.

            Il m'amena à la salle de bains et me fit asseoir à la coiffeuse et il me démaquilla le visage. Puis il me mit debout face à la grande glace avec mes poignets s a n g lés au dessus de la tête. J'ai tout d'abord pensé qu'il n'avait pas aimé ce que j'avais fait et qu'il allait me punir pour cela, mais j'avais tort. Il prit du pansement chirurgical et en appliqua sur mes lèvres d'en bas, recouvrant mon sexe en entier. Il étala du fond de teint dessus et sur la peau tout autour ; j'étais déjà épilée là en bas, mais il fit comme si je n'avais pas de sexe non plus.

            « Qu'est-ce que tu vas me faire ? » lui demandais-je. Cette question était presque devenue une formule entre nous. Quelle que soit ma nervosité à l'égard de ce qu'il s'apprête me faire, je ne suis pas supposée la poser, et je le fais quand même, systématiquement, et sa réponse est systématiquement disciplinaire.

            Cette fois-ci, ce fut du ruban adhésif sur ma bouche. Solidement collé sur ma bouche. J'essayai d'ouvrir mes lèvres, et je pouvais pas. Je le regardais découper de petits morceaux de ruban ovales, qu'il posa sur mes yeux clos, l'un après l'autre. Il fut suffisamment prévenant pour penser à protéger mes cils avec un bout de kleenex, mais mes yeux furent eux aussi hermétiquement clos. Puis il me remit du maquillage par dessus les pansements (Je m'en rendis compte plus tard en ôtant le tout et en me démaquillant) : des sourcils arqués, de grands yeux de baby-doll avec des faux-cils, c'était la totale.

            Il m'enfonça des boules Quies dans les oreilles. Il ne me restait plus que deux sens en fonction : le toucher et l'odorat. Il me mit une goutte d'essence de santal sur chaque épaule et aussi sur le ruban de mon visage, et pendant quelques heures, c'est tout ce que j'ai senti.

            Quand il me décrocha du plafond, j'étais complètement désorientée, et je serais tombée s'il ne m'avais pas soutenu. Je me sentais toute bizarre. Il me mit sur le lit avec les poignets s a n g lés ensemble à la tête du lit. J'aurais pu enlever les pansements de mon visage s'il ne m'avais pas surveillée, mais il avait largement l'avantage. Quand je tentai d'atteindre mon visage avec les mains, il me tira sur les chevilles jusqu'à ce mes bras soient bien tendus au dessus de ma tête.

            Puis il me fit l'amour. Je tournai ma face aveuglée de tous côtés, en essayant d'imaginer ce qu'il allait faire ensuite, mais il n'était pas arrivé au bout des surprises qu'il me réservait. Pour les préliminaires, il se servit de glaçons à demi-fondus, de plumes, de pinces à linge, un coup de lacet de cuir par ci, par là (je sais que vous n'appelez pas ça un fouet, vous autres hardeux de l'ASB, mais pour moi c'était la première fois, et ça me fit mal surtout parce j'ignorais ce que c'était et à cause de la surprise de ne pas savoir ce qui allait venir ensuite, ou quand). Je criai plusieurs fois sous le ruban. À chaque fois, je fus récompensée d'un baiser amoureux sur l'endroit meurtri, ou d'un glaçon frotté.

            Il m'ôta les pansements des tétons. Lentement. C'était atroce. Puis de mes lèvres inférieures. Pareil. J'étais déjà bien excitée à ce moment-là. Je peux seulement m'imaginer de quoi j'avais l'air. Plus tard, quand j'enlevai le pansement du premier œil, je réalisai que j'avais dû avoir une apparence insipide, hébétée et vide d'expression, quoi que j'aie pu ressentir derrière ce masque.

            Quelques préludes supplémentaires aux glaçons sur mes seins et mes lèvres d'en bas. Pendant mon deuxième orgasme (presque toujours le meilleur) il m'avait mise à plat ventre et m'avait inséré un glaçon dans le derrière. J'étais dans un état trop avancé pour pouvoir protester, mais ce fut un orgasme fabuleux que ce deuxième, qui se mua en un plateau duquel se déclencha le troisième. Je ne sais pas comment tourner ça, mais c'était comme un orgasme par dessus (ajouté à ?) un orgasme plutôt que deux d'affilée.

            Je sais, les glaçons sont sans doute un truc fade pour vous autres. C'était nouveau pour moi. Je réalise maintenant (après avoir lu les messages d'ASB) que cette Liste tout entière doit apparaître comme les tâtonnements novices d'un couple de puceaux. Particulièrement pour le mec qui se balade avec des punaises plantées partout sur lui. Yaouh. Je me sens plus qu'un peu gênée à l'idée que vous pourriez éventuellement lire cela, non pas tant à cause de la honte de ce que nous avons fait, que parce nous sommes d'incurables sentimentaux à la vanille. C'est clairement du bondage et rien d'autre, et puis est-ce que ça peut exister, du bondage à la vanille ? Je n'ai jamais vraiment eu mal (si ce n'est avec ce bâillon m o r t el). La fessée fait partie de la Liste, mais je ne crois pas que J ait plus envie que ça de m'infliger de la douleur, pas plus que j'ai envie d'en faire l'expérience. Et puis, la fessée n'est pas très douloureuse non plus. Je suis passée tout prêt de trucs plus sérieux, hier. J'ai eu très peur. J'y viens.

            -*-

            Nous fîmes l'amour dans la nuit qui s'ensuivit, après ce qui dut être la plus étrange et inouïe des conversations. Je vais tenter de la reconstituer.

            Sur ses ordres, je m'étais préparée comme il faut, avec douche, rasage, conditionneur, maquillage, perruque, etc. , bracelets de cuir et collier en prime.

            Maintenant, ne vous faites pas d'idées fausses quand je vous raconte tout ça, parce je déteste toujours avoir le crâne rasé, mais c'est fait et ça ne peut se défaire sinon avec des mois de patience. Continuer de me raser le crâne ne fait que retarder la repousse d'un jour de plus, ça n'a donc pas beaucoup d'importance. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je ne suis ni trop logique, ni trop insensible. Je suis très sensible sur ce point. Si je pouvais ravoir mes cheveux tout de suite, je n'hésiterai pas, Liste ou pas Liste. Mais c'est impossible, alors je dois expérimenter cette nouvelle apparence quelques jours à peine avant la fin de la Colonne Un et que je puisse les laisser repousser. Or donc, ce que j'essaye de vous faire passer, c'est que ce fut une expérience érotique que de me raser. Ça l'est encore. Après une douche, je me rasai les jambes et les aisselles (qui n'avaient pas besoin d'être épilées). Puis je recouvris mon cuir chevelu d'une mousse à raser bien crémeuse, ce qui me donna l'air d'avoir de tout petits cheveux blancs. Je me « révélai » avec le rasoir. Ne me demandez pas. Je ne peux pas expliquer. En relisant ce dernier paragraphe, je me rends compte qu'il ne parvient pas à capturer l'érotisme contenu dans le fait de devenir aussi extrêmement dénudée, mais pour moi il s'agit bel et bien d'un processus érotique.

            Enfin bon. Retour au récit.

            Il avait allumé deux bougies dans l'alcôve et il m'attendait. D'emblée il entama les préliminaires. Je ne parvins pas à entrer dans le jeu, même si me préparer au sexe est toujours excitant pour moi. L'expectative fait la moitié du job. Je n'aime pas la spontanéité. Les surprises, oui, mais il faut que je sache qu'il les a préméditées bien à l'avance et qu'il ait prévu les choses qu'il me fait. J'aime à ce que ma spontanéité soit bien planifiée.

            Mais je n'arrivais pas à me couler dans les préliminaires. Le pire, c'est que je le savais et que lui, il avait l'air de souhaiter que je sois en mauvaise posture. Ça le ravissait même, je crois.

            « C'est quoi, le problème ? » demanda-t-il. Il arborait ce sourire plein de suffisance qui proclamait : « je connais déjà la réponse. » Je déteste ce sourire.

            « Je ne sais pas, Maître, » lui-dis-je, tout en sachant pertinemment.

            « Je crois que tu le sais, » dit-il, sachant pertinemment que je savais.

            « Non, vraiment pas... » lui dis-je, prétendant que nul ne savait rien.

            « Pourquoi as-tu mis le collier et les bracelets ? » me demanda-t-il. Bonne question.

            « Je pensais que tu aurais voulu t'en servir... ? » Réponse stupide.

            Il se contenta de me regarder.

            « Est-ce que tu voudrais que je mette quelque chose d'autre ? » demandais-je, en essayant de changer de sujet. Question stupide.

            Il ne fit que continuer à me fixer. Je pataugeais. Je voyais bien qu'il ne me croyait pas.

            « Tu voulais être attachée. Admets-le. »

            « Non ! pas du tout ! je ne sais pas ce qui se passe avec moi ce soir, » protestais-je. « ...Maître, » ajoutais-je. « Je ne peux tout simplement pas... »

            « Tu ne peux tout simplement pas entrer dans le jeu parce que c'est du 'sexe à la vanille,' dit-il. « Admets-le. »

            Bien entendu, c'était vrai, mais je ne pouvais l'admettre. Je pensais que ça gâcherait tout si j'admettais quelque chose que j'étais supposée combattre à tout bout de champ et d'un bout à l'autre. Ça enlève un des ingrédients les plus essentiels du bondage, si vous ne luttez pas contre, et vous ne pouvez pas lutter contre si vous admettez que vous le désirez tout spécialement pour vous-même. Vous pouvez, vous ?

            « Nous sommes arrivés à une étape importante et tu ne l'as même pas encore réalisé, » dit-il. « L'illusion que tu me résistes est ta dernière feuille de vigne. Je n'ai pas l'intention de t'autoriser à conserver ce lambeau de dignité. Ce soir, je te ferais admettre que tu as envie de tout ce que je te fais. Je te ferais même mendier pour en avoir plus. Tu vas abandonner de ton plein gré l'illusion même de la résistance.

            M'inspirant de ma fine maîtrise de la langue anglaise, je ne dis rien.

            Il fit apparaître ce merveilleux petit vibromasseur et me l'installa, et il enchaîna mes poignets aux pieds du lit. Alors que je me tortillais, il fit passer des cordes à travers les anneaux du plafond et il tira mes chevilles très haut en l'air, et très écartées. Mon derrière décollait presque du matelas. Il se mit à l'œuvre avec un autre vibromasseur lubrifié, me travaillant d'abord de ses doigts dans mon ouverture, jusqu'à ce que je fusse assez détendue pour être en mesure de l'accepter. Avec rien sur quoi m'appuyer, il m'était difficile de me stimuler seule. Mon agitation se fit de plus en plus frénétique. Je me souviens avoir pensé que ce n'est pas comme ça qu'on aurait pu m'arracher des aveux. Je chauffais, je chauffais. Il poussa sur le vibromasseur pour m'aider à me rapprocher de l'orgasme. Il me surveillait de très près, alternant pressions et attentes. J'était tout près de jouir. J'étais à deux doigts, haletante, me soulevant avec peine. Mes cuisses tremblaient, je tirais dessus très fort pour tenter de jouir.

            « Je ne te laisserai pas avoir d'orgasme avant que tu ne m'en supplie, » dit-il. Il prit un petit flacon et me le montra. « c'est un anesthésique oral. Pas du clou de girofle, de la benzocaïne. L'effet ne dure que quelques minutes. À chaque fois que tu seras prête à jouir, je t'en remettrai. » Il s'agissait du même anesthésique que j'avais déjà utilisé (il y a des lustres) pour supprimer mon haut-le-cœur. Je savais qu'il ferait merveille sur les membranes sensibles où il avait l'intention d'en mettre.

            Je fus consternée en le voyant m'enlever le vibromasseur puis en étaler une noix sur mon clitoris. Il le fit pénétrer en le massant, et en rajouta une bonne dose sur mes lèvres. Après quelques applications, je ne sentais presque plus quand il me touchait. En me soulevant la tête, je pouvais tout juste apercevoir le dessus de mes lèvres qui dépassait. Elles sont enflées quand je suis excitée. En fait, elles étaient engorgées et dégoulinantes. Je sentais réellement un filet humide me couler entre les jambes. Mais je ne sentais pas mon clitoris ; je ne sentais rien du tout. Je le vis me remettre le vibromasseur entre mes lèvres engourdies. Il l'appuya fermement, et j'en ressentis la vibration dans mes hanches, mais j'étais trop insensibilisée pour sentir le vibromasseur lui-même. Il ne me lâchait pas des yeux. Je haletais encore, toujours surexcitée, mais gémissant de déception à chaque fois que je m'eff o r ç a is à retendre vers cette lisière... Quelques minutes plus tard, il prit un gant de toilette pour m'essuyer le clitoris, mais j'étais toujours engourdie.

            « Je peux continuer comme ça toute la nuit, » dit-il. « Ou bien, je pourrais te rincer l'anesthésique, te bâillonner et te bander les yeux, et ensuite te suspendre, attachée au plafond. Qu'est-ce que tu préfères ? »

            « Au plafond ? » dis-je.

            « Lève les yeux. Tu vois les anneaux que j'ai rajoutés ? »

            Je les vis. Il y avait plusieurs anneaux de plus au plafond. Je les avais déjà remarqués.

            « Je te mettrais dans un harnais, un que tu n'as pas encore vu, les yeux bandés, bâillonnée, et écartelée. Et tu ne pourras rien faire pour m'empêcher de te faire jouir autant de fois que j'en aurais envie.

            « Mais il te faudra supplier pour ça. Il te faudra me convaincre que tu le veux vraiment. »

            Il appuyait toujours sur le vibromasseur. Je commençais à le percevoir à nouveau. Je tentai de m'empêcher de réagir : je pourrais peut-être dérober un orgasme en douce. Je n'étais pas encore tout à fait prête, mais je voyais l'orgasme pointer son museau à l'horizon, lorsqu'il le retira, soudainement. J'eus presque un choc quand la vibration s'arrêta. Puis il le remit. Il lui fallut une bonne demi-heure pour que je parvienne de nouveau à la frontière. Il me laissa me débattre et trembloter un autre quart d'heure, me laissant à peine récupérer pour que je ne m'épuise pas, mais pas suffisamment non plus pour me laisser refroidir.

            « D'accord ! » dis-je, finalement, au moment précis où il allait rouvrir le flacon pour une seconde dose. J'en avais bien assez.

            « D'accord quoi ? » dit-il.

            « Tu as gagné, » lâchais-je, maussade, « tu avais (pfouh) raison. »

            « À propos de quoi ? »

            « De moi, » dis-je. Pfouh, pfouh.

            « Dis-le. »

            (Pfouh-pfouh, je me calme un peu) « Je veux être attachée, » dis-je platement. « Ça me fait décoller au quart de tour. » C'était pas convaincant, même pour moi. Il est plus facile de dire une vérité sans conviction qu'un mensonge convainquant. Ça ne vous est jamais arrivé, de dire une vérité de manière peu convaincante parce que vous n'aviez pas envie qu'on y croie ? Même si c'était vrai, je ne pouvais pas me f o r c e r à dire la vérité, ainsi ma réponse sonna comme si je l'avais lue sur un prompteur. Ça ne me dérangeait pas qu'il sache que j'aime le bondage, je pensais juste que c'était dégradant d'avoir à le lui dire.

            « C'est pas assez bien. »

            « Je t'en supplie ! Qu'est-ce que tu veux de plus ? Je l'ai admis ! »

            « L'admettre ne suffit pas. »

            « Mais c'est de la t o r t u r e , » me lamentai-je.

            « Ça te fait mal ? »

            « Oui ! Non ! Je ne sais pas ce que tu veux ! »

            « Je veux en être convaincu. Si c'est vrai, convaincs-moi. Si c'est le contraire, dis-le et j'arrêterai tout, je te libèrerai et je t'installerai dans un bon lit tout chaud. »

            « Mais j'ai dit que c'était vrai ! Qu'est-ce que... oh ! non... ! » Mon objection se mua en plainte lugubre quand il me rajouta du produit.

            « Maintenant, on va attendre que ça agisse, » dit-il.

            [Addenda de la rédaction : en fait il ne m'en avait pas remis, il me l'avait juste fait croire. Il m'avait dit, après avoir relu ma copie, que plutôt que d'attendre que ça agisse, il attendait que je m'apaise un peu. Il me fit le coup plusieurs fois d'affilée, en simulant mes anesthésies : des fois il le fit pour de bon, des fois non (je crois) ; il ne me dira jamais s'il l'a fait ou pas. C'est réellement le pouvoir de suggestion qui me fit de l'effet. Ça, et un peu de benzocaïne. Je soupçonne que c'est juste une autre façon de me niquer la tête. Enfin bon, le cerveau étant mon deuxième organe favori.]

            Donc je pleurai de frustration en me tortillant, tout en m'engourdissant à nouveau. Et une troisième, et une quatrième. À chaque fois, en se servant des deux vibromasseurs alternativement et de concert, il m'amenait aux confins de l'orgasme et à chaque fois il me ramenait en arrière. À la dernière, j'étais en sueur. Le lit était trempé, et ma perruque était tombée. Les yeux me piquaient à cause du sel et du maquillage. Je ne me souviens plus les mots exacts que j'ai prononcés pour achever de le convaincre, mais ils venaient du fond du cœur, à la fin. Je mendiai, littéralement. Si j'avais pu me mettre à genoux et baiser ses pieds pour lui prouver que j'étais sincère, je n'aurais pas hésité. Je voulais être soulagée de cette t o r t u r e . Je voulais que ça cesse et je voulais un orgasme. Je l'avais mérité. Comme je l'ai déjà dit, ça ne sera peut-être pas une transcription exacte :

            « Je t'en supplie ! Assez ! » me lamentai-je. Je croyais avoir été éreintée après la première dose, mais là j'en avais eu quatre. « Je ferais tout ce que tu voudras ! Tu as raison ! Je veux être attachée ! J'en ai besoin ! Je veux être utilisée ! Je veux être remplie jusqu'à en déborder ! Je n'ai même pas ENVIE d'un orgasme, sauf si tu m'obliges à l'avoir. Je ne peux pas... J'en ai besoin comme ça, pas autrement. J'ai besoin d'avoir les yeux bandés et d'être bâillonnée ! S'il te plaît ! Je t'en supplie ! » Et ainsi de suite, le tout entrecoupé de tonnes de larmes et de soupirs déchirants. De fait, même si je ne voudrais pas que vous pensiez que je n'étais pas incohérente (c'est-à-dire ?), je ne parviens pas vraiment à me rappeler ce que j'ai dit. Quoi qu'il en fut, cela le convainquit de ma sincérité : soit j'en étais arrivée au point de vouloir sincèrement qu'il s'arrête sans même me faire jouir, soit j'en voulais si ardemment que j'aurais pu dire n'importe quoi, ou bien je lui avais vraiment dit la vérité fondamentale sur mon inclination envers le bondage plutôt que pour le sexe normal. Il ne pouvait pas savoir. En fait, c'était les trois.

            Enfin, il me libéra. Plutôt que de me suspendre comme il l'avait prévu ou de m'accorder l'orgasme promis, il me demanda de m'agenouiller sur le lit pendant qu'il se déshabillait (j'avais toujours les vibromasseurs en moi) et de le prendre dans ma bouche. Après quelques faux-départs, je pus me le fourrer jusqu'au fond de la gorge sans m'étrangler. Je me débrouille assez bien, maintenant. Le vibromasseur arrière avait tendance à glisser tout doucement au dehors quand je me remuai sur lui, et il me demanda de les maintenir en moi tous les deux pendant que je l'amenai de plus en plus près de l'orgasme. Je n'arrive pas encore à jouir aisément quand je suis à genoux. Ça m'est d'un grand secours que de pouvoir m'étirer les jambes, mais je ne le pouvais pas.

            Il a joui dans ma bouche. Il l'avait déjà fait auparavant, ce mois-ci, mais pas en étant planté si profondément dans ma gorge. La première giclée éclata tout au fond de ma gorge et je l'avalai par réflexe. Je gardai le reste en bouche. Il ne m'avait jamais demandé de l'avaler, mais je gardai le reste en bouche. Il ne m'avait même jamais demandé de l'avaler, mais depuis quelques semaines je m'étais accoutumée au concept et au goût. Je levai les yeux sur lui pour voir sa réaction, (lever les yeux constituait une infraction délibérée au règlement, mais qu'avais-je à y perdre ?) et j'avalai. Il ne me dit rien, mais je savais qu'il savait. J'abaissai les yeux à nouveau. Je me figurais que ça me ferait grimper un chouia dans son hit-parade.

            Je fus incapable d'y croire à ce moment-là, mais il me fit attendre LE JOUR SUIVANT pour mon orgasme. Il aurait pu me faire l'amour à la va-vite, ou se servir du vibromasseur, mais il me fit attendre le matin suivant. J'étais agenouillée devant lui après l'avoir sucé, quand il se pencha par dessus moi pour m'ôter le vibromasseur du derrière. Il me demanda de m'allonger sur le dos, puis il me retira l'autre. J'étais TELLEMENT certaine qu'il allait m'offrir un orgasme, alors... mais il ne le fit pas. Il me dit qu'il me faudrait patienter jusqu'au lendemain. Mes lèvres d'en bas étaient enflées et mon bassin tout entier était congestionné et mal à l'aise. Il attendit en m'observant alors que je me préparais pour la nuit ; ensuite il m'attacha, les mains reliées à une longue chaîne rivée à la tête du lit, et une cheville à son pied. Je pouvais presque (mais pas tout à fait) abaisser mes bras jusqu'à ma taille en me poussant d'une jambe vers le haut. J'ai essayé ça pendant qu'il dormait. Je passais une nuit assez pitoyable, bien que nous soyons couchés tôt et que je parvinsse toutefois à m'endormir, en fin de compte. Le lendemain, il me réveilla bien avant l'aube.

 

LA LISTE (SUITE 10 )

J'avais eu le temps de redescendre, mais il me laissa des ordres avant de partir au travail afin que je me prépare pour lui. Vous connaissez le programme. Douche, rasage, conditionneur, maquillage, etc. Cette fois, cependant, pas de vêtements. Pas un fil. À partir de cinq heures et demi, j'attendis en lisant, dans le salon.

            Il m'amena dans la chambre pratiquement à la minute où il revint à la maison et commença d'emblée à me passer des s a n g les et des ceintures et d'autres entraves un peu partout. Il me lia une s a n g le autour de chaque bras, au dessus du coude, et relia mon poignet droit à mon coude gauche dans le dos, et vice versa. Il en résulta une collection ahurissante de s a n g les autour des chevilles (tenues à un mètre d'écart l'une de l'autre par une barre attachée à mes bracelets de chevilles), des cuisses (du haut en bas), et du cou (un collier haut et rigide avec trois boucles à l'arrière). Il y avait des s a n g les autour de ma poitrine, au dessus et en dessous des seins, une très large autour de la taille, et deux autres partant du devant de la ceinture (exposant mon sexe) et passant par l'entrejambe pour se réunir en une seule courroie très large qui se bouclait au dos de la ceinture... mais seulement après qu'il m'eut placé un autre engin dans le derrière. C'était une surprise. Il me fallut un bon moment avant de réaliser de quoi il s'agissait.

            Avant de boucler l'arrière de la ceinture, il me demanda de m'asseoir sur le lit. Il me retourna sur le ventre et me souleva pour me mettre à genoux avec le visage et les épaules reposant sur le lit et mes fesses en l'air, les jambes écartées par la barre d'entre mes chevilles. Avec les bras dans le dos, il n'y avait pas grand-chose que je puisse faire pour résister. Il n'y eut aucun prélude. Il se contenta de se lubrifier les doigts et commença à m'assouplir, pour me préparer à quelque chose. Quand je vis de quoi il s'agissait, je fus consternée.

            « Qu'est-ce que c'est que ça ?! Qu'est-ce que tu vas me faire ? » Les machins-choses me rendent nerveuse, particulièrement si je ne sais pas à quoi ils vont servir.

            « C'est sur la Liste, » dit-il. « Fais moi confiance. » Bon, d'accord, c'est sur la Liste, mais seulement d'un point de vue technique.

            Le 'cheval' était aussi sur la Liste : deux godemichés en même temps. C'était étirer les buts de la Liste jusqu'à l'extrême limite. Je n'arrivais à me décider entre pile ou face, au sujet de ce truc. Ça ressemblait à un très large préservatif se terminant par un tuyau en caoutchouc de faible diamètre.

            « Mais, Maître, si tu le veux bien, je ne me souviens pas de quelque chose comme... »

            Il me bâillonna. Là, ce ne fut pas avec l'horrible boule de caoutchouc, mais c'était tout de même un bâillon. C'était une espèce d'anneau qui se fourrait en bouche, maintenu par une s a n g le sur la nuque. L'anneau me maintenait la bouche ouverte... c'est tout, il me la maintenait ouverte. Ça paraît innocent, mais je ne pouvais émettre le moindre son intelligible pour sauver ma vie. C'était humiliant. Et je devais avoir l'air d'une gogole baveuse avec ma bouche béante.

            Pourtant, je me détendis un peu. Il ne m'aurait pas bâillonnée s'il allait me faire une chose qui aurait requis un retour de ma part pour m'éviter de souffrir. Il m'inséra l'espèce de capote dans le derrière en la poussant doucement, mais entièrement, à l'aide de ses doigts... après ça, j'avais un tuyau qui pendait hors de moi. Il boucla la courroie d'entrejambe de la 'ceinture de chasteté' (ceinture d'inchasteté ?) dans le dos, en me maintenant ÇA (dans une petite minute, je vous dirai ce qu'était ÇA) en moi.

            Puis il me banda les yeux et entama son show. J'étais déjà ficelée comme un rôti, sur le lit, mais il attacha encore d'autres cordes aux anneaux du harnais de cuir dans lequel je me trouvais. Très vite, je me sentis hissée : d'abord ce furent mes pieds qui s'élevèrent. Puis les épaules et la ceinture. Petit à petit, il souleva les différentes parties de mon corps  entes parties de mon corps. ais. _______________________________________________________________au dessus du lit jusqu'à ce que je me retrouve accrochée, suspendue, comme une espèce de marionnette à l'horizontale. J'étais totalement désorientée, quoique sûre du fait que ma tête ait été plus haut perchée que mes pieds, et je sus que mes jambes étaient toujours aussi largement écartées, même lorsqu'il ôta la barre de mes chevilles.

            J'étais soutenue de partout. Il n'existait aucun point d'appui réel, et je n'étais comprimée nulle part. L'appareil qu'il m'avait introduit par derrière se manifesta, apparemment de lui-même.

            J'agitai ma tête aveuglée dans tous les sens. « Ah ah oh oh ! » émis-je. Ha-ha. Très drôle, je sais, sauf que vous tentez désespérément de demander « qu'est-ce que tu fais ? » sans pouvoir fermer la bouche. Ça me faisait TRÈS bizarre là en bas. La sensation était d'être remplie, mais de l'intérieur. C'était une sensation douillette, bien qu'assez curieusement familière. Quand je me rendis compte de ce qu'il s'agissait, je réalisai qu'il emplissait la capote en moi avec de l'eau chaude, par le biais du tuyau de caoutchouc. La sensation de remplissage augmenta (et augmenta, et augmenta). Je me sentis bien plus pleine qu'avec tout ce qui avait pu se trouver là auparavant. Bourrée, de fait. Pas étirée comme un godemiché l'aurait pu faire, mais pleine. Mon souffle et mon cœur s'accélérèrent. Je crois qu'on appelle ça un godemiché hydraulique, en termes techniques.

            Entre-temps, je le sentis me poser les cages à tétons. C'est une sensation très délicieuse.

            Puis il entra en moi. Je sentais ses mains sur mes hanches, qui me stabilisaient. Il se tenait debout sur le futon, entre mes jambes. Je le sentis se balancer doucement en moi plutôt que d'exercer une poussée brute. Peut-être un peu des deux. Je me sentais flotter pour de bon au dessus du lit. Flottante et pleine. (Va-t-elle résister à la tentation, vous vous demandez.) Je crois que non :

            Flottante, pleine, et enc**ée. Hé hé.

            Est-ce donc la première fois que je me sers du mot E ? Honte à moi. Il sera probablement censuré. Si vous vous êtes connectés depuis la Californie, il y a des chances pour que ce soit censuré en cours de route, en traversant le Middle West. Ils ont des filtres sur les lignes téléphoniques dans certains comtés.

            Je ne vais pas vous ennuyer avec la suite. J'ai eu plusieurs orgasmes et j'avais perdu tout sens de l'orientation. J'étais en apesanteur, en quelque sorte. La chose la plus intéressante était d'être libre de bouger dans toutes les directions de l'espace tout en étant contrainte. Suspendue et libre, incapable de toucher quoi que ce soit, mais une fois de plus impeccablement prise au piège. Comme une mouche dans une toile d'araignée. Je ne pouvais pas me faire de mal, quoi que je fasse. Et j'aimais la sensation d'être pleine... quoique ce fût un peu bizarre pour moi de cette manière-là. Il me draina, me libéra, et ce fut tout. Désolée d'être brève à ce propos, mais je n'ai pas envie de m'appesantir là-dessus... et puis vous devez probablement en avoir marre du sexe gratuit, non ?

            Nous avons parlé de ça après coup, et je découvris qu'il avait songé à me laisser la capote en moi. J'en fus terrifiée... il ignorait donc que les tortues de mer meurent ainsi ? Le système digestif obturé par des ballons de baudruche ? Il avait passé un élastique autour de la capote pour y fixer le tuyau, mais en plus, par sécurité, il avait noué une ficelle sous l'élastique de façon à ce que la capote ne puisse pas se perdre en moi, même si elle avait glissé du tuyau.

            Puis il lui était venu à l'esprit que si le tuyau était délibérément retiré, l'élastique refermerait la capote et je serais toujours implacablement remplie, sans toutefois pouvoir l'expulser ; une simple traction sur l'élastique l'aurait suffisamment exposée pour qu'il puisse l'éclater à l'aide d'une aiguille. Ce que je n'aurais pas pu faire moi-même tant que mes mains ne seraient pas libres. Futé, futé. Un peu technique, à mon goût. Je suis contente qu'il ne m'ait pas fait. Je pense qu'il s'est (parfaitement) rendu compte que ce qu'il m'avait fait était suffisamment bizarre, même, si par un hasard étrange, les journaux faisaient leurs gros titres sur la Semaine Nationale du Préservatif...

            S'ensuit une petite frime que vous ne voudrez certainement pas louper...

            Mais je dus lui dire (sous la coercition) que je désirais être remplie ; je peux donc difficilement le blâmer d'être bizarre. Et pourtant, c'était bel et bien bizarre. Mais qui suis-je pour pouvoir critiquer quiconque pour des pratiques peu naturelles. Et puis non, ce n'aurait pas été plus « naturel » s'il s'était agi d'une capote en intestin d'agneau. En dépit de ce qu'annonce l'emballage. Plus naturel, hah. Pour certains mecs dans certaines régions du Tennessee et de la Virginie Occidentale, éventuellement. Donnez-moi de l'artificiel au quotidien.

            Moins d'une semaine encore et le mois assigné pour mon tour en tant qu'esclave et lui Maître sera révolu.

            -*-

            Il s'est mis à pleuvoir des cordes pendant que j'écrivais le paragraphe précédent. Je suis sortie et je me suis mise debout sous la pluie, sans raison. Vous savez, une de ces averses tropicales qui vous tombent tout droit dessus avec les arbres qui se courbent sous le poids de l'eau. La robe de mousseline s'est plaquée sur ma peau. Bonne excuse pour une douche chaude et un bonne dose de conditionneur, suivi d'une tasse de thé dans ma robe, tiède encore du sèche-linge. Le luxe.

            Il a beaucoup plu, ce printemps-ci. Les plantes du jardin apprécient.

 

 

J'en suis toujours à rattr a p e r le retard des derniers paragraphes. Il était en congés, la semaine dernière, nous avons donc passé beaucoup de temps ensemble et je n'ai pas pu écrire. Depuis lundi qu'il est de retour au travail, j'ai pu transcrire tous les événements de la semaine passée. Aujourd'hui, c'est mercredi, et demain soir marquera la fin de mon mois. Ou de son mois, ça dépend comment on se place.

            Hier (mardi) je lui ai demandé si nous pouvions prolonger pendant quelque temps. J'avais été « soumise » depuis un mois maintenant, et j'avais énormément gambergé à propos de la Colonne Deux. J'en avais conclu que je n'étais pas faite par nature pour « dominer. » (Z'allez m'écouter ? Il y a seulement quelques semaines, j'ignorais carrément le sens du terme « soumise » et maintenant j'en suis une. C'est à cause de lire ASB. Ch'uis cultivée, maintenant.)

            Il m'avait envoyé balader. Il pense que la Liste devrait être sacrée... que si nous commencions à en infléchir les règles, le soumis/la soumise ne saurait plus sur quoi pouvoir compter. Je suppose que c'est vrai, mais pourtant, si les deux sont d'accord... Il pense aussi qu'un mois d'affilée (peut-être que 'en continu' est un meilleur terme) suffit amplement. Il a sans doute raison. Je pense que j'aimerai faire ça à certains moments particuliers plutôt qu'en continu. Mais je n'ai pas encore envie de m'arrêter tout à fait. Le mois fut délicieux. Pourtant, je pense que si on est d'accord tous les deux, ça ne devrait pas poser de problème. Mais il n'acceptera jamais, je suppose donc qu'on n'ira pas plus loin.

-*-                       

J m'a demandé de préparer un dîner chic pour mardi soir. Et de me préparer avec un soin tout spécial. Il désirait être surpris. Je dois avoir une imagination assez pauvre, car la seule chose à laquelle j'ai pensé fut d'inaugurer la tenue de harem. J'en ai presque honte, quand j'y repense. Quand j'avais entrepris de la faire, elle m'avait semblé parfaitement appropriée à ce que nous faisions, mais ça me paraît tellement puéril comme fantasme par rapport à tout ce que nous avons fait ultérieurement qu'elle m'apparut comme un mauvais cliché avant même que je l'essaye.

Mais je l'avais achevée, alors j'allais la mettre. Je crois que les deux seules idées auxquelles j'ai contribué ont été la danse de harem et le maquillage style poupée de chiffons, et qu'elles firent chou-blanc. J avait sauvé l'idée du maquillage du naufrage et l'avait rendue intéressante en la prenant en charge ; il est trop gentil pour oser le dire, mais moi-même je trouve mes idées banales comparées aux siennes et à ce qu'il a fait. Je retire ce que je viens de dire. Supprimer mon haut-le-cœur à l'aide d'un anesthésique fut un trait de génie. Ce fut aussi le produit d'un esprit retors, mais néanmoins génial. Et l'idée de la déesse sylvestre fut aussi la mienne. Peut-être que je ne suis pas si débile que ça, après tout. Enfin, je préfère être celle qu'on divertit plutôt que vice-versa.

J'avais l'intention de traiter J comme un roi, ce soir-là. Je lui préparais des plats que je pourrais lui servir de ma main, une bouchée à la fois, et je me vêtis partiellement comme une femme au harem. J'avais acheté une ceinture indienne en tresse argentée à pas cher, qui formait un genre de pagne en V assez décoratif. J'avais des tas de bracelets aux chevilles et aux poignets, et des bagues aux orteils et aux doigts, ainsi qu'un (faux) anneau dans le nez. Grâce à la lotion, j'avais une allure assez persane avec mon bronzage. Mon maquillage était impeccable et sophistiqué : des yeux inclinés à la persane, les mamelons rougis, un bijou dans le nombril, une mouche maquillée, un voile d'obscène longueur, de faux ongles, une perruque noire comme une immense crinière, des bijoux pendants au milieu du front, du parfum au santal, et tout et tout.

Je le servis comme un prince dès qu'il eût franchi le seuil. Je lui fis prendre une douche et je le lavai, l'enduisis de conditionneur, lui frottai le dos, lui servis à boire et le bourrai de hors-d'œuvre. Je mis de l'encens. J'allumai des bougies partout dans la maison. Je passai de la musique exotique et je me trémoussai (et ondulai) en cercles autour de lui. Je me dévêtis en dansant, et j'ôtai tout sauf les pendentifs. La perruque tomba pendant l'apothéose finale. Quand la musique s'arrêta, je me prosternai à ses pieds (enfin, près du sofa, puisque c'était là qu'il s'était allongé, sultanesque) et je lui demandai si je pouvais lui mendier une faveur, à la manière autorisée pour les esclaves.

Je lui ai demandé très sérieusement à être exemptée de la Colonne Deux. Je lui ai proposé de le laisser me faire n'importe quoi si seulement nous pouvions aller un peu plus avant dans la Colonne Un. Je lui offris de le laisser me poser un anneau dans une narine, ou (encore plus tordu) dans la cloison nasale. Il n'a encore rien fait de permanent pour me marquer comme étant sienne. Les tatouages sont sur la Liste, mais il ne m'a pas demandé de m'en faire faire un. Je le lui proposai. J'avais préparé une longue liste de choses qu'il aurait pu désirer me faire, et, alors que je déblatérais à propos de cette Liste, il restait assis, muet. Quand je tombai en panne de mots et que je me mis à bafouiller pour finalement m'arrêter, il resta silencieux. En fin de compte, je lui dis qu'il pourrait me faire tout ce qu'il voudrait. Tout. Toujours pas la moindre réaction.

Je ne sais vraiment pas ce que j'aurais pu faire ou dire de plus.

Je crois que je l'avais un tantinet irrité en insistant lourdement sur mon désir de le voir continuer à me « dominer ». Finalement, il me demanda d'arrêter de tenter d'en discuter, et que la Colonne Un s'achèverait au jour et à l'heure prévus, comme nous en avions convenu.

Je protestai que j'avais mendié de manière abjecte comme une bonne esclave se doit de faire et que c'était injuste de m'arrêter. C'était stupide de ma part. De toute évidence, une bonne esclave aurait dû la fermer si on le lui avait demandé. Il me dit qu'il allait me punir pour mon coup de gueule, et il le fit.

Je crois qu'il fit cela pour que j'aie ENVIE que la Colonne Un prenne fin.

Il me boucla le baîllon-boule et me dirigea vers la chambre, où il me demanda de me mettre en position de demi-lotus. Nous avions suivi un cours yoga ensemble (une soirée par semaine pendant neuf mois) et nous sommes assez souples, quoique pas autant que la prof. Elle était incroyablement flexible, mais un peu trop dans un trip de mystique orientale à notre goût. C'est dur de trouver un prof de yoga qui n'avilisse pas sa discipline en la mêlant à une théorie cosmico-mystique incluant vérité, beauté, paix, harmonie, vertu, et végétarisme. On pourrait dire du Yoga qu'il s'agit d'une pratique corrompue par la moralité. Ceci dit, ce n'est pas pour ça qu'on a laissé tomber. On avait bien apprécié, malgré le rituel et l'encens. Peut-être que je suis trop estampillée Middle West. Je déteste quand je mets tout en permanence sur le dos de mon éducation. Peut-être ne s'agissait-il là que de ringardise bornée. Mais le fait que je sois bornée ne signifie pas que le mysticisme ne soit pas de la daube.

Enfin bon. Voilà que j'étais en position de demi-lotus et que J me s a n g lait les jambes ensemble pour que je sois coincée de la manière suivante : la cheville droite par dessus le genou gauche, la cheville gauche sous le genou droit, deux courroies enroulées et bouclées. Puis, avec une étrange symétrie, il me s a n g la les avants-bras dans une position similaire, dans le dos.

Je suppose que vous pourriez appeler ça une corruption du yoga par l'immoralité ?

Il quitta la chambre pour aller chercher quelque chose ; je pensai qu'il allait me laisser comme ça quelque temps, mais il revint tout de suite. Il m'abaissa de façon à ce que mon visage touche le lit et que mon derrière soit soulevé d'un côté, et que je ne repose que sur un côté de mon visage, ma poitrine et mes épaules à l'autre extrémité. Je parle d'un sentiment d'être avilie et gauche, et touchant à la douleur. Il alla chercher une bouteille d'eau chaude et tout un tas de tuyaux en caoutchouc dans la salle de bains. Tout d'abord, je m'imaginai qu'il allait m'administrer le même truc qu'il m'avait déjà fait avec la capote pleine d'eau (il y a des lustres, dans « l'Article 17 », c'est ça ?), sauf que là, il inséra deux tuyaux en moi, l'un muni d'une capote et l'autre pas.

« Tu m'as dit que je pourrais tout te faire. Tout, » me dit-il.

« On verra si tu en auras toujours envie demain. »

Il me fit me m'accroupir et commença à remplir la capote sise en moi tout comme auparavant. Je la sentis se gonfler.

Quand elle fut pleine, il me retourna sur la poitrine et ôta le tuyau de la capote, comme la dernière fois. La capote pleine d'eau était en moi, agissant comme un bouchon. Elle était fermée par un élastique de manière à pouvoir être percée et vidangée plus tard. Pour l'heure, j'étais bouchée. Je ne pouvais en aucun cas expulser un truc aussi énorme. Il me remit dans ma position de semi-lotus originelle, et il commença à m'emplir par le biais du deuxième tuyau. Comme je m'emplissais de plus en plus, je devins incapable de rentrer mon ventre. Il me fallut me détendre et laisser mon abdomen se distendre sous la pression de l'eau. Mon ventre faisait bosse. La bouteille d'eau chaude était suspendue à plus d'un mètre de haut et je ne parvenais pas à empêcher le flux de s'écouler en le repoussant ; ni le stopper en me contractant le fondement : le tuyau ne s'aplatissait pas.

Avant que ça ne devienne inconfortable, il arrêta le flux, m'ôta le bâillon et me dess a n g la les jambes. Je passai par plusieurs phases de jérémiades dues à la douleur intense avant de pouvoir m'étirer les jambes, après être restée si longtemps dans cette position. Je crus qu'il en avait fini avec moi, que c'était tout ce qu'il m'avait réservé, mais j'avais tort.

Il me mit debout, me s a n g la les chevilles ensemble de façon à ce que je ne puisse faire que le plus petit des pas, et m'attacha les bras à une des chaînes du plafond. Je l'observais alors qu'il scotchait une boucle du tuyau à la base d'un vibromasseur et qu'il l'introduisait dans mon sexe, avec le tuyau calé entre mon clitoris et l'embase de l'appareil. Il le scotcha là. Puis il amena une commode tout près de moi. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il allait faire. Puis il libéra le flux et mit le vibromasseur en route.

« Qu'est-ce que tu me fais ? » lui demandais-je.

« Tu peux bloquer le flux en appuyant le vibromasseur contre la commode, » dit-il. Il me remit le bâillon-anneau en bouche. Déjà, ce n'était plus l'affreux bâillon-boule. Je commençais à être très pleine.

Peu de temps après, je me sentis incommodée et je m'appuyai sur le tuyau, qui transmit les vibrations directement à mon clitoris, mais cela endigua le flux. Mon ventre se mit à gargouiller et l'inconfort s'évanouit, et je restais appuyée de peur que ça ne revienne.

J'essayai d'ignorer les vibrations en me pressant contre le tuyau. Je découvris qu'il me fallait m'appuyer très fort pour contrer le flux. Une dizaine de minutes plus tard, je fus incapable d'endiguer l'orgasme et alors que je tentais désespérément de me maîtriser, je m'emplissais encore. Je me remis à m'appuyer, mais je jouis quelques minutes plus tard. Ce fut le dernier de la soirée. Au bout d'un moment, les vibrations devinrent tellement exaspérantes que je dus renoncer et laisser le flot s'écouler librement.

Je vis mon ventre se distendre lentement et se muer en panse. Il s'enfla jusqu'à ce que qu'aie l'air d'être enceinte. Je regardais J par dessus mon ventre, l'implorant des yeux pour qu'il s'arrête. De temps à autre, j'émettais de petits miaulements inintelligibles - pas tant pour essayer de parler que de tenter d'exprimer ma gêne grandissante. À plusieurs reprises, je me sentis mal, mais à chaque fois que mon estomac se mettait à gargouiller, la gêne disparaissait, et le flux continuait de s'écouler.

Je savais que le tuyau était trop étroit pour que la pression de l'eau puisse me léser, mais je me sentis si lourde et grosse que je dus laisser s'échapper un soupir. Il fit durer le plaisir un peu plus longtemps encore. J'étais incapable de dire si la pression de l'eau s'était équilibrée avec la pression en moi ou si je me dilatais encore, mais en fin de compte il arrêta tout et retira le tuyau. Je m'étais contractée pour empêcher les fuites autour du tuyau, et après qu'il l'eût ôté, j'eus encore à tenter d'enrayer l'humiliation provoquée par l'eau qui me dégoulinait sur les jambes. Mais je n'avais pas de souci à me faire. Je n'aurais jamais pu l'expulser, quoi que j'aie fait, bondée comme je l'étais.

Il m'ôta le bâillon, me libéra des chevilles et de la chaîne suspendue. Avec les bras s a n g lés dans le dos, je ne pouvais atteindre la ficelle entre mes cuisses, bien qu'étant libre d'aller à mon gré. Immédiatement, j'allais à la salle de bains, mais rien à faire pour expulser la capote ou l'eau. Pas une goutte. Je suis allée pisser. Ça n'a servi à rien. Dans la glace, on aurait dit que j'étais enceinte de cinq mois. Je me sentais invraisemblablement distendue et je n'avais qu'une idée en tête : que toute cette eau s'en aille ; bien sûr j'étais dans l'impossibilité de le faire. Je me sentais si gauche et gonflée. Je ne pouvais pas même marcher normalement avec mon abdomen si dilaté. Je me dandinai hors de la salle de bains pour aller l'affronter.

« Bon Dieu, » pleurnichai-je, « qu'est-ce que tu m'as fait !? »

Je l'implorai de me désemplir. Mais il me laissa comme ça, et me fit l'amour dans cet état. Je suppose que je devrais dire qu'il m'utilisait pour sa satisfaction personnelle : je ne tirais guère profit de cette situation. Il me fit m'asseoir au bord de la table du salon et il me pénétra debout entre mes jambes et je m'allongeai sur le dos et sur la table, en attendant que ça se passe. Tout de même, il ne reposait pas de tout son poids sur mon ventre. Je n'eus pas d'orgasme, et il n'avait pas l'air de s'en soucier.

Quand il en eut fini avec moi, il me libéra les bras. Je pris mon ventre entre mes mains et je me ruai vers la salle de bains.

« Attends, » me dit-il. Je m'immobilisai, mais sans me retourner. Je me balançai sur mes jambes, suppliant de redevenir normale. « Tu es splendide quand tu as l'air inquiète, aussi, » dit-il. Je tenais toujours mon ventre dans mes mains comme s'il était trop fragile et qu'il allait éclater. « D'accord, » me dit-il en me laissant partir.

Dans la salle de bains, je tirai doucement sur la ficelle, jusqu'à parvenir à crever la capote à l'aide d'une paire de ciseaux pointus. Elle se vida rapidement, et moi aussi. Je suis navrée de ne pouvoir rendre tout cela sexy et plaisant, mais je ne me sentais pas très sexy et je ne m'amusais guère. Je lui avais dit qu'il pouvait tout me faire, mais je crois (j'espère) qu'il a choisi de me faire cela pour me faire changer d'idée quant à le faire continuer de me dominer. Ou bien que J est plus enclin à ce genre de trucs que moi, vu qu'il a une prostate à stimuler, lui. Peut-être qu'une jolie infirmière lui avait administré un lavement, autrefois. Demandez à Freud. Ça ne m'excitait pas du tout, moi.

OK. J'ai enduré ça, j'ai écrit sur ça. Je me considère comme étant plutôt libérale sur la plupart des sujets. Je crois que rien ne puisse être suffisamment obscène pour justifier la censure, mais ceci, pour moi, était plutôt vulgaire. Je me sentais... souillée.

Ma définition de l'obscénité, c'est tout ce qui peut faire bander un juge. Du moins, c'est ce que j'ai toujours pensé, et encore maintenant.

Je ne suis plus très sûre de penser encore ainsi. Peut-être bien que ce que J m'avait fait était obscène. Peut-être qu'il avait envie qu'il en fût ainsi. J'en vins à conclure que s'il avait dû continuer à me dominer, je n'aurais pas souhaité aller plus avant dans cette voie spécifique. C'est peut-être pour cela qu'il l'avait fait. Il est fort probable aussi que je lui en avais soufflé l'idée en m'apprêtant pour le sexe anal. Mais je n'ai aucune envie de revivre cette scène. Aucune

 

Il se rattrapa le lendemain. Je suppose qu'il désirait me démontrer à quel point ça pouvait être bien si l'on s'en tenait aux règles. Quand je dis bien, j'entends par là que ce fut la meilleures de toutes les fois, et la plus effrayante. J'ai déjà dit qu'il m'avait menée aux confins de la souffrance. C'est de cela qu'il s'agit.

            Avec le lait bronzant, dès mercredi, ma peau était devenue marron foncé. Très foncé. Il me demandait toujours de m'en appliquer partout. Sur le cuir chevelu, le visage, à l'intérieur des oreilles, partout. Je crois bien que les pilules commençaient aussi à faire leur effet. Ça commence à tacher les draps. Ils vont être foutus si je continue. Ceux de sa chambre finirent massacrés après la scène que je vais vous décrire.

            J'avais tout juste fini de m'appliquer la troisième dose quand il me fit m'asseoir au bord du lit et qu'il m'attacha la courroie ventrale de la ceinture d'(in)chasteté tout en me passant des s a n g les aux chevilles et aux genoux, avec une barre pour me les écarter. Puis il attacha mes poignets à l'arrière du collier et m'inclina vers l'avant en enchaînant les s a n g les des genoux à l'avant du collier. Ce qui exposait mon entière nudité. Il me mit à plat ventre sur le lit, reposant sur mes coudes et mes genoux avec mon derrière en l'air, puis il relia le collier au moyen d'une chaîne à la tête du lit, et les chevilles à son pied.

            [NVDF : je n'arrive toujours pas à croire que j'ai couché par écrit tout ce que nous avons fait, par moment. Désolée pour l'interruption, mais cette pensée me titille de temps à autre.]

            Puis il écarta mes genoux et les fixa aux rebords du lit. Je ne pouvais ni bouger d'un pouce ni me retourner, ni rien faire d'autre que rester agenouillée là avec les fesses en l'air et me demander ce qui allait suivre. Il commença par m'assouplir l'entrée postérieure avec de l'huile de massage.

            J'entre vraiment dans le jeu quand il me manipule de ses doigts, maintenant. Il sait précisément comment s'y prendre. Il me caresse aussi bien que moi-même, quand j'ai les mains libres. Bien sûr, il a tendance à me taquiner, mais il est aussi familier avec mon corps qu'un v i o l oniste pour son instrument. Il peut rester quasiment détaché tout en m'excitant.

            J'ignore si vous vous en êtes rendus compte, mais depuis un mois je suis plutôt souple sur ce que je l'autorise à me faire. Bien sûr, je lutte contre tout ça, mais ma lutte s'est transformée en un rituel que je pratique à l'occasion - quand je suis nourrie d'une vraie appréhension - , mais la Liste m'a réellement protégée de tout ce qui aurait pu me causer préjudice. Je m'étirai dans tous les sens pour tenter de voir ce qu'il faisait derrière moi, tournant ma tête de gauche à droite pendant qu'il préparait son dernier divertissement en date. Quand je vis de quoi il en retournait, mon appréhension se mua en terreur.

            Plusieurs fois déjà, dans le passé, je fus punie pour une infraction quelconque à une règle insignifiante, élaborée dans le seul but de me punir. Parfois, je me rebiffais. Maintenant, il me fait ces choses sans avoir à me justifier quoi que ce soit. Il ne s'agit plus de châtiment, c'est juste pour son plaisir. Ou sa fascination. Je peux bien accepter cela aussi. Sauf qu'il fit une exception, cette fois-là, au propre et au figuré.

            Finalement, je vis ce qu'il s'apprêtait à me faire...

            « Tu ne vas tout de même pas me mettre ça dedans, non ? » couinai-je. « Maître ? » ajoutais-je à la hâte. C'était un godemiché monstrueux. Ou qui paraissait énorme. Jusqu'à présent, c'était la chose la plus grosse que j'aie eu en moi, et elle n'est pas en plastique dur, cette fois. Cette chose est largement plus grosse que lui. Des épithètes tels que monumental me vinrent à l'esprit. Héroïque. Fabuleux.

            Je commençai à me débattre et à protester, mais même lorsque j'eus pesé de tout mon poids contre les s a n g les, je n'aboutis à rien d'autre que de m'écarteler un peu plus encore. Je ne pouvais ni tomber, ni me redresser.

            Il me desserra d'un cran, mais j'avais des difficultés à coopérer. Je continuai à lutter, mais en vain. La DIMENSION de l'engin dépassait tout ce que j'avais pu imaginer. Quand il commença à l'introduire, je sus qu'il me faudrait coopérer autant que je le pourrais, et j'essayai de faire de mon mieux. J'arrêtai de lutter et je tentais de me détendre. Il écarta mes fesses et je me détendis assez pour qu'il puisse l'y enfoncer, et, au tout début, je parvins à le supporter. Il était pointu du bout. Mais alors que j'étais en train de penser au fait que j'avais en moi l'entier diamètre de la chose, il le poussa un peu plus profondément et j'en eus le hoquet, un vrai hoquet.

            « C'est trop gros, » pleurai-je, « C'est insupportable ! Ça me tire ! » Je me cambrai inutilement vers l'avant pour y échapper, persistant dans mon inefficace rébellion, mais de la façon dont j'étais attachée, cela ne fit que soulever mon derrière encore plus haut en l'air. Il n'y avait pas moyen d'y couper. Je n'arrêtais pas de l'implorer pour qu'il s'arrête, mais il se contentait d'attendre que je m'adapte à la sensation, pour continuer à me l'insérer. Je me remis à crier. J'étais dilatée au point de me demander si je n'allais pas en être blessée. Intellectuellement, je sais que le corps humain est très résistant. Une foule de gens s'étaient pointés aux urgences avec des objets bien plus gros (et plus intéressants) que celui qui était en moi (un petit buste de Mozart, par exemple, mais c'est une autre histoire. Vous pouvez vous imaginer les grosses vannes sur les mélomanes et leurs collections de bustes japonais, etc.), mais j'étais incapable d'intellectualiser ça. Tout ce que je savais, c'est que j'étais envahie, que c'était trop gros, que je ne pouvais pas m'en débarrasser, ni l'empêcher de progresser en moi.

            Quand il fut finalement en moi jusqu'à sa base, je me sentis extrêmement fragile, dilatée à l'extrême, prête à me rompre, et très, très pleine. Il me boucla la s a n g le d'entrejambe dans le dos, pour le maintenir en place. Il n'y avait rien que je puisse faire avec mes mains attachées à mon cou. Il me libéra du lit pour que je me redresse. Je ne pouvais pas m'asseoir. Ça m'aurait blessé. Peut-être que non, mais c'est ce que je ressentais.

            Enfin bon, certains sont nés grands, d'autres parviennent à la grandeur, et d'autres encore ont la grandeur plantée en eux.

            [Note Venant du Futur, mais d'un futur pas très lointain : il y a quelques jours il m'a avoué m'avoir montré un certain vibromasseur, mais qu'il m'en avait enfoncé un autre, plus petit. Pourtant, celui qu'il m'avait enfoncé était aussi gros que lui et un tantinet moins indulgent. J'imagine fort bien que c'est ce que les potes d'A.S.B. appellent une enculade mentale. ]

            Il m'enleva la barre s'écartement, mais me laissa les poignets attachés au cou. Je dus ramper pour me relever, et après, je ne pus marcher qu'avec les plus grandes difficultés, et légèrement penchée en avant. Il me passa la petite chaîne dans les anneaux des seins et me tira avec elle dans la douche... Il n'ouvrit pas le robinet ; il me massa avec de l'huile jusque dans les moindres replis. Il en passa même par dessous la ceinture qui retenait le godemiché.

            Dans la salle de bains, mon corps totalement glabre, marron et huilé offrait un sacré spectacle. J'avais l'air d'une espèce de sauvage polynésienne captive et mise en esclavage.

            Il fixa une chaînette - un collier, en fait - à la chaîne d'entre mes seins et s'en servit comme d'une laisse pour me traîner hors de la maison. Il ne fallait que la plus minime des tractions pour me diriger à son gré. Lors d'un instant de panique, je pensai qu'il m'amenait à la voiture (j'aurais été obligée y aller), mais il me fit juste faire un petit tour dans la cour, comme un chien en promenade. Je marchai - en boitillant presque - derrière lui. J'étais légèrement penchée en avant, faisant tout pour ne pas être impitoyablement déchirée par le godemiché. Et la laisse à tétons.

            Le soleil se couchait après une petite averse tiède et l'atmosphère de la cour avait pris cette teinte d'un vert-doré lumineux qui survient quelquefois lorsque l'air est limpide et frais, et que le soleil côtoie l'horizon, derrière le rideau des arbres. L'herbe était mouillée sous mes pieds et elle resplendissait d'un vert intense et printanier ; les bois environnants étaient sombres et sentaient la feuille humide. L'air était tiède et sans la moindre brise, et la saison n'était pas suffisamment avancée pour qu'il y ait des moustiques. Nous avons senti les fleurs et il a cueilli deux azalées pourpres qu'il m'a mises dans chaque anneau : dans la lueur crépusculaire et sur ma peau d'or sombre, elles avaient l'air phosphorescentes.

            Toutes ces visions et ces fragrances étaient aussi intenses que l'incertitude des émotions, l'appréhension, et les sensations physiques de plénitude et d'étirement que j'avais ressentis quand il m'avait fait faire le tour de la cour. Je hoquetai de temps à autre, quand mes tétons ou mon derrière réclamaient mon attention.

            Il y a un petit chemin gazonné qui court dans les bois jusqu'à une petite clairière bordée d'azalées. C'est tout à fait ravissant : les massifs d'azalées sont aussi anciens que la maison (une bonne cinquantaine d'années) et ils sont démesurés. Un peu plus tôt, sans me l'avoir dit, il avait étalé une grande couverture sur le sol de la clairière, et ce fut là qu'il m'amena.

            J'étais debout au centre de la clairière et il détacha ma laisse. Il se mit à genoux devant moi pour me retirer les s a n g les des genoux et des chevilles, puis il se releva pour me libérer les poignets de l'anneau dorsal. Ma main se dirigea vers la courroie qui retenait le godemiché, mais il me la saisit et la dirigea vers son sexe. Qui était raide sous le pantalon. Il me demanda de le déshabiller. Je le fis, en m'agenouillant aussi gracieusement que l'engin en moi me le permettait, et je lui ôtai ses sandales et son pantalon.

            Quand il fut dévêtu, il se mit à genoux à côté de moi et il m'aida à m'allonger sur l'épaisse couverture de laine, où il me déboucla la ceinture, qu'il retira doucement. Je n'avais plus rien d'autre que le collier et l'énorme chose en moi.

            Tout doucement, il souleva mes jambes et les écarta, et avec une lenteur calculée, il entra en moi. Je m'écartai plus encore, pour mieux l'accueillir. Il me fit l'amour très tendrement, probablement parce nous en étions arrivés à l'une des ultimes soirées de notre mois, peut-être aussi à cause de la chose. Peut-être aussi à cause de l'ambiance créée par les azalées qui nous environnaient et au rougeoiement du soleil couchant.

            Ensemble, nous nous hissâmes d'un plateau l'autre, semblant errer sans but d'une sensation à la suivante, sans chercher d'apogée. Ce fut un voyage langoureux et posé. Nous étions sur un crescendo des plus lents des plus harmonieux, un véritable supplice de Tantale. À un moment donné, il nous roula tous deux en douceur et me fit passer par dessus lui afin de pouvoir manipuler l'objet en moi.

            C'était comme s'il m'avait engagée à le suivre exactement à son rythme, marquant la pause, hésitant au bord du gouffre, à nous approcher de l'abîme et le scruter sous tous ses angles, sans y plonger toutefois. En temps normal, je me tends vers l'orgasme ; que nous savons pouvoir obtenir au moment opportun, alors nous le différions, nous taquinant l'un l'autre, lançant un œil au fond du précipice pour ensuite le reposer ailleurs, encore et encore, tout au bord du rebord, un peu plus longtemps chaque fois. Finalement, nous nous sommes regardés au fond des yeux et nous sûmes que le moment était propice. Nous nous sourîmes l'un et l'autre en dedans, puis nous plongeâmes de concert en nos intérieurs pour mieux en contempler les profondeurs et patienter main dans la main, sur la corde raide, en attendant que cela vienne et nous prenne de concert.

            Nous savions qu'au moindre tressaillement de l'un ou l'autre, nous déclencherions une avalanche qui nous ferait passer par dessus bord. Et pourtant nous attendions, les yeux dans les yeux, pleinement conscients du monde intérieur secret que nous partagions. Un petit hoquet de surprise s'échappa de moi quand je plongeai dans le flou, tombant loin de lui, droit dans l'abîme, mais ce hoquet minuscule l'attira avec moi et nous chûmes ensemble. Nous n'avions pas perdu le contrôle, on ne se préoccupait tout simplement pas de le conserver. Au lieu de ça, nous nous laissâmes tomber ensemble et pour toujours. Quelque part, très loin au dessus de moi, j'entendais quelqu'un qui criait. Il se pouvait que ce fût moi.

            -*-

            D'accord, je me suis laissée emporter en écrivant ça, mais je crois bien que ce fut le meilleur orgasme que j'aie jamais eu, sans aucun doute, alors j'ai bien le droit. Ça ne le met pas en valeur, mais ça donne une idée générale de ce que ce fut. Je comprends mieux pourquoi les Français appellent ça la petite m o r t . Je me souviens avoir pensé de manière fugace combien il était vain de TENTER d'obtenir un orgasme. Ils sont tellement meilleurs si vous les laisser arriver tout seuls. Imaginez, c'est comme si l'objectif d'un orchestre symphonique soit d'arriver à la fin de la partition plutôt que de se concentrer sur le jeu musical et tout le reste. Cela nuit à l'intention, et pourtant le sexe avait toujours été orienté vers un but, selon moi. « Atteindre » l'orgasme est subtilement enraciné dans ma pensée profonde et c'est une attitude profondément ancrée, difficile à changer. De toute évidence, je travaille là dessus.

Après coup, il nous fallut un long temps pour récupérer. Ou bien peut-être profitions nous de la sensation de flottement qui survient après coup. Vous voyez ? Me voilà repartie. C'était pas vraiment fini, vous croyez pas ? On venait juste de passer un crescendo dans la partition, mais la musique continuait toujours. CONTINUE ! et CONTINUE encore. Pfffff ! Quand je pense qu'on peut se louper toute une vie rien qu'en n'y faisant pas gaffe.

            Le ciel, les azalées, la cime des arbres, tout semblait baigner dans la même phosphorescence que celle que j'éprouvais. Je me remis sur mes mains et mes genoux et je m'étirai langoureusement à la façon des chiens. Il fit courir sa main sur mes reins, jusqu'à atteindre la chose, qu'il toucha légèrement, la remuant juste assez pour me faire réagir.

            Les yeux fermés, j'étais à quatre pattes et j'attendais ; il était allongé à côté de moi, sa tête reposant sur une main ; il me dévisagea de tout près en me retirant la chose. Je me concentrai attentivement sur éprouver/jouir de tout alors qu'il lui frayait un chemin vers l'issue, parfaitement consciente du fait qu'il m'observait. J'en savourai chaque millimètre et, plutôt que de simplement le retirer, il m'aida, déchiffrant chaque frémissement et le moindre sursaut, morsure de lèvres ou mon dos trop cambré, chaque inspiration forte, le plus insignifiant de mes mouvements. Il sait depuis toujours que le voyage est bien plus important que la destination. Je frémis en plusieurs répliques, comme après un séisme, et quand il en vint à sa fin, la soudaineté d'être vidée me laissa palpitante et crispée sur moi-même, sans nulle autre stimulation que celle de mon esprit. J'étais dans un état si avancé que je n'étais pas même sûre que la chose fut extraite de moi.

            Je m'effondrai sur la couverture et il me serra dans ses bras et me couvrit de caresses pendant que j'atterrissais. Je me retrouvai allongée sur le dos à observer les premières étoiles de la nuit. Un moment plus tard, il me rattacha la petite chaîne-collier à celle de mes seins, puis nous nous levâmes.

            Après qu'il m'eût ramenée dans la maison, il me demanda de me vêtir pour lui, pendant qu'il nous préparerait un repas léger. J'essayai tout ce que j'avais face au miroir, mais rien ne s'accordait à ma peau si brunie. Les tenues de coton blanc (la robe et la tenue ajustée) juraient avec elle. La culotte avait l'air artificielle. J'eus une inspiration et je me confectionnai un genre de pagne/string avec des chutes du tissu de la robe de coton. Le blanc faisait bel effet sur ma peau sombre. Il le pensa aussi. Le fait de manger ainsi vêtue à la table en chêne, avec des bougies et dans de la vaisselle d'argent m'alluma sérieusement, sans que je sache pourquoi. J'en vins presque à souhaiter de pouvoir le faire dans un restaurant chic, juste pour me délecter du regard des autres quand J m'y ferait entrer en me tirant par la laisse. Bien sûr, je ne le ferais pas pour de bon... sauf si je pouvais être certaine de ne pas me faire arrêter. Je me demande de quoi j'aurais l'air, vêtue d'une seule feuille de vigne ? Il y a une vigne dans le jardin. Je mangeai avec les doigts, juste pour l'effet.

 

 

            Ceci va être mon dernier article. Lorsque nous fîmes l'amour hier soir (mardi), ce fut du sexe à la vanille, et même si je me m'en étais pas rendu compte sur le moment, c'était exactement (à une heure près) quatre mardis auparavant que nous avions entamé la Colonne Un. Il me roula par dessus lui et me dit, « Il est temps de commencer la Colonne Deux, » et ce fut tout. Je veux dire par là que nous eûmes droit à nos orgasmes à la vanille et qu'il furent très chouettes, pour sûr, mais il était clair que ça se finissait à l'instant même.

            J'aurais souhaité que l'épilogue de ce petit mélo se conclue en un Crépuscule des Dieux érotique, mais ce ne fut pas le cas. Si vous avez envie d'une Chevauchée des Walkyries de style orgastique, retournez à l'Article 20 et tentez de percevoir ce qu'il fut pour moi.

            Je suppose que je n'ai plus aucune raison d'écrire d'articles supplémentaires, puisque mes chaînes sont tombées, maintenant - apparemment - , mais je vais achever celui-là. Après ça, je suppose que J sera le rédacteur des paragraphes suivants, si toutefois je parvenais à me convaincre de le lui demander.

            Maintenant, je peux tranquillement avouer que j'ai esquivé deux jours de lait bronzant (d'accord, j'ai menti dans l'article précédent), et j'ai mis ma peau à vif en frottant pour m'en débarrasser, mais j'ai encore le teint fort sombre. Je n'ai pas encore de marbrures, mais ça ne saurait tarder. Il va me falloir un sacré bail avant que je puisse oser m'extraire de la maison, même munie d'une perruque. Il me faudra une bonne semaine avant que j'aie l'air de Sinead O'Connor.

            Je ne suis pas du tout prête pour ce trip de domination. J'ai peur de détruire l'image de J en tant que Maître. Ou plutôt l'image que je me fais de lui en tant que Maître. Et puis, il faut dire qu'après le truc avec la capote, je ne suis pas certaine d'avoir envie de continuer en tant que soumise non plus, du moins pas avant d'avoir élaboré une autre Liste, et que nous nous y conformions.

            Il me sel que je devrais rajouter quelque chose de profond, là, mais je ne suis pas très profonde. J'ai tendance à me croire un peu bête. Je me connais un peu mieux maintenant, mais il est possible que seuls les gens superficiels parviennent à se connaître.

            Je pourrais qualifier quelqu'un D'AUTRE de profond, si seulement j'arrivais à me rappeler de celui qui disait : « Dès le départ, les jeunes filles savent tout des choses de l'amour ... seule leur capacité de souffrir croît au fil du temps. » Sauf qu'il ne s'était pas vraiment agi de souffrance, dans mon cas.

            J'ignore si j'ai perdu J ou l'être que je pensais qu'il était, ou quoi. Je crois que je pourrais le quitter s'il n'avait pas la f o r c e  de me garder. Je pourrais tout aussi bien le quitter si son dernier trip en date - à savoir la capote, et tout le tintouin - n'eut été qu'un aperçu du vrai J, et non pas juste une façon de me baiser la cervelle. Je n'ai pas encore eu le temps de me forger d'opinion. S'il l'a fait à cause de lui plutôt que malgré lui, alors je suis de l'histoire ancienne.

            Or donc, salut à vous tous sur A.S.B, qui êtes manifestement le seul lectorat à profiter de ce petit compte-rendu. Un gros bisou à vous. Blague à part : je vais tracer un petit cercle ci-dessous, sur l'écran, et je vais poser un téton dessus en guise de baiser d'adieu.

 

            Je sais bien que c'est électronique et que c'est par le biais du Net et que c'est stocké sur une disquette et que c'est pas le même écran et tout et tout et que c'est un peu barje, mais nonobstant, il s'agit d'une vraie bise,

 

gigipanpan

 

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